En Ardèche, les malentendants se ressaisissent après les épisodes les plus critiques de la pandémie. Ils proposent à tous ceux qui le désirent de les rejoindre au sein d’une association départementale pour apprendre à « signer ».
Et Jacques fit un rêve : qu’entendants et « mal » entendants puissent vivre dans le même monde. Cet ouvrier mécanicien qui a travaillé toute sa vie dans un atelier pour poids lourds est aujourd’hui à la retraite. Mais il ne ménage pas son temps pour convaincre ses homologues à se rapprocher de la langue des signes, l’un des meilleurs moyens pour échanger entre ceux qui s’expriment oralement sans barrière et ceux doivent passer par les mains et les expressions du visage pour se faire « entendre ».
Le Covid pousse à se lancer dans la langue des signes
Contrairement aux idées reçues, tous les malentendants ne signent pas, autrement dit, ils ne pratiquent pas tous la langue des signes. Non pas qu’elle soit si difficile à apprendre, mais il faut s’y mettre avec sérieux. « La langue des signes n’est pas facile, reconnaît Elodie Wuillamie, porteuse du projet d’association ardéchois. Mais ce qui la rend accessible, c’est qu’elle n’est pas scolaire. On travaille avec du mimétisme, des expressions, des gestes, le corps qui parle aussi. »
Pour cette jeune femme malentendante de naissance et frappée d’une surdité sévère présentant 80% de perte, la crise du Covid est le déclic. Celle qui lui fait prendre conscience que « parfois les gens qui vous croisent, lorsque vous êtes à votre bureau, ne savent pas que vous êtes sourde. Mais Tout se passe bien, car je lis sur les lèvres. C’est une amie sourde qui m’initie à la langue des signes. Mais en mars 2020 surgit le COVID et là ... avec ces masques, c'est la « cata » !! Malgré l'appareillage, je ne comprends rien du tout ! L'appareillage me rassure juste mais ce sont les lèvres qui m'ont aidé à intégrer ce monde d'entendants pendant 38 ans ! Je me suis battue pour faire partie de leur monde mais le mien n'est pas celui-là, c'est pas celui où je dois faire un effort permanent, mon monde c'est celui du silence, celui où on parle avec les mains et lit sur les lèvres ... »
Signer pour partager avec tous les autres
Elodie avoue finalement être tombée amoureuse de la langue des signes. En un peu plus d’un an, elle se jette à corps perdu dans son apprentissage. Et aujourd’hui, elle veut partager cette ouverture avec d’autres. Le vocabulaire ? Elle l’acquiert au fil des semaines, car il lui en manque beaucoup. Aujourd’hui, après pas mal de pratique, la langue s’impose à Elodie. Elle a réussi à avaler la liste de mots de vocabulaire et s’aperçoit que plus on en possède, plus signer a du sens et ouvre des horizons nouveaux. Plus on navigue vers les autres.
La création de l’association viendra naturellement, dans la foulée, après avoir publié quelques vidéos sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs là qu’elle se rend compte que beaucoup d'entendants aimeraient apprendre cette langue sans jamais ou très rarement oser franchir le pas, pour raison géographique ou financière.
L’association "La langue des signes en Ardèche" organise des rencontres entre sourds, malentendants, entendants sachant signer et entendants voulant apprendre à signer. Le meilleur moyen ? Des cafés signes (après COVID bien sûr), des ballade signes, des pique-nique signes. Tout événement qui suscite des échanges : des visites, des débats, des visio. Objectif : provoquer la rencontre des deux mondes, comme Jacques en rêve depus si longtemps.