Dans cette commune au sud de l'Ardèche, aux portes de la Provence, limite du Gard, Drôme et Vaucluse, le docteur Muraccioli jettera l'éponge le 31 juillet prochain. Depuis 2018, il cherchait un binôme...
"Recherche médecin généraliste", "Médecin (s), osez l'Ardèche du sud". Pendant des mois, et même des années, le docteur Patrice Muraccioli, installé à Saint-Marcel d'Ardèche, a lancé ce message sur les réseaux sociaux, n'hésitant pas à vanter les charmes de la commune. Postée sur sa page Facebook en octobre dernier, cette publication est digne d'un office de tourisme, avec photos de la salle d'attente et des trois cabinets équipés. Une maison médicale en parfait état et idéalement située avenue de Provence, à l'entrée de la ville.
Et le médecin vante son cadre de vie, sa patientèle qui est décrite comme "fidèle et sympathique". La pratique est variée, "du suivi du nourrisson à la fin de vie". Des visites à domicile non obligatoires. Et les conditions de garde sont encadrées.
En janvier 2022, le docteur Muraccioli renouvelait cet appel sur sa page Facebook. Il avait déjà jeté une bouteille à la mer sur les réseaux sociaux qui avait fonctionné une première fois. A la clef, une petite phrase anodine en apparence : "Je suis à la recherche d'un ou deux associés ou collaborateurs, il y a deux ans les partages avaient porté leur fruit Alors si vous pouvez partager.... Sait-on jamais".
En vain. Si le message a été largement relayé sur la toile, avec plusieurs milliers de partages, le généraliste dit n'avoir reçu aucune demande de renseignements.
"Et pourtant je n'ai jamais eu de problème pour trouver des remplaçants, notamment en été. Pendant les vacances, ils viennent volontiers", déclare spontanément le médecin généraliste qui reconnaît que le secteur est "privilégié". Mais impossible de convaincre un professionnel de s'installer de manière durable et de partager les frais du cabinet. L'Ardèche du sud séduit mais seulement le temps des vacances.
Le dernier généraliste s'en va !
Après 25 ans d'exercice, Patrice Muraccioli a décidé de jeter l'éponge et son départ est imminent. Le médecin de 57 ans quitte non seulement son cabinet de l'avenue de Provence, à Saint-Marcel d’Ardèche le 31 juillet prochain, mais aussi la région. Cette annonce tombée début mars a fait l'effet d'une douche froide dans cette commune semi-rurale du canton de Bourg-Saint-Andéol. Un choix personnel mûrement réfléchi. Son épouse également médecin, spécialiste en dermatologie dans la commune de Pont-Saint-Esprit, fait aussi ses bagages. "Ça fait deux médecins en moins sur le secteur. C'est dur, c'est vrai", résume-t-il.
A Saint-Marcel d'Ardèche, environ 2 500 habitants, le dernier médecin de la commune s'en va faute d'avoir trouvé un binôme, après avoir multiplié les appels. Car ce n'est pas la première fois que le Docteur Muraccioli se retrouve dans cette situation, sans confrère à ses côtés. Sa première associée, le docteur Allauzen, était partie au bout de 13 ans, en juin 2019. Elle avait été remplacée par une autre généraliste, le docteur Augé, qui s'en va aujourd'hui à son tour. Sa collaboratrice a quitté le cabinet début mars pour retourner dans sa région d’origine.
Pour ses dernières années d’exercice, encore 7 à 8 ans, le docteur Muraccioli part s’installer en Corse. Ce départ est-il prévisible ? Le praticien, qui se retrouvait seul avec de lourdes charges à assumer, avait alors une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme en tout début d'année. "Il fallait débourser les loyers de 3 cabinets médicaux et le salaire de la secrétaire, soit 4 500 euros par mois."
Pour sa patientèle, de près de 2 000 Saint-Marcellois, le coup est rude. "Ma décision, je l'ai prise il y a 15 jours (15 février). J'ai mis une affiche sur ma porte. La nouvelle a fait le buzz. On m'en parle 25 fois par jour. 25 ans dans le village, on crée des liens", confie le généraliste qui a fait ses études à Dijon. Comment réagit sa patientèle ? "Les gens sont bienveillants, en grande majorité, ils sont compréhensifs. Je suis inquiet pour eux et j'ai même vu des gens pleurer... mais on ne vit qu'une fois".
