Bon soldat de la Macronie qui a laissé des plumes en portant la réforme très impopulaire des retraites, l'Ardéchois Olivier Dussopt a été évincé de son poste de ministre du Travail, à quelques jours de l'issue de son procès pour "favoritisme".
"20 mois au Travail" : après l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, Olivier Dussopt a aussitôt publié un message sur le réseau social X mettant en avant son bilan au gouvernement. "Six réformes majeures adoptées" à la tête d'un ministère qui "a concilié depuis mai 2022 des réformes ambitieuses et un dialogue social exigeant, orienté vers un seul objet : le plein emploi", écrit l'ancien ministre, originaire de l'Ardèche.
20 mois au Travail.
— Olivier Dussopt (@olivierdussopt) January 11, 2024
20 mois d'engagement, 85 déplacements, 6 réformes majeures adoptées : le Ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion a concilié depuis mai 2022 des réformes ambitieuses et un dialogue social exigeant, orienté vers un seul objet : le plein emploi. pic.twitter.com/3WQLaErkeW
Olivier Dussopt n'apparaît pas dans la liste des 14 principaux ministres du gouvernement Attal, annoncés ce jeudi soir 11 janvier. C'est Catherine Vautrin qui est nommée pour lui succéder au ministère du Travail. L'Ardéchois quitte le gouvernement, après y avoir siégé durant plus de six ans.
Loyal soldat
Même s'il a pris des coups, il a été traité d'"assassin" à l'Assemblée nationale, un député a posé en photo le pied sur un ballon à son effigie, il n'a eu de cesse de défendre une réforme "nécessaire", au sujet du texte repoussant l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
À l'issue de ce marathon, certains l'ont dit "miné" ou "dans la revanche". Et cet hypermnésique, capable de se fermer comme "une huître", s'est depuis fait très discret.
Son absence lors des débats sur l'immigration a notamment été remarquée. Lors des discussