Un complexe religieux divise en Ardèche à Saint-Pierre-de-Colombier, on vous explique pourquoi

L'association "Pour l'Avenir de la Vallée de la Bourges" a déposé un référé suspension contre l'arrêté préfectoral autorisant la reprise des travaux du complexe religieux de Saint-Pierre-de-Colombier. Un dossier qui fait polémique dans ce village des Monts d'Ardèche depuis 2018. Le feuilleton se poursuit autour du projet devant le tribunal administratif de Lyon ce lundi 20 février 2023.

"Orgueilleux", "démesuré", "trop démonstratif"... Dans le parc régional des monts d’Ardèche, un chantier déchaîne les passions depuis près de 5 ans à Saint-Pierre-de-Colombier. Un projet de construction venu troubler la quiétude de ce village de 400 personnes. Car il est question d'un vaste complexe religieux qui doit voir le jour en bordure de la rivière Bourges.  

Accueil des pèlerins

Depuis 1946, un pèlerinage rassemble chaque année en décembre des milliers de fidèles qui montent procession jusqu'à la statue blanche de la vierge perchée au-dessus des gorges. L'actuelle église du village est aujourd'hui trop petite pour accueillir les fidèles qui se pressent à Saint-Pierre-de-Colombier durant ces quelques jours. La future basilique permettrait de recevoir 3500 personnes. Mais ce n'est pas tout.  Sur le papier, le site baptisé "Notre Dame des Neiges" comprend également un bâtiment d'accueil des pèlerins, une aire de retournement des bus transportant les pèlerins et une passerelle enjambant la rivière. Le projet s'étend sur 7 hectares, dont 1,5 bétonné. Il est porté par une communauté religieuse présente à Saint-Pierre-de-Colombier depuis 75 ans : la Famille Missionnaire de Notre-Dame. Le future sanctuaire doit être construit sur des parcelles appartenant la congrégation. 

Mais pour l'heure, le Vatican et l'évêque de Viviers sont opposés à la construction du complexe, jugé trop grand. 

Un projet contesté au coeur du parc naturel des Monts d'Ardèche

Si le permis de construire a bel et bien été validé en décembre 2018 par la mairie de Saint-Pierre-de-Colombier, le projet est loin de faire l'unanimité. Le village serait même divisé. Certains Colombiérois sont favorables à l'édification d'un nouveau lieu de culte, d'autres en revanche ont même manifesté une farouche opposition. Ces dernières années, des manifestations contre la future construction ont même eu lieu en marge des processions.
Les détracteurs disent vouloir "préserver leur cadre de vie" et "préserver leur vallée". Ils
redoutent à la fois une détérioration du site en bordure de rivière et des nuisances générées par l'arrivée massive de pèlerins mais surtout des menaces sur l'environnement. Un collectif est né et des opposants avaient même commencé à installer une ZAD en juin 2020

Recours juridique : le feuilleton

Débutés en mai 2019, les travaux ont été suspendus par l'ancienne préfète de l'Ardèche, Françoise Souliman, en octobre 2020. Une suspension en vue d'une étude environnementale plus poussée. La Famille des Missionnaires de Notre Dame et six entreprises intervenant sur le chantier ont introduit en vain un recours devant la justice administrative pour contester cet arrêté préfectoral. En mai 2021, la congrégation religieuse et les entreprises avait été déboutées.

Finalement, après plus de deux années d'interruption des travaux, un nouveau rebondissement survient dans ce dossier fin novembre 2022 : l'actuel préfet de l'Ardèche Thierry Devimeux a levé l'arrêté préfectoral du 15 octobre 2020. Le chantier va donc pouvoir reprendre. Cette décision officielle a ravivé les tensions entre les adorateurs de Notre-Dame des Neiges et les défenseurs de l’environnement. Les opposants au projet ont contrattaqué en déposant fin janvier un référé suspension devant la justice administrative. Il a été examiné ce lundi 20 février 2023 devant le tribunal administratif de Lyon.

Nouvelle étude environnementale contestée

C'est la dernière étude environnementale, diligentée par la congrégation religieuse et remise en mai 2022, qui a fait pencher la balance en faveur d'une reprise des travaux. Cette étude affirme en effet que le projet a un impact "négligeable" sur l'environnement. Ainsi, les conclusions des experts diffèrent à quelque mois d'intervalle. Le précédent rapport évoquait a contrario un impact "faible" mais réel. Les membres de l'association "Pour l'avenir de la vallée de la Bourges" conteste les conclusions de cette dernière étude d'impact. 

Lundi 20 février 2023, devant le TA de Lyon, l'avocat du collectif a mis en avant "l'atteinte aux espèces protégées".  

"Sur le site 47 espèces protégées sont recensées. Les mesures d'évitement sont totalement insuffisantes. Certaines espèces sont tout simplement ignorées par l'étude de Naturalia, notamment les rapaces", a expliqué avant l'audience, Me Guillaume Tumerelle, l'avocat du collectif. S'appuyant sur l'analyse critique du dossier Naturalia, à la fois par le Parc naturel régional des Monts d'Ardèche (PNMA) et l'Association nationale pour la biodiversité (ANB),  Me Tumerelle a dénoncé une étude "totalement biaisée", notamment au plan méthodologique.
"On a écarté de la zone d'étude, la Bourges elle-même", évoquant "une étude tout à fait partiale déposée par la Famille Missionnaire". "Une analyse faite par le parc régional confirme qu'il y a des impacts totalement sous-évalués et un impact conséquent sur les espèces protégées", a-t-il ajouté.

Une étude "dans les règles de l'art"

Représentant la préfecture, Guillaume Gardette a, lui, défendu "une étude dans les règles de l'art, par un cabinet tout à fait compétent". "Le risque" environnemental "est suffisamment réduit pour être non caractérisé", notamment "par l'adoption de mesures d'évitement", a-t-il fait valoir.     

L'avocate de la Famille Missionnaire Notre-Dame, Auberi Gaudon a de son côté récusé toute "urgence à agir" en référé, car les travaux de terrassement "ne devraient pas commencer avant septembre-octobre prochain". A ce jour, seule la passerelle enjambant la rivière a été construite.  

Me Auberi Gaudon a également noté que l'étude Naturalia avait "tenu compte des observations" et que "la seule version à devoir être prise en compte est la 2e". "On nous dit qu'il n'y a eu aucune modification" entre les deux moutures, "mais si tel était le cas, comment la préfecture aurait-elle pu se satisfaire de la deuxième alors qu'elle ne se satisfaisait pas de la première?", a-t-elle lancé. 

La décision du tribunal administratif de Lyon est attendue mardi 21 février au plus tard.

Parallèlement à cette procédure en référé suspension devant le tribunal administratif de Lyon, la justice doit se prononcer sur le fond du dossier - sur le permis de construire -  en mars prochain. 

Avec AFP

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