Le docteur Muraccioli ne quitte pas la commune de gaîté de cœur, attaché à la notion de médecin de campagne. Ce départ sonne surtout comme un aveu d'échec pour celui qui avait fondé la maison médicale de Saint-Marcel en 2009, en association avec le Dr Allauzen. Un investissement commun sur des fonds privés. C'est aussi une preuve supplémentaire de la désertification médicale en marche dans le sud Ardèche et plus globalement en zones rurales et semi-rurales.
Il y a six mois que je sais que je vais être seul, mais je n'ai toujours pas de nouvelles du maire. Je suis en colère après les politiques qui n'ont pas bougé jusque là.
Dr Patrice Muraccioli
Mais que fait la mairie ?
Les appels du pied du médecin ne laissent pas sans réaction. Pour preuve, ce commentaire d'un internaute attire l'attention. Dans ce "coup de gueule modéré" mais accusateur, il écrit : "Je trouve le Docteur Muraccioli bien seul dans ses recherches de collaborateurs. La municipalité ne pourrait-elle pas s'investir, faire des propositions : offrir un logement, fournir un véhicule de fonction ? Aux candidats. Cela s'est fait dans d'autres communes avec succès. Solliciter l'aide des communes avoisinantes, de la communauté des communes qui a des moyens plus importants de communications ?"
La municipalité a pourtant relayé les appels du généraliste. Elle propose même "diverses facilités" comme un logement provisoire, précise le docteur Muraccioli dans son message. Soutien symbolique ? En 2019, elle a fait l'acquisition du cabinet médical de l'avenue de Provence, acheté pour la somme de 220 000 euros. Il s'agissait alors de "pérenniser l'activité du médecin sur la commune", explique l'actuel maire, Jérôme Laurent. C'est la solution qui avait été trouvée après le départ de la première associée de Patrice Muraccioli. Les charges étant alors devenues trop importantes pour un seul praticien.
La commune sera-t-elle prête à salarier un ou plusieurs praticiens sur ce site ? C'est une piste à explorer, selon le docteur Muraccioli, car l'exercice en libéral peut faire peur à certains. Mais ce n'est peut-être pas la seule. Pour lui, il s'agit d'examiner toutes les options : salariat ou forfait tout compris, offrir plus de simplicité administrative avec un "effort de la mairie".
Et il évoque à ce titre l'exemple des villes voisines de Bollène ou de Mondragon dans le Vaucluse, qui ont "réagi". Si Patrice Muraccioli se défend de faire de la politique, il dit n'avoir pas été entendu. Il parle même d'un "gâchis" lorsqu'il évoque le cabinet médical qu'il a lancé en 2009.
Pourquoi ne pas jouer la carte du centre médical intercommunal ?
Puisque l'union fait la force, pourquoi ne pas jouer la carte d'un centre médical intercommunal ? Se regrouper pour attirer les médecins sur le secteur au sein d'un équipement déjà existant ? On s'interroge. Le docteur Muraciolli voyait plutôt d'un bon œil un rapprochement avec une commune voisine grâce à la maison médicale. Mais le pas semble difficile à franchir pour certains élus. "Saint-Marcel, Saint-Just, Saint-Martin, Bidon... Si les élus pouvaient s'entendre. Mais il y a trop d'égo", déplore le médecin.
Dans le secteur de Saint-Marcel d'Ardèche, c'est 8000 personnes en été. Et pas de centre de soins. Il faut oublier les égos respectifs.
Dr Patrice Muraccioli
Jérôme Laurent, maire de Saint-Marcel d’Ardèche depuis mars 2020, est également pompier professionnel. Les problématiques de santé sur sa commune, il est loin de les survoler. Depuis son installation dans le fauteuil de premier magistrat, il dit s’activer afin de garantir l’offre de soins sur cette commune où la pénurie de médecins est criante. Une élue est d'ailleurs mobilisée sur ce sujet.
Je veux agir rapidement. On peut se mettre autour de la table mais j'ai peur qu'on perde du temps.
