A Moulins, ancienne capitale des Bourbons, plus de 200 hôtels particuliers ont été bâtis. Des habitations qui s’apprécient juste en flânant dans les rues. Et souvent il suffit de pousser une porte pour découvrir derrières les façades des trésors d’architecture.
Une grande façade élégante de pierres et de briques regarde la cathédrale. C’est le siège d’une librairie de livres anciens. Nous sommes dans le cœur historique de Moulins. Cet hôtel particulier du XVe siècle cache un vrai trésor. Il est privé mais ses propriétaires, sur demande, acceptent que l’on pousse la porte pour le traverser de part en part. Sur l’arrière, le silence tranquille de la cour du Doyenné. Une cour nommée ainsi parce qu’ici, vécurent les doyens successifs du chapitre de la collégiale. Car autrefois, la cathédrale, juste de l’autre côté de la rue, fut une collégiale. La surprise est de taille.
C’est sans doute la plus belle façade de cour intérieure à Moulins
Une magnifique façade gothique se dresse vers le ciel, il faut pencher la tête bien en arrière pour en savourer tous les détails. « C’est sans doute la plus belle façade de cour intérieure à Moulins », souligne Vincent Thivolle, guide-conférencier. Des gargouilles dignes de la cathédrale Notre-Dame de Paris jouent de leur visage grimaçant.
« Elles sont très impressionnantes », reprend notre guide. « Nous sommes à la fin du XVe siècle, une époque où l’on construit le chœur de l’actuelle cathédrale. On est dans une architecture gothique qui commence à sentir la Renaissance. On a encore beaucoup de gargouilles qui sont un héritage du Moyen-Âge, un héritage gothique, avec des personnages qui sont assez fantastiques et difficiles à identifier. »
Le musée de la Visitation
La promenade reprend. Direction, le musée de la Visitation. Il faut longer la cathédrale, s’engouffrer dans une petite rue sur son flanc sud. Sol pavé, maisons à colombages ou de pierres. Les voitures stationnées rappellent que nous sommes toujours au XXIe siècle. Le musée accueille aujourd’hui les collections d’une congrégation religieuse, les Visitandines. Il est installé sur une petite place à l’abri de la circulation automobile. « Il s’agit d’un bâtiment du XVIIe siècle, époque Louis XIII », annonce Vincent Thivolle. Derrière sa grille forgée, une cour donne vue sur un somptueux escalier de chêne qui dessert tous les étages par des galeries extérieures. Moulures et balustrades patinées par les ans. Une véritable œuvre d’art. « Cet escalier correspond vraiment à cette idée de rationaliser les espaces de distribution pour permettre l’accès aux différents lieux de vie. »
Attention, on a 145 marches à gravir
Pour atteindre la prochaine étape, juste quelques pas sont nécessaires. « Attention, on a 145 marches à gravir», prévient notre guide. L’ascension de la tour du Jacquemart commence. La promesse d’une vue imprenable sur Moulins. Beffroi haut d’une trentaine de mètres sur la place de la mairie, il surplombe les hôtels particuliers alentours. « Moulins avait un statut administratif important », explique Vincent Thivolle. « Dès le Moyen-Âge, la ville reçoit la chambre des comptes du Bourbonnais et elle va conserver son rôle de capitale administrative jusqu’à aujourd’hui. Les hauts-fonctionnaires du duché ont fait construire de nombreux hôtels particuliers. » Succession de toits, couleur rouge brique, aussi loin que l’œil puisse aller. Au nord, la silhouette de la cathédrale et celle de l’ancien château ducal captivent le regard.
Il s’agit d’une sorte de grange dîmière, l’endroit où les gens payaient leurs impôts en natur
La prochaine bâtisse de notre balade cache une petite pépite. Un hôtel particulier juste derrière la mairie. Cela n’a pris que quelques minutes pour le rejoindre. Au rez-de-chaussée, les locaux d’une imprimerie ; au sous-sol, des caves du XIIIe siècle. L’une des constructions les plus anciennes de Moulins. Elles ont été redécouvertes récemment par hasard et il a fallu six ans pour les déblayer et les rénover. Quelque 250 m2 sur trois niveaux de voûtes en ogive aux teintes délicatement rosées. Le voyage dans le temps est garanti mais l’origine de ces caves reste encore un mystère. « Nous les avons baptisées « Caves Bertine » mais en fait, ce n’étaient pas des caves », raconte Dominique Beaufils, propriétaire des lieux. « L’hypothèse la plus couramment admise, c’est qu’il s’agit d’une sorte de grange dîmière, l’endroit où les gens payaient leurs impôts en nature. » Aujourd’hui, les propriétaires souhaiteraient donner aux caves Bertine une vocation culturelle. Une vocation encore en devenir. « C’est un lieu complètement magique », confie Dominique Beaufils. « Tous les gens qui viennent ici sont sous le charme. »
La beauté des cours
De retour au grand air, nos pas nous emmènent vers les cours. Les cours à Moulins, ce sont ces grands boulevards qui ceinturent le centre-ville sur sa partie Est. Larges, ils accueillent parkings, voies de circulation et grand espace de promenade sous les arbres.
« Cet espace correspond aux anciens fossés du rempart médiéval », indique Vincent Thivolle. On y flâne, on y balade son chien, on y retrouve les copains du lycée tout proche. On y manifeste, les jours de colère. La préfecture de l’Allier y a son siège. De chaque côté de ces cours sur près de 700 mètres de long, de belles façades aristocratiques se laissent admirer. « Il y a différentes époques, essentiellement du XVIIIe siècle », poursuit notre guide. Fenêtres tout en symétrie qui témoignent d’un passé glorieux. Derrière lesquelles se déploient aujourd’hui des vies discrètes et anonymes.
Nos pas nous mèneront du théâtre jusqu’à l’hôtel de Paris avant de bifurquer à nouveau vers la cathédrale. Ainsi se termine notre balade au cœur du quartier historique de Moulins, une ville qui s’enorgueillit d’être la capitale des Bourbons.