De la laine confectionnée à partir de poils de chien : on vous explique comment

Que ne ferait-on pas par amour pour son compagnon à 4 pattes ? Certains propriétaires de chiens n’hésitent pas à faire filer la fourrure de leur animal, pour en faire un pull ou une couverture. Dans l’Allier, un atelier réalise ce rêve, avec une race de chien spécifique : le Samoyède.

Un pull ou une couverture, entièrement confectionné avec la laine de son chien : certains amoureux de leur animal de compagnie en rêvent, un atelier de filature de l’Allier a fait de ce rêve une réalité. Avec son époux, Joëlle Corgnet réalise des ouvrages en toison de chien, mais pas n’importe quel chien. Elle a accepté de filer la toison de Samoyède, race de chiens originaire de Russie, reconnaissable à son long poil blanc : “On a commencé avec une cliente qui nous en a fait la demande. Dans notre filature nous avons des clients qui nous envoient leur toison d'animal et c'est comme ça qu'on en est arrivé à transformer de la laine de Samoyède pour les gens qui le demandent”, raconte Joëlle.  

Une laine pleine d'amour et de qualités

Si cette race est privilégiée, c’est d’abord parce que son poil est suffisamment long, mais il possède d’autres qualités remarquables, explique Joëlle : “Il faut savoir que la fibre de Samoyède est une fibre qui ne sent pas et qui est hypoallergénique. Le petit risque quand on a un pull sur soi qui a été fait avec du poil de chien, c’est que s’il y a de l'humidité, on va retrouver un petit peu d'odeur sur notre pull, chose que l'on n'aura pas avec le Samoyède.” Cependant, d’autres caractéristiques obligent cette artisane à mélanger ces fibres avec d’autres : “C'est une fibre courte, qui est un petit peu trop raide si on la file toute seule, alors c'est vrai que souvent, on va l'associer avec une très belle toison de mouton, par exemple du Shetland. Ça va lui donner du gonflant parce que le Samoyède a une fibre plate qui n'a pas de volume. Le mouton va lui donner du gonflant. Cela va donner de la solidité au fil. On met à peu près 20% de mouton, c'est suffisant et ça va aider à transformer dans les meilleures conditions. On aura beaucoup plus de chaleur. En plus, c'est une laine qui est déperlante, c'est-à-dire que si vous êtes sous l'eau, vous n'allez pas être mouillé.” 

Une toison fragile

Il faut être extrêmement soigneux. En effet, le poil de Samoyède est fragile : “On va faire plus attention au lavage de ne pas le feutrer, on ne va pas le passer sur des machines un peu agressives. Il faut savoir que si vous avez un Samoyède chez vous, vous allez récupérer son sous-poil et vous pouvez le filer directement. Contrairement à d'autres espèces d'animaux comme l'alpaga, le lama, le mouton, vous n’avez pas besoin de le carder, les fibres se placent tout de suite. Elles sont alignées”, indique Joëlle. C’est la pratique qui lui a permis de faire du Samoyède l’un de ses domaines d’expertise. Si le matériel est le même, toutes les entreprises n’ont pas acquis le savoir-faire nécessaire : “Dans les micro-filatures comme la nôtre, on peut tous le faire. Après, on aura peut-être tous des process différents. C'est à force d'en faire qu'on acquiert la sensibilité de cette fibre et qu'on va trouver des façons de la travailler où on ne va pas l'agresser et où on va avoir le plus beau résultat.” 

Récupérer les poils à chaque brossage

Attention, si vous n’êtes pas propriétaire d’un Samoyède, vous ne pourrez pas vous procurer cette laine auprès de Joëlle : “Cela va plutôt être destiné aux propriétaires d'animaux qui souhaitent transformer la toison de leurs animaux. Nous, personnellement, on ne vendra pas de laine de Samoyède, même si c'est une fibre hypoallergénique. On ne le fera pas.” Pas d’inquiétude : aucun chien n’est maltraité lors de ce processus. Il suffit juste de le brosser : “On ne tond pas le Samoyède, mais comme tous les chiens, vous l’étrillez, vous le brossez. Quand on le brosse, on va récupérer tout ce sous-poil et c'est ce sous-poil qu'on transforme. On peut le faire avec d'autres races mais pour l'instant on n'a pas eu de demande. Je sais qu'il y a des gens qui filent à la main des fibres de chiens. On avertit quand même le client que quand son pull va être humide, ça va sentir un petit peu le chien mouillé.”  

Une fibre pas plus onéreuse que d'autres

Le processus pour filer cette laine pas comme les autres est “excessivement lent”, reconnait volontiers Joëlle. L'atelier travaille donc à fonctionner au plus vite : “Nous avons réussi à limiter à des délais de 2 mois pour les clients, pour la simple et bonne raison que nous avons 2 salariés à temps plein, donc nous optimisons l'utilisation de nos machines, nos machines tournent comme les salariés, en 35 heures. Au niveau du coût, il va falloir compter 70 à 90€ le kilo entrant. Vous avez de la perte bien sûr. Quand vous lavez une toison de mouton, vous avez 50% qui part. On sera à 10 ou 20€ près, en fonction des fibres. Certaines fibres sont plus difficiles à travailler, donc c'est un petit peu plus cher.” Quel que soit l’animal dont provient la toison, les tarifs varient peu, explique l’artisane. Le Samoyède pourrait même, dans certains cas, être moins cher à filer que d’autres matières : “On est dans le même tarif de transformation pour nous, il n'y a pas de différence. L'avantage par contre, c'est que c'est une fibre qui est excessivement légère, donc si vous voulez faire une couverture en Alpaga, par exemple, vous allez utiliser un kilo de laine. Par contre, pour une couverture en Samoyède, vous n'utiliserez que 400 g.” 