Jérôme Laurent, maire de Saint-Marcel d'Ardèche
Sur l'idée d'un centre médical intercommunal, le maire de Saint-Marcel d'Ardèche ne cache pas son agacement. Trop long à mettre en place selon l'édile. Jérôme Laurent dit vouloir "agir rapidement" dans l'intérêt de ses administrés. "En France, on a la réunionite aiguë ! On va mettre 100 ans pour avancer sur le sujet !" La question des "égos" est un frein, reconnait l'élu. Reste que le projet porté par la mairie va également mettre des mois à se concrétiser.
La réponse de la commune de Saint-Marcel d'Ardèche : un futur pôle santé
Ce projet porté par la municipalité est ambitieux : faire sortir de terre un centre médical pluridisciplinaire. Il a vocation à attirer différents professionnels de santé et pas uniquement des généralistes. La commune espère ainsi pouvoir compter sur des médecins spécialisés, des infirmiers. Et cet équipement vise même séduire le responsable de l'officine de pharmacie. L'actuelle, d'une surface de 120 mètres carrés, ne permet pas de se développer, notamment pour proposer des tests Covid. En outre, la pharmacienne est aussi bientôt en âge de prendre sa retraite. Même problème pour le cabinet dentaire de la commune.
"Notre idée, c'est de construire un véritable pôle de santé sur lequel on va mutualiser l'ensemble des professionnels de la santé. On aura un véritable travail en synergie sur la commune. Je ne dis pas que c'est la solution à l'ensemble des problèmes mais ça donnera un cadre de travail plus efficace aux médecins pour le suivi de leur patientèle", assure le maire de Saint-Marcel d'Ardèche.
Ce projet ambitieux conçu avec un promoteur privé ne verrait pas le jour avant plusieurs mois. Pour le docteur Muraccioli, cette offre "ne correspond pas à la demande".
Même son de cloche sur la page Facebook "J'aime Saint-Marcel d'Ardèche" qui pointe l'urgence de la situation : "Ce n'est pas d'une hypothétique maison de santé en 2024 dont nous avons besoin, mais bien d'un médecin début août 2022", est-il écrit en réaction à l'annonce de ce futur centre dans la presse locale.
De son côté, le maire de Saint-Marcel d'Ardèche dit vouloir se projeter sur le long terme. Il pense au contraire que ce projet permettrait de répondre à la principale demande des médecins: "travailler en synergie complète avec d'autres professionnels de la santé", "des généralistes au contact des spécialistes, des kinésithérapeutes, des infirmiers"; ce qui se retrouve à Bollène, selon l'élu. "Les internes veulent du clef en mains, ils ne veulent pas être tenus par des crédits", explique Jérôme Laurent.
Il faut s'enlever cette idée de la tête : qu'on aura un médecin pendant 30 ou 40 ans sur la commune!
Jérôme Laurent, maire de Saint-Marcel d'Ardèche
La solution choisie aujourd'hui à Saint-Marcel d'Ardèche : "débloquer du foncier". La procédure de révision du PLU a été lancée via la communauté de communes. Elle va durer 9 mois. Au terme de cette première étape, le permis de construire pourra être déposé. "Il faut offrir un cadre pratique de santé global pour pérenniser les différentes activités présentes sur notre commune et ouvrir la possibilité d'installation à de nouveaux professionnels de santé", résume le maire.
Pour ce pôle médical, un partenaire privé est prêt à investir. Le budget serait compris entre 500 et 600 000 euros. "Ce partenariat public - privé peut fonctionner", assure le maire de Saint-Marcel.
Jérôme Laurent veut rester optimiste : "ce cadre de vie est recherché par de nombreux professionnels. Je garde beaucoup d'espoir et mets toute mon énergie pour qu'on trouve des médecins qui viennent s'installer sur notre commune".
Le centre médical pourrait être réalisé sur un terrain situé à la sortie du village, appartenant à la commune. Parviendra-t-il à séduire de jeunes (ou moins jeunes) praticiens ? La question ne se pose peut-être pas uniquement en termes d'équipements.
Jeunes médecins : pourquoi ils ne viennent pas ?
