INSOLITE. A Vichy, comment des poissons d'Amazonie détectent la pollution de l’eau potable

Dans l’Allier, la station d’eau potable de Vichy Communauté est équipée d’un dispositif original pour surveiller la qualité des eaux. On vous explique comment des poissons couteaux d'Amazonie alertent en cas de pollution.

Son nom savant est l’Apteronotus albifrons. Plus communément appelé poisson couteau, cet animal électrique amazonien permet, grâce aux signaux qu'il émet, de mesurer la pureté de l'eau. Dans l’Allier, la station d’eau potable de Vichy Communauté est équipée de plusieurs spécimens depuis 15 ans. Joseph Kuchna, vice-président de Vichy Communauté (sans étiquette), délégué à l’eau potable, assainissement et grand cycle de l’eau, explique le dispositif : « Ce sont des poissons originaires d’Amazonie. Ils vivent à une température d’environ 30 degrés. On en a 4 à Vichy et d’autres en réserve. Ils ne souffrent pas dans ce milieu, même si c’est très restreint. Ils adorent être dans des endroits très exigus. Ils sont dans un appareil qu’on appelle le Gymnotox, qui est fait sous forme de tuyaux transparents en PVC avec une partie ouverte où l’on voit les poissons qui naviguent dans cette eau réchauffée, pour qu’ils retrouvent leur température de leur milieu naturel. Ce poisson n’a ni écailles ni arrêtes dorsales. Dès qu’il y a une modification de la composition de l’eau où il détecte une pollution quelconque, il a des réactions et il émet des signaux répertoriés par l’appareil en question ».
 

Un dispositif d'alerte

Emmanuel Gavalda, directeur du Service Production Eau Potable, indique : « Quand on place les poissons dans cette machine, on les étalonne. On mesure leur fréquence électrique en hertz. S’ils connaissent une variation de plus ou moins 200 hertz, cela déclenche une pré-alerte. S’ils connaissent une variation de plus ou moins 400 hertz, ça crée une alerte complète. Nous avons 4 poissons couteaux. Deux sont en direct avec la rivière Allier, et deux sont sur un circuit en attente. Si les deux premiers détectent une pollution, on va ouvrir le deuxième circuit de poissons. Si ces deux autres sujets réagissent de la même façon que les premiers, la pollution est arrivée et on a un protocole qui se met en place jusqu’à l’arrêt automatique de la station ».
 

Ce sont eux qui ont un plus grand spectre de détectabilité de pollution

Les poissons constituent un indicateur très fiable. Les fréquences électriques qui sont émises permettent de réagir relativement rapidement par rapport à toute pollution qui se déclarerait au niveau de l’eau potable. Joseph Kuchna ajoute : « En cas de pollution, l’animal émet des signaux qui nous permettent de prendre les mesures nécessaires pour répondre à cette problématique mais le poisson n’est pas spécialement affecté par la pollution. Il n’est pas en danger. On a d’autres procédés comme le truitomètre qui consiste à utiliser des truites mais elles meurent par la suite, dès qu’il y a une pollution ». « D’après une étude du CNRS, ils réagissent à plus de 150 molécules de pesticides, d’hydrocarbures aromatiques et polycycliques. Ce sont eux qui ont un plus grand spectre de détectabilité de pollution et surtout, il n’y a pas de mortalité de poisson. On peut détecter toute pollution accidentelle, comme un déversement » précise Emmanuel Gavalda.

Une première en France

Ce dispositif unique a été mis en place pour la première fois dans l’hexagone à Vichy. Emmanuel Gavalda indique : « C’était une première en France. Le prototype de ce capteur a été mis au point à Vichy en 2006. Trente ans en arrière on connaissait le truitomètre, mais les chercheurs voulaient avoir un procédé basé sur la non mortalité de ces poissons. Notre arrêté d’exploitation a décidé qu’il y aurait des capteurs biologiques et physico-chimiques. On a été appelés par d’autres traiteurs d’eau en France et à l’international, comme le canal du Midi, qui voulaient se doter d’un capteur comme le nôtre et avoir notre retour ». Les poissons couteaux s’avèrent assez résistants mais au bout de quelques années de service, ils doivent prendre leur retraite et être remplacés par des animaux plus jeunes. « Les poissons n’ont pas d’espérance de vie définie. Ce qui va être limitant chez eux va être la taille. Au fil des années, ces animaux se développent et dans leur bac de vie en forme de tuyau, au bout d’un moment ils ont du mal à évoluer donc à ce moment-là, on les sort. On a des partenariats avec des associations aquariophiles qui les récupèrent. On remet alors des sujets plus jeunes. Quand on les reçoit, ils mesurent 7-8 cm et ça peut aller jusqu’à 15-16 cm au bout de 3-4 ans » souligne Emmanuel Gavalda.

Un système qui fonctionne

Ce dispositif d’alerte semble avoir fait ses preuves. Le directeur du Service Production Eau Potable ne cache pas sa satisfaction : « En 15 ans, on a aussi des capteurs physico-chimiques et on a eu des variations mais jamais de pollution avérée sur le captage de Vichy. On ne s’en plaint pas. C’est un dispositif qui répond très bien à l’arrêté préfectoral, qui impose un capteur biologique. Mais cette machine devra évoluer car au bout d’une dizaine d’années, il y a de l’usure qui se crée. On est en réflexion sur un renouvellement de l’appareil. On est en contact avec l’Agence régionale de santé pour trouver le meilleur véhicule par rapport à ce capteur ». En attendant qu’un nouveau système soit développé, ces précieux alliés sont nourris tous les jours par les techniciens. La station d’eau potable de Vichy communauté dessert environ  7500 abonnés qui représentent 28 000 habitants.

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