Des laines diverses et variées

Après avoir travaillé dans le secteur des bougies, le couple a décidé de se reconvertir dans la filature à Cusset, près de Vichy. Joëlle affirme ne “pas avoir envie d'être en retraite" et souhaite "continuer à créer de l'emploi et ne pas s'ennuyer, avoir des projets et encore des projets !” Et ses projets ne se limitent pas qu’aux chiens. L’atelier file toutes sortes de toisons : “On a déjà fait du lapin Angora. On peut faire des chèvres, de l'Alpaga, puisqu’à la base, nous sommes éleveurs d'Alpagas, et toutes les races de moutons, bien évidemment. Il nous faut une certaine longueur. Il faut qu'on ait à peu près une fibre de 4,5 ou 5 cm pour pouvoir la transformer et avoir un travail résistant. De plus, il y a des fibres qui vont être plus ou moins agréables” confie Joëlle.

"La laine est magnifique"

L’une des clientes de la filature est Anne Collinet. Parisienne, elle a adopté un chien Samoyède et s’est ensuite prise de passion pour cette laine unique. “Il y a 8 ans, j'ai adopté une petite Samoyède à la SPA et j'ai une amie qui m'a dit qu’on pouvait filer la laine de Samoyède. J'ai commencé du coup à m'intéresser à la laine du Samoyède et je me suis aperçu que c'était la laine de chien la plus luxueuse. J'ai commencé à apprendre à filer et à faire différents mélanges, à étudier cette fibre en regardant ce qui se faisait à l'étranger.” Elle s’associe alors à une éleveuse de Samoyèdes : “J'ai beaucoup de chance parce qu'elle a une vingtaine de Samoyèdes et elle me donne la laine de tous ses chiens au moment des mues, 2 fois par an. Il y a beaucoup de champions dans cet élevage. La laine est magnifique. Ce qui m'intéresse c'est vraiment la fibre en elle-même, et pas particulièrement faire une petite pelote de laine en souvenir pour quelqu'un qui a un chien. Je m'intéresse vraiment à cette matière.” 

De nombreux avantages

Grâce à ce partenariat, Anne découvre petit à petit des propriétés fascinantes : “J'ai commencé à la filer, à voir les les qualités incroyables qu'a cette laine. C'est un poil qui est très peu allergisant, qui a très peu d'odeur, voire pas du tout. C'est une fibre creuse qui retient la chaleur, n’accroche pas la saleté, qui est extrêmement légère et qui va donc sécher très vite. Elle se teint très bien et quand on la tricote, on va avoir un halo, un peu comme pour l'Angora. La particularité est que ça sèche super vite. Vous mettez un bonnet mouillé, il est sec, en un rien de temps parce que c'est une fibre creuse et légère. Ça ne feutre pas. L'entretien est super facile. Je le mets en machine à laver, programme Laine, ça ne rétrécit pas non plus. Ça n'accroche pas la saleté, vous ne voyez pas le bonnet se salir par exemple.” 

Des mélanges testés

La quantité de laine récupérée lui permet de faire des expérimentations, des mélanges : “Je fais beaucoup de tests parce que le Samoyède a une particularité. Cette fibre est très droite, elle est lisse, elle n'a pas de frisure, elle n'a pas d'élasticité. L'avantage est que ça ne va pas s'étirer. Vous n'avez pas un pull qui se déforme mais par contre, ça va résister peu à la tension, puisque c'est rigide. J'ai donc testé des mélanges en rajoutant un petit peu de laine de mouton pour lui donner plus d'élasticité et de résistance dans le temps. Chaque laine a des particularités différentes. Il y a des laines qui vont être plus élastiques, d'autres qui vont donner plus de gonflant aux vêtements. J'ai fait des tests et on s'aperçoit que l'aspect halo apparaît dès qu'on met 20% de Samoyède dans le vêtement. On n'est pas obligé de mettre 100%. Pour des vêtements pas trop chauds, je vais mettre 20% de laine. Si vous mettez 50% de Samoyède, en dessous de 5° vous allez avoir chaud, mais pas trop et ça va être très chaud à partir de 70%. Le top, c'est 100% quand il fait très froid.” 

Une laine très chaude

Grâce à sa laine, Anne réalise des vêtements très chauds : “Dans les pays nordiques j'ai testé les différents vêtements que je faisais à différentes températures de froid et je me suis aperçue que tout ce qui est 100% Samoyède, c'est tellement chaud qu’il faut vraiment qu'il fasse en dessous de 5°C. Entre 5°C et -20°C, on n’a pas froid. C'est une chaleur sèche et, quand on met les vêtements en Samoyède, on a immédiatement une impression de de chaleur. On n'a pas l'impression de mettre un vêtement qui est frais et qui doit être réchauffé par la chaleur de notre corps. On a tout de suite chaud. On peut même rester sous la neige. L'extérieur du pull reste froid et, pendant une demi-heure, il peut neiger sur nous, la neige ne fond pas dessus.” Elle alerte, pour les propriétaires qui voudraient se lancer : "On ne récupère que le sous-poil, quand les longs poils commencent à tomber, il ne faut pas les mettre parce que c'est du poil qui gratte.” Si l’aspect sentimental n’est pas une priorité pour Anne, elle est malgré tout ferme : “Quand c'est ma Samoyède, je fais des choses pour moi avec sa laine.” Elle envisage, dans l’avenir, de monter une entreprise afin de commercialiser des produits en laine de Samoyède. 

 

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