La commune de Saint-Marcel d'Ardèche n'est pas au bout du monde. Elle a même tout pour plaire. "On est en pleine vallée du Rhône, on est dans un bassin économique autour du Tricastin. On a une offre de services publics de qualité. Aujourd'hui, on voit bien que ça ne suffit pas", explique le maire qui partage le constat du médecin sur le départ.
Si les installations de jeunes praticiens ne compensent pas le nombre de départs en retraite en France, on a cherché à comprendre pourquoi les docteurs ne veulent pas s'installer dans des villages comme Saint-Marcel d'Ardèche ? Pour Patrice Muraccioli, ces jeunes "veulent rester dans une ville universitaire, rester près des amis. Il y a surtout la question de la profession du conjoint".
Aujourd'hui, la jeune génération des professionnels de santé a d'autres attentes : un travail moins chronophage qui n'oblige pas à sacrifier une partie de sa vie privée. Tant à la ville qu'à la campagne. C'est un autre aspect du problème, une réalité, mais pas forcément le cœur du problème.
Colleen Massé, 26 ans, a été l'une des internes du médecin de Saint-Marcel d'Ardèche qui forme la relève chaque semestre. Originaire de l'Isère, elle est aujourd'hui à Lyon et poursuit sa formation en milieu hospitalier. La souriante étudiante a effectué six mois de stage auprès du docteur Patrice Muraccioli. Une journée par semaine. C'était même son premier stage auprès de ce "médecin de famille", connu de tous dans le village. Une expérience en zone semi-rurale et une pratique professionnelle qui lui ont donné envie de s'installer sur un territoire comme généraliste. Elle l'avoue, elle est un peu le contre-exemple.
Tout le monde ne peut pas être médecin en zone rurale. Pendant 6 mois, il y avait parfois un côté "cow-boy" mais j'ai adoré.
Colleen Massé, interne en médecine
Aujourd'hui, la jeune femme ne cache pas son attrait pour l'exercice en zone semi-rurale, en raison de la proximité des grands centres. Dans ce coin du sud Ardèche, l'hôpital le plus proche est à une demi-heure. Malgré tout Colleen sait déjà qu'elle ne s'installera pas à Saint-Marcel. Elle est cependant bien décidée à y faire des remplacements pendant l'été. A l'avenir, elle souhaite s'installer près de sa famille, en Isère.
Quelles réponses peuvent apporter, selon elle, les pouvoirs publics pour inciter les jeunes médecins à s'installer en zone rurale ou semi-rurale ? La jeune femme n'y va pas par quatre chemins : les incitations financières sont appréciables, reconnaît la jeune interne mais sur les sites internet, la documentation est "une jungle incompréhensible !" Colleen avance l'idée d'une "simplification administrative à l'installation" et prend pour exemple le département de la Drôme qui a instauré un "guichet commun". Elle cite aussi le modèle de la maison médicale de Bollène, en ZIP, qui propose un loyer de 750 euros mensuels, une patientèle assurée, des aides à l'installation, une période d'engagement. Un modèle "attractif" selon la jeune interne.
Les réticences sont souvent d'ordre pratique : "en médecine générale, on est peu formé à la gestion d'un cabinet, d'un secrétariat, à l'aspect pratique", déplore Colleen, "les trucs administratifs, c'est parfois énorme à gérer. On n'est pas vraiment formé pour assumer ces tâches administratives, l'Urssaf et le reste..."
Pour certains c'est un problème d'avoir à prendre la voiture tout le temps. On fait tous l'internat dans de grandes villes. On s'habitue au confort. Si on n'est pas accompagnés pour s'installer en campagne, c'est un grand pas à franchir.
Colleen Massé, interne en médecine
Autre voix, mêmes arguments du côté des blouses blanches. Le Docteur Caroline Dorthe, généraliste de 31 ans, a déjà fait des remplacements durant deux ans pendant les vacances dans la commune. Le Docteur Muraccioli, elle le connait depuis toujours. Il était même son médecin depuis l'enfance. Si Caroline Dorthe est originaire de Saint-Marcel d'Ardèche, aujourd'hui, elle exerce à Bordeaux. Elle a suivi son compagnon ingénieur. Dans son cas, c'est bien la question de l'emploi du conjoint qui a joué. Elle assure aujourd'hui des remplacements.
