D'importants travaux de réfection sont nécessaires pour restaurer les parties les plus anciennes du Moulin d'Andé, lieu culturel bien connu dans le département de l'Eure. Une convention a été signée avec la Fondation du patrimoine pour pallier les affres du temps. L'organisme en appelle aux dons.
Musique, littérature, conférences... II y a toujours, au Moulin d'Andé (Eure), une activité culturelle foisonnante.
Construit à la fin du XIIIe siècle, le lieu est devenu, à partir de 1962, un lieu à part en Normandie, accueillant des artistes en résidence, des tournages de cinéma (Jules et Jim, les Quatre Cents Coups...), de nombreux concerts et des personnalités aussi emblématiques qu'Alain Delon, Romy Schneider, Jeanne Moreau, Georges Pérec ou encore Jean-Louis Trintignant.
Regardez ce reportage d'Héloïse Blondel et Eric Lombaert :
Pourtant, l'avenir du lieu est menacé. Dernier moulin à roue pendante d'Europe, sa structure comporte des faiblesses. C'est ce qu'ont pu constater les architectes des bâtiments de France à l'issue d'un diagnostic sanitaire.
Propriétaire des lieux, Stanislas Lipinski explique : le moulin "est comme en train d'imploser, comme s'il gonflait, on est arrivé aux limites de ce qu'on pouvait faire pour le soutenir. Il y a une urgence à intervenir pour remettre droits l'ensemble des mécanismes."
Un million d'euros de travaux
"La situation est critique", ajoute Stanislas Lipinski. Petit-fils de Suzanne Lipinska, propriétaire des lieux et fondatrice de l'association culturelle du Moulin d'Andé, décédée en 2022, il a repris la succession de sa grand-mère et espère vivement parvenir à achever les nombreux travaux de réfection nécessaires.
Les problèmes relevés par les architectes des bâtiments de France se situent, plus précisément, au niveau de la maison du meunier, la partie la plus ancienne du moulin. La totalité de cette partie nécessite d'être restaurée.
"La passerelle commence à montrer des signes de fébrilité. Les enduis des façades sont attaqués par le temps, de même que l'ensemble des charpentes du toit et des façades, ce qui peut amener, à terme, le moulin à s'effondrer. Il manque des morceaux de pierre au niveau des piles du moulin, on voit qu'il penche un peu sur le côté. Il faut rénover l'ensemble des toitures, l'ensemble des façades..."
Problème : les fonds nécessaires pour restaurer le lieu sont très importants. Les apports du propriétaire, les financements de la Direction régionale des Affaires culturelles, le soutien du Département de l'Eure et le mécénat n'ont pas suffi à débloquer l'enveloppe d'un million d'euros nécessaire.
La Fondation du patrimoine en appelle ainsi aux dons, pour trouver les 200 000 euros manquants. Chacun peut contribuer à rénover le site, classé aux monuments historiques depuis 1986.
Un "outil primordial" pour la culture
"C'est mon arrière-grand-père qui a racheté (le moulin) à Louis Renault en 1936. Ma grand-mère s'est installée ici en 1956. C'est elle qui a développé le lieu, qui en a fait ce phare culturel, ce lieu artistique, fécond à la création, à la singularité magique", confie Stanislas Lipinski.
Mais outre cet attachement personnel, il ne s'agit pas que de protéger un bien privé, comme le rappelle celui qui se réjouit de voir signée une convention avec la Fondation de France. "Tout l'intérêt de cette convention, c'est d'avoir une vitrine nationale, de s'ouvrir au grand public pour rénover cet outil primordial pour les activités culturelles."
Ce bien, c'est le bien commun, le bien de tous. C'est un lieu de culture ouvert à tous, il faut qu'il reste ce phare culturel qu'il a toujours été. On a besoin de l'effort de tout le monde, je remercie tous ceux qui vont s'impliquer dans cette démarche, c'est dans l'intérêt de tous.
Stanislas Lipinskià France 3 Normandie
Déléguée départementale de la Fondation du Patrimoine dans l'Eure, Yvette Petit-Delcroix abonde : "Ça fait plus de soixante ans que le centre culturel existe. Il est connu dans le département, dans la région, dans toute la France et même à l'international puisque des artistes étrangers y résident, y travaillent et s'y produisent." Or, "patrimoine et culture ne font qu'un".
"Il n'y a pas de petits dons"
Pour Yvette Petit-Delcroix, le lieu est même "vraiment exceptionnel" du fait de sa rareté : "Il y a encore toutes les installations de meunerie. En plus du moulin lui-même, il y a le site exceptionnel en vallée de Seine, dans un cadre arboré, et le théâtre dans la continuité."
Le patrimoine vernaculaire, donc les moulins, lavoirs, granges, fours à pain... doit aussi être préservé. Il est tout aussi intéressant et important que les églises, châteaux et manoirs. Il n'y a pas de petit patrimoine, il n'y a que du patrimoine.
Yvette Petit-Delcroixà France 3 Normandie
La collecte de dons "s'adresse aux particuliers et aux entreprises. Les dons sont déductibles à 66% des impôts des particuliers. Nous avons mis la barre haut, mais je suis sûre qu'elle va fonctionner justement parce que le site a une notoriété à l'international !"
"Beaucoup de particuliers font des dons. Il n'y a pas de petits dons, assure Yvette Petit-Delcroix. L'intérêt, c'est que les gens se réapproprient leur patrimoine."
Une soixantaine de projets soutenus par la Fondation du patrimoine dans l'Eure
Dans l'Eure, la Fondation du patrimoine a signé des conventions similaires avec une soixantaine de projets publics (églises, fours à pain, granges...) et privés (chaumières, manoirs, chapelles, châteaux...).
Pour bénéficier d'un soutien de la Fondation, les lieux, y compris privés, doivent être visibles depuis la voie publique, présenter un intérêt patrimonial, être peu transformé (sans toucher aux volumes et aux matériaux d'origine).
Quant aux travaux, ils doivent être "de qualité, dans le respect des règles de l'architecture", conclut Yvette Petit-Delcroix.