Ardèche : pour les zadistes de St-Pierre-de-Colombier, « la lutte ne fait que commencer »

Ils se sont enchainés à la passerelle du chantier de Saint-Pierre-de-Colombier, mais on été évacués par les forces de l'ordre. Les opposants au projet de cette église monumentale ont cependant été entendus par la préfète de l'Ardèche et obtenu la conduite d'une nouvelle expertise environnementale.

"On est tous au taquet", confie Murielle Meyer, essoufflée à force de décrocher son téléphone. La préfète de l'Ardèche a suspendu le chantier de l'église de Saint-Pierre-de-Colombier pendant 48h. Alors, comme Murielle, les militants des Ami.es de la Bourges enchaînent les coups de fil et les courriers pour mobiliser les élus. La préfecture a également demandé la conduite d'une expertise environnementale indépendante, "afin de préciser définitivement l’impact du projet sur les espèces et leur habitat".

 

 

Une lutte de longue haleine

Pour les opposants au projet, c'est déjà une première victoire. Ils dénoncent le projet de la congrégation, "la Famille Missionnaire de Notre-Dame" (FMND) depuis des mois. Celui de la construction, en plein cœur du Parc National des Monts d'Ardèche, d'un édifice religieux pouvant accueillir 3500 fidèles. Et avec lui, de logements, d'un parking et d'une passerelle sur la rivière La Bourges. « Un projet démesuré et néfaste pour l'environnement » pour ses opposants.

Leur combat a pris une dimension nouvelle lorsque, pour les soutenir, de jeunes militants environnementalistes ont installé une ZAD sur le chantier de l'église ce week-end. La « zone à défendre » a rapidement été évacuée par les forces de l'ordre, hier. Une opération menée dans le calme et relayée sur Facebook par les militants. La préfète a ensuite souhaité recevoir les militants pour les écouter.

 

 

Une étude d'impact

Une réunion qui a eu lieu ce matin, en préfecture. Autour de la table, les opposants au projet, la congrégation FMND, les services de l'Etat concernés, mais aussi des élus, comme Michèle Rivasi, députée européenne EELV.

"L'avancée notable, estime Sylvain Herenguel, membre des Ami.es de la Bourges, c'est que pour la première fois, les services de l'Etat ont reconnu publiquement qu'il y avait eu des manquements et des failles dans l'obtention du permis de construire". Le collectif dénonce en effet depuis des mois la menace qui pèse sur des espèces protégées. La loutre d'Eurasie, par exemple. Ou encore le crapaud épineux, la grenouille rieuse... Au total, huit espèces identifiées par une étude du Parc Régional des Monts d'Ardèche.

Selon le collectif, le permis octroyé en 2018 par le maire du village, Gérard Fargier, et validé par la DREAL, n'est donc pas conforme.

"A partir de là, la préfète était obligée de lancer une étude environnementale", se satisfait la députée Michèle Rivasi. "J'aurais préféré une véritable étude d'impact, mais le permis a été accordé, il est donc trop tard".

"Je ne reconnais aucune manquement, répond Françoise Souliman, la préfète de l'Ardèche. A l'époque je n'étais pas là. Le béton a été coulé en septembre et jusqu'à il y a une quinzaine de jours, jamais on ne m'avait souligné la présence d'espèces protégées, autre que le crapaud épineux". La préfecture avait en effet déjà demandé la construction d'un crapauduc pour protéger cette espèce rare. Les services de l'Etat donc demandé qu'un écologue indépendant soit missionné cet été pour venir estimer quelles espèces et quels habitats sont réellement menacés par le projet.

Un chantier toujours pas suspendu

Pendant ce temps-là, indique le communiqué de la préfecture, publiée sur Twitter, "les travaux de la passerelle surplombant la rivière (de la Bourge) seront alors suspendus". "C'est de l'enfumage !", s'étrangle Sylvain Herenguel. "La passerelle est pratiquement terminée ! Nous demandons un arrêt total des travaux pendant la conduite de l'étude, déclare-t-il. Il faut arrêter ce massacre, parce qu'il s'agit de travaux irréversibles, une fois que le béton sera coulé, il sera trop tard !".

Pour la députée Michèle Rivasi aussi, la poursuite du chantier est "totalement incompatible" avec l'expertise. "La préfète pense qu'il ne s'agit que d'espèces protégées aquatiques. Elle a agit comme si les animaux ne bougeaient pas, mais la loutre par exemple, elle ne vit pas que dans la rivière", s'indigne l'écologiste. Et d'ajouter, "on ne peut pas reconnaître qu'il y a eu des manquements de la part de l'Etat, et continuer d'agir comme si de rien n'était". La députée a promis de porter plainte devant la Commission Européenne pour non respect de la directive sur la biodiversité.

"Le reste du chantier est bien loin de la rivière, il ne la touche pas. A partir du moment où ces espèces vivent dans l'eau, je ne vois pas l'intérêt d'interrompre la totalité des travaux", affirme effectivement Françoise Souliman. Et d'ajouter "s'il s'avère que nous découvrons d'autres espèces protégées, cela ne veut pas dire que les travaux ne pourront pas continuer ! La préfecture devra alors prendre un arrêté dérogatoire pour que la construction puisse se poursuivre".

La lutte continue mais pas la ZAD

La préfète a accordé 48h aux parties pour approuver cette étude. La congrégation catholique a accepté. Mais du côté des militants, c'est la course contre la montre. Ils ont deux jours pour faire céder les services de l'Etat et obtenir l'arrêt total du chantier.

La ZAD ne se réinstalle pas

prévient d'emblée Murielle Meyer. Mais le collectif étudie plusieurs options. D'abord, mobiliser un maximum de monde, et surtout des élus. "Ce qu'on aimerait, c'est sortir de l'omerta ! Il faut que nos élus se prononcent enfin. Parce qu'il ne s'agit pas d'un petit projet sans conséquence, c'est quelque chose d'énorme !", explique la militante.

Par téléphone ou par courrier, le collectif demande à tous les élus locaux, des intercommunalités, du département, de la Région, de soutenir la suspension totale des travaux. "Maintenant qu'il y a eu tout ce battage médiatique, avec la ZAD et la réunion de ce matin, on a bon espoir", s'enthousiasme Sylvain Herenguel. L'opération a notamment été de nombreuses fois relayées sur Twitter.

Autre piste envisagée par les militants, la bataille judiciaire. Le collectif va porter plainte et déposer un référé au tribunal administratif pour demander la suspension du chantier. Selon eux, les travaux sont illégaux, puisqu'ils ne respectent pas le droit de l'environnement. Aucun arrêté dérogatoire autorisant la destruction d'une espèce et de son habitat n'a en effet été pris par la préfète.

La Confédération paysanne de l'Ardèche a d'ailleurs apporté son soutien aux opposants et demande également la suspension du chantier. "Afin d’être cohérent, l’État doit donc suspendre en urgence et immédiatement TOUS les travaux du chantier (...) afin que l’étude diligentée puisse se réaliser dans des conditions acceptables sans que la faune et la flore déjà impactées ne le soient encore plus", souligne le syndicat dans un communiqué.

"La lutte ne fait que commencer, elle a pris un nouveau souffle, elle est devenue d'ampleur nationale, voire européenne, grâce à Michèle Rivasi", se félicite Murielle Meyer. "On va mettre le rouleau compresseur en marche, maintenant, promet justement la députée, car une fois que le biotope est détruit, c'est trop tard !".

Contactée par la rédaction, la congrégation "Famille Missionnaire de Notre-Dame" n'a pas donné suite à nos appels.

 

 

 

 

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