Le docteur Dorthe non plus ne s'installera pas à Saint-Marcel d'Ardèche, comme Colleen Massé. Pourquoi cette réticence ?
"La peur d'exercer seule, la peur d'être débordée, de s'épuiser", même si la patientèle est agréable et le cabinet est confortable. "A Saint-Marcel d'Ardèche, il faudrait que ce soit un projet à plusieurs médecins, idéalement à trois", résume Colleen Massé.
Confirmation de Caroline Dorthe : "l'idéal à Saint-Marcel, une installation de médecins jeunes, qui se connaissent, pour un travail d'équipe". Un argument visiblement entendu par le maire de Saint-Marcel d'Ardèche.
Car l'exercice de la médecine générale, même en zone semi-rurale, est parfois un grand moment de solitude pour les jeunes médecins, avec l'impression de travailler sans filet, et parfois d'avoir à "négocier dur".
Lorsqu'un patient présente des douleurs thoraciques, avec suspicion d'infarctus, on doit être certain du diagnostic avant de faire déplacer un hélicoptère pour l'évacuer vers l'hôpital le plus proche.
Dr Caroline Dorthe
Des responsabilités trop lourdes à porter seul, notamment lorsque les services d'urgence sont éloignés et saturés. "En campagne, le médecin généraliste est le référent. Le patient va venir directement au cabinet, il ne va pas forcément appeler le 15. En zone rurale, on est vraiment utile mais c'est une source de stress", ajoute Caroline Dorthe. "Parfois le sentiment d'être très sollicité, c'est difficile à porter. En ville, en cas de souci, l'hôpital est à dix minutes, tout ne dépend pas de soi".
Concilier vie de famille et vie professionnelle, exercer dans un environnement de qualité, travailler "en synergie" avec des confrères. La nouvelle génération est-elle devenue trop exigeante ? Il n'en reste pas moins que les jeunes médecins remplaçants, pas encore tentés par une installation définitive, sont aujourd'hui en position de force sur le marché. Démographie médicale oblige.
Les médecins remplaçants sont aujourd'hui en position de choix. Les remplaçants sont nettement inférieurs aux nombres de propositions. Alors on cherche un remplacement en fonction de critères comme la présence de plusieurs médecins, d'un secrétariat..
Dr Caroline Dorthe, médecin généraliste
Quant à la cause de la désertification médicale, les deux jeunes femmes sont unanimes : la situation est le résultat du strict numerus clausus imposé ces dernières décennies.
Il n'y a pas de solution miracle, il manque des médecins.
Colleen Massé, interne en médecine
Aujourd'hui, le docteur Muraccioli, sans amertume, dit comprendre la réticence de jeunes confrères à s'installer à ses côtés : "un jeune médecin hésite à s'installer avec un collègue de mon âge. A 57 ans, je vais prendre ma retraite dans quelques années, il se retrouvera alors seul", et il ajoute : "la maison médicale de Saint-Marcel aurait des chances d'attirer maintenant que je n'y suis plus." Ce départ va-t-il débloquer la situation ? La question restera posée.
En attendant le pôle de santé, de la télémédecine à partir du 1er août...
Pas de médecin à l'horizon, un projet de pôle santé qui ne verra donc pas le jour avant plusieurs mois. Que vont faire les patients à partir du 1er août 2022 ? Le maire de Saint-Marcel d'Ardèche a déjà la réponse : la mise en place d'un service de télémédecine dans un premier temps, avec un secrétariat en place, dans le cabinet médical de l'avenue de Provence. "On aura certainement une salariée payée par la commune qui accompagnera la patientèle ayant l'habitude de venir sur le cabinet médical," explique le maire de Saint-Marcel d'Ardèche.
Un exemple de cabine de télémédecine
Une solution provisoire pour les Saint-Marcellois. Mais Jérôme Laurent en est convaincu : "il faut développer la télémédecine, notamment pour lutter contre la désertification médicale". Cette pratique peut aussi, selon l'élu, permettre de désengorger les cabinets médicaux. Des arrêts de travail, des renouvellements d'ordonnance ... autant de consultations qui saturent les cabinets médicaux et peuvent être traitées à distance avec les nouvelles technologies. Une vision pas toujours partagée par les médecins de "l'ancienne génération", constate le maire.
