Espèce protégée sur le chantier d'une basilique en Ardèche : l’analyse scientifique qui n’existait pas

Une quinzaine d’opposants à la construction de la basilique de Saint-Pierre-de-Colombier, en Ardèche, se sont rendus la Direction de l’environnement (DREAL). Ils demandaient l’étude scientifique sur le réséda de Jacquin. Réponse : un tel rapport n’existe pas. Mais alors sur quoi s’est basée la DREAL pour donner un avis sur la mise en danger de l'espèce protégée ?

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C’est une petite fleur blanche qui sème la tourmente au sein des services de l’État. C’est une petite fleur blanche sur qui repose la poursuite de la construction de la basilique de Saint-Pierre-de-Colombier, en Ardèche. Car c’est une petite fleur blanche dont l’espèce est protégée depuis 1990.  

Le réséda de Jacquin, espèce endémique franco-espagnole rarissime, est au cœur de la bataille qui oppose les défenseurs de l’environnement, la Famille Missionnaire Notre-Dame (FMND) à l’origine du projet de complexe religieux, et les services de l’État.  

La fleur de la discorde 

En novembre 2023, le tribunal judiciaire de Privas avait pris la décision de stopper sans délai les travaux du projet de centre spirituel, dont le budget s’élève à 17 millions d’euros, après la découverte sur le site, au printemps dernier, de la plante protégée. Une évaluation du risque sur l’espèce florale avait été demandée à la FMND. La congrégation religieuse avait fait appel. Alors que la décision de la Cour d’appel de Nîmes devait intervenir aujourd’hui, le délibéré a été reporté au 8 février prochain. 

En attendant l’échéance, les militants qui s’opposent au projet exigent des explications de la part de l’État. Reçus ce 24 janvier par la Direction de l’environnement (DREAL), “dans un souci d'apaisement”, ils ont cherché à comprendre sur quelles études scientifiques et indépendantes les autorités publiques se sont basées pour estimer que la plante protégée n’était pas mise en danger par les travaux du complexe religieux.  

Selon le témoignage des associations, lors d’une réunion en octobre dernier, une représentante de la DREAL avait assuré aux personnes présentes que les autorités publiques s'étaient basées sur une analyse scientifique. Désireux d’en lire le détail, les opposants avaient alors demandé à pouvoir lire cette étude, et même obtenu de la CADA, la Commission d'accès aux documents administratifs, un avis positif concernant le partage de ce document.  

Aucune analyse de risque indépendante 

Mais dans un mail de décembre 2023 que nous avons pu consulter, la DREAL évoquait ”un malentendu”. Les services de l’État n’ont jamais diligenté d’analyse scientifique. Pour émettre un avis, ils se sont appuyés sur l’évaluation des spécimens présents sur le site du chantier rendue par la FMND elle-même, comme cela est souvent le cas dans ce genre de dossier. “La situation n'appelait ainsi pas la production d'un rapport supplémentaire de la part de l’État”, écrit aussi le directeur adjoint de la DREAL.  

L’étude en question a été réalisée par un bureau d’études que les écologistes accusent de ne pas être indépendant. Celui-ci concluait n’avoir pas “retrouvé d'individus lors de passages effectués en 2021", avant d’ajouter “ainsi, aucune espèce protégée et/ou à enjeu de conservation notable” n’est “recensée sur site.”. Rien de surprenant selon les militants, puisque le Réséda de Jacquin est une plante annuelle, son cycle de vie se déroule en quelques mois. Ce qui signifie que d'une année à l'autre, le nombre d'individus et leur emplacement peuvent changer.  

On s’est moqués de nous ! Ce rapport n’a jamais existé, il n’y a PAS de vraie analyse de risque sur ce dossier, alors que c'est ce qu’exige la loi...”, s’agace Pierrot Pantel, de l’Agence nationale de la biodiversité (ANB). “La DREAL s’est forgé une opinion en se basant uniquement sur le rapport d’un bureau d’étude payé par la FMND”.  

Ce qu’on remet en cause, c’est une manière de travailler, la DREAL est convaincue d’avoir fait les choses dans le bon ordre, mais l’analyse de vie sur le réséda n’existe pas et il n’y a pas d’étude quatre saisons”, rajoute Clémence, de l’association des Amis de la Bourge.  

La préfète de l’Ardèche, Sophie Elizéon, affirmait dans la Tribune de l’Ardèche, avoir demandé à la FMND de choisir un autre cabinet que celui déjà mandaté pour la précédente évaluation et estimé qu’une telle étude ne pouvait pas durer moins d’un an. Sollicitée par notre rédaction, la DREAL a répondu que "l'affaire faisait l'objet d'une procédure en contentieux et qu'il y avait lieu d'attendre, dans un premier temps, l'expression du juge".

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