Des fouilles menées ces trois dernières années à Saint-Marcel-d’Ardèche ont permis de mettre la main sur des silex, et des parures préhistoriques. Utilisés il y a 30 000 ans, les vestiges témoignent d'une occupation humaine et du quotidien des chasseurs-cueilleurs à l'époque.
Aux confins de l'Ardèche, dans une commune cernée par le Vaucluse, le Gard et la Drôme, des découvertes archéologiques dessinent les contours de la vie que menaient les chasseurs-cueilleurs il y a 30 000 ans.
Pourquoi des fouilles au Mas Aguilhon ?
"Nous avons fouillé une couche de 50 cm d’épaisseur et nous avons trouvé plusieurs centaines de silex, quelques coquillages de Méditerranée, des galets et des ocres", énumère Patricia Guillermin, conservatrice de la cité de la préhistoire de l'Aven d'Orgnac.
L'archéologue plante le décor : "il y a 30 000 ans, nous sommes en plein ère glaciaire, il faut imaginer un paysage sibérien, un désert glacé."
Les objets ont été trouvés au lieu-dit du Mas Aguilhon, sur la commune de Saint-Marcel-d'Ardèche, où un ancien artiste peintre, archéologue amateur nommé René Gilles avait une maison. Chaque été, au fond de son jardin, l'homme fouillait le sol. Ce n'est que récemment que des boîtes estampillées "Mas Aguilhon" ont été ressorties de la cité de la préhistoire.
"Quand j’ai ouvert les boîtes, ce que j'ai vu à l’intérieur m’a interpellée car c’était des silex bien conservés, homogènes. Il n’y avait aucune publication sur ces collections. En les regardant, j’ai vu qu’ils dataient du gravettien. J’ai recherché l’histoire de la découverte de ces silex et je suis revenue à l’endroit où René Gilles les avait trouvés".
Des prospections opportunes
Dès 2018, Patricia Guillermin a commencé à effectuer des prospections sur l’ensemble du lieu-dit. En 2019, des sondages sont pratiqués à l'aide d'une pelle mécanique.
"La parcelle en question fait plus de 2000 m², explique la conservatrice, certains sondages se sont avérés fructueux. Dès les premiers silex découverts, nous avons remisé la pelle mécanique et c'est manuellement que l'on a poursuivi les investigations."
Les efforts seront récompensés, des centaines de silex, des galets, des pots d'ocre utilisés pour orner les parois des grottes, mais aussi comme antiseptique, sont mis au jour."Nous avons également trouvé des parures. Quand on dit parure, précise l'archéologue, il faut imaginer que c’est une perle par-ci par-là, des coquillages méditerranéens, pas forcément des colliers, plutôt des ornements cousus sur leurs vêtements."
Un témoignage sur la vie des chasseurs-cueilleurs
Ces vestiges témoignent de la façon dont les chasseurs-cueilleurs nomades taillaient leurs silex pour chasser, comment ils les fixaient sur leurs sagaies. "On apprend également comment ils faisaient les grattoirs avec lesquels ils travaillaient les peaux, comment ils travaillaient les burins avec lesquels ils façonnaient leurs outils en os ou même comment ils gravaient sur les parois des grottes", détaille Patricia Guillermin.Cependant, si les fouilles prouvent l'occupation humaine, elles ne sont pas réalisées à l’endroit exact où vivaient les hommes préhistoriques. "Les silex ont bougé avec le temps. Après une glaciation, il peut y avoir des mouvements de terrain liés au gel et au dégel. Le site tel qu’il a existé a été perturbé", précise l'archéologue.
Les vestiges ont trait à la période récente de la grotte Chauvet. Le site du Mas Aguilhon est en plein air, dans les loess, un limon calcaire, très fin, déposé par le vent de l’époque glaciaire. C’est une des caractéristiques des sites du sud-est de la France. Ils sont parfois un peu complexes. Contrairement à la Dordogne ou au bassin parisien, les indices sont plus faibles, plus fragiles et il faut savoir les décrypter.
"Ils utilisaient de l'ocre. Malheureusement, on n’a pas les ossements conservés sur notre site, mais on peut prouver qu’ils étaient venus chasser."
Le couloir rhodanien, une frontière
Comme ils étaient nomades, ce sont les coquillages de leurs parures qui viennent de Méditerranée ou les gisements de roche dont proviennent les silex qui permettent d'affirmer leurs origines et de comprendre leur territoire qui mesurait probablement plusieurs centaines de kilomètres. Ces découvertes montrent aussi, à quel point les vestiges trouvés sur la rive gauche du Rhône diffèrent de ceux de la rive droite. "Il y avait donc une frontière culturelle assez importante à cette époque-là. Cela peut être lié à un climat très, très froid qui faisait que le couloir rhodanien était difficile à vivre, mais qui était aussi un axe de circulation important", conclut Patricia Guillermin.
Une demande de fouilles supplémentaires pour les trois ans à venir a été déposée. Elles permettront aux archéologues de demain de se former sur le terrain.