La télémédecine peut désengorger les cabinets médicaux sur des pathologies qui peuvent le permettre.
Jérôme Laurent, maire de Saint-Marcel d'Ardèche
Que pense le docteur Muraccioli de médecine générale 2.0? Ce dernier n'est pas tendre, une hostilité à peine masquée. Pour lui, comme pour des internes ou des médecins remplaçants qui sont passés par ce cabinet, ce dispositif ne remplace pas le contact direct avec le patient. Le docteur Caroline Dorthe confirme : "on perd le contact ; ça peut dépanner pour une ordonnance, mais on peut passer à côté d'un diagnostic". Véritable solution ou cautère sur jambe de bois ?
Saint-Marcel d'Ardèche n'est pas considéré comme un désert médical
La carte de zonage de l'Agence régionale de Santé est révisée tous les 3 ou 4 ans. A ce jour, malgré le départ du dernier généraliste de la commune, Saint-Marcel d'Ardèche n'est pas éligible aux aides à l'installation des médecins. Elle n'est pas placée en zone sensible, comprenez en ZIP (zone d'intervention prioritaire), et n'est donc pas considérée comme un désert médical.
La communauté de communes de Bourg-Saint-Andéol est effectivement à ce jour classée en ZAC (zone d'action complémentaire) signifiant qu'elle n'est pas impactée par le manque de médecins.
Pour l'heure, sur le secteur sud du canton de Bourg-Saint-Andéol, il reste un médecin à mi-temps, installé sur la commune de Saint-Just d'Ardèche, pour une population de 5 000 habitants qui monte jusqu'à 8 à 10 000 personnes sur la période estivale.
Aujourd'hui, la mairie de Saint-Marcel d'Ardèche n'exclut pas le salariat et dit étudier la question et entend travailler "en étroite collaboration" avec le département. Car pour Jérôme Laurent, la question de la pénurie de médecins dépasse largement le cadre de la simple commune. C'est à l'échelle du bassin de vie qu'il faut réfléchir, selon l'élu.
"Ça dépasse les frontières d'une commune, ça dépasse les frontières d'une intercommunalité. C'est bien à l'échelle d'un département, de plusieurs départements, c'est vraiment à l'échelle de bassins de vie qu'ils faut traiter cette problématique de santé et d'accueil de nouveaux médecins pour mettre en place une dynamique d'accueil global".
La santé, priorité affichée du département de l'Ardèche
Pour le nouvel exécutif départemental, la santé est une priorité affichée. L'Ardèche compte environ 300 000 habitants. L'équipe à la tête du département entend faciliter l’accueil d’internes et l’installation de nouveaux médecins. Elle s'est même engagée sur le chiffre de 100 médecins sur toute la durée du mandat.
Olivier Amrane, président du conseil départemental de l'Ardèche, début février évoquait la création prochaine d’une cellule santé spécifiquement dédiée à la lutte contre la désertification médicale, "fonctionnelle au premier semestre". Les internes viennent faire leur stage en Ardèche mais le défi consiste aujourd'hui à les retenir sur le territoire. Seuls 2% des internes restent en Ardèche, contre 10% en Aveyron, l'un des départements voisins.
Carte postale de Saint-Marcel d'Ardèche
Localisée dans le Bas-Vivarais, sur la rive droite du Rhône, Saint-Marcel-d'Ardèche est une commune rurale située dans le département de l'Ardèche. Elle s'étend sur un peu plus de 3 600 hectares.
Sa limite sud est proche de la rivière Ardèche, qu'elle longe sur environ 200 mètres, tandis que le Rhône la sépare à l'est des départements de la Drôme et du Vaucluse. Elle fait partie de l'aire d'attraction de Pierrelatte, dans la Drôme. Elle fait partie de la communauté de communes Du Rhône aux Gorges de l'Ardèche qui regroupe neuf communes (Bourg-Saint-Andéol, Bidon, Gras, Larnas, Saint-Just d'Ardèche, Saint-Marcel d'Ardèche, Saint-Martin d'Ardèche, Saint-Montan et Viviers), soit plus de 19 000 habitants.
Très touristique, la commune multiplie sa population quasiment par 5 en pleine saison estivale, passant de 2 500 à près de 10 000 personnes.