Grâce à un montage financier, l'entreprise Hongyang a racheté 900 hectares de terres agricoles dans l'Allier. Aucun organisme de contrôle n'a pu empêcher la transaction. Les motivations du groupe chinois restent floues.
Après avoir raflé 1.700 hectares de terres dans l'Indre en 2016, l'entreprise Hongyang vient de mettre la main sur une exploitation de 900 hectares dans l'Allier. La Safer, qui peut exercer son droit de préemption à tout achat, pouvait donc en théorie bloquer ces échanges. Mais le groupe a utilisé un vide juridique pour contourner ces règles qui ont laissé l'organisme sans possibilité d'agir.
Comme dans l'Indre pour acquérir des terres dans le Berry, Hongyang n'a pas racheté toutes les parts de la société visée. Elle s'est portée acquéreur de 98% des parts des sociétés contenant l'exploitation. Or la Safer ne peut agir que lorsque la transaction porte sur la totalité de la propriété.
Le reste des parts, dans le cas de l'Indre, avait été mis en co-gérance et en gérance à un Français, Marc Fressange, ancien fondateur de Wanadoo désormais actif en Chine dans le secteur agro-alimentaire et le vin.
"Le problème est que l'on a une financiarisation de l'agriculture qui entraine un secret sur ces opérations", explique Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) et experte de la Chine.
Sûreté sanitaire
Face à ce secret, difficile de savoir exactement les intentions du groupe chinois. "L'entreprise n'est pas un géant dans l'agroalimentaire, elle est implantée dans plusieurs secteurs, comme l'énergie. Il peut s'agit soit d'une diversification, doit d'un lien avec le secteur énergétique comme le biocarburant", explique la spécialiste.
Mais selon la chercheuse, une chose est sûre : la France est regardée comme étant un modèle agricole, avec des exploitations modernes et sûres. Car la sûreté sanitaire et alimentaire est une obsession chinoise alors que le pays a été victime de plusieurs scandales comme celui du lait à la mélamine en 2008 qui reste encore dans les esprits.
Importer des denrées de l'étranger, et de la France en particulier, peut être donc vu comme étant un gage de sûreté et de confiance pour les consommateurs de l'Empire du Milieu.
Évolution de l'alimentation
Un autre facteur qui peut expliquer cette volonté chinoise d'investir dans des terres à l'étranger se trouve dans une équation simple. "Le pays doit nourrir 1,3 milliard de personne avec 7% de terres arables du monde", explique Marie-Hélène Schwoob. "Or, l'alimentation des Chinois a beaucoup évolué. Aujourd'hui, on a plus de personnes qui consomment de l'huile de cuisson et des produits laitiers."
Et de poursuivre : "Ils ont augmenté les élevages, mais ce sont des élevages fermés, il faut qu'ils importent de la nourriture. Ils ont un gros besoin de soja, leur principale importation agricole avec le maïs."
Volonté politique
L'affaire des rachats de terres par des groupes chinois dans l'Indre a eu lieu en mai 2016, il y a plus d'un an. Le législateur aurait pu combler ce vide juridique pour réarmer les Safer, ce qu'il n'a pas fait.
Le député communiste de l'Allier, Jean-Paul Dufrègne, s'est saisi de ce dossier et a interpellé le gouvernement. Il entend déposer un projet de loi. Sera-t-il suivit par la majorité ?
La spécialiste de la Chine rappelle néanmoins que les États, comme la France, restent souverains et peuvent empêcher ses rachats s'ils le veulent, voire expulser les entreprises comme cela a été fait dans certains pays d'Afrique.