Il y a un an le confinement débutait en France, plongeant les EHPAD dans l'isolement. Un an plus tard au Teil (Ardèche), comment vont les résidents et le personnel de l'établissement "Les Peupliers" ?
Durant cette année de Covid, l'Ehpad du Teil (Ardèche) "Les Peupliers" a dû faire face aux deux flambées épidémiques. Les deux premières vagues de l'épidémie de coronavirus sont encore dans toutes les mémoires: des périodes difficiles à vivre pour les résidents, confinés, protégés mais inquiets, et pour les personnels, sérieusement éprouvés par des situations médicales inédites, par la peur, et des heures qu'on ne pouvait plus compter.
"Le peu de visites c'était nous"
Et pourtant à parcourir les couloirs et les lieux de vie de cet établissement d'une centaine de chambres, on croise des sourires, on ressent de l'énergie. Les aides-soignantes Melissa Puppo et Emilie Roche tiennent à cette posture, envers et contre tout, et ça n'a pas toujours été facile de garder cette énergie et cette contenance.
Elles répondent toutes les deux en même temps: "Pour eux, on ne peut pas se permettre d'arriver, et d'avoir peur, d'être tristes, et d'être angoissés. Ils ressentent la moindre chose. Ils nous connaissent, ils nous voient tous les jours. On sait ce qu'ils aiment, ce qu'ils n'aiment pas, leurs goûters préférés. Le peu de visites c'était nous. Et si quand on arrive, on n'arrive pas en rigolant, en mettant un peu de musique, en blaguant, eh bien les pauvres..."
"C'est une culpabilité au quotidien"
Faire face et faire front, c'était et c'est encore le credo du personnel de l'Ehpad comme Gwendaline Borgognon, infirmière - sophrologue. Malgré la fatigue qui s'est accumulée depuis un an, par l'excès d'épreuves et de responsabilités, elle se dit toujours incapable de ne pas répondre aux sollicitations des résidents. Elle raconte le poids psychologique, et la peur face à cet ennemi invisible et silencieux: "Se dire que je peux porter ce virus, qui tue les personnes âgées, et je peux l'apporter à d'autres. C'est vrai que c'est une culpabilité au quotidien qui est pesante. Ça se traduisait par une incapacité de penser autrement qu'à ce virus, à autre chose. Se dire que ça pouvait aller mieux, ce n'était pas possible, ce n'était pas envisageable."
"Moi j'étais tranquille dans ma chambre"
Il y a près d'un mois, les résidents étaient encore confinés dans leur chambre. Cette fois-ci, ça a duré deux mois. La reprise aujourd'hui de l'apéritif hebdomadaire représente une vraie petite sortie, où l'on vient apprêté et enjoué. A votre santé!
"C'est le paradis" se réjouit Renée une résidente: "Après tout ce qu'on a passé, de se retrouver tous ensemble comme ça, c'est formidable." Si la période du confinement n'était "pas facile", Renée relativise: "Il y a des moments où je me disais, tu n'es quand-même pas mal. Pense à ceux qui sont tant malades et qui souffrent. Moi j'étais tranquille dans ma chambre."
"Extrêmement long et difficile"
Si tout le monde peut désormais sortir, retrouver des activités, des repas communs, c'est que les premières vaccinations ont eu lieu et que l'on peut tester à volonté, une situation bien différente de celle d'il y a un an. Enfin quelques solutions, et un début de soulagement pour Gilles Henry le directeur: "Ça a été extrêmement long et difficile. Ça nous a posé plein de problèmes éthiques, parce qu'on était quand-même dans des positions qui étaient liberticides, où nous étions obligés de traiter la question collective et pas la question individuelle, et ça, ça nous fendait un peu le coeur. On a été aussi obligés d'obéir à des directives et ça nous a mis parfois dans des situations extrêmement paradoxales aussi."
A 101 ans, Elisabeth en a connu d'autres: "Il était mauvais ce virus"
Elisabeth, elle, est une résidente de l'Ehpad depuis vingt ans. Elle a aujourd'hui 101 ans. Elle qui a connu la guerre, d'autres crises et une vie bien remplie, elle a souffert de l'isolement, alors qu'elle est d'habitude très active et adore se promener. "J'ai vu d'autres épidémies" nous raconte-t-elle, "mais quand-même je n'ai jamais vu ça. Il y a eu la tuberculose, on a fait des préventoriums*, des sanatoriums, j'ai vu tout ça. Alors je ne comprenais pas que pour ce virus on fasse tout ça. Il était mauvais ce virus. Maintenant on est contents. On descend, on voit du monde. C'est plus agréable."
(* Un préventorium était une institution pour des patients infectés par la tuberculose mais qui n'avaient pas encore la forme active de la maladie. Ils étaient nombreux au début du 19e siècle en France et servaient à isoler notamment des patients présentant des symptômes visibles.)
Un an après le début du confinement, une certaine fatigue règne sous les sourires et le quotidien qui défile. Combien de temps encore avant le vrai bout du tunnel? Que restera-t-il de cette épreuve dans les mois et les années qui viennent? Et quid de la reconnaissance à l'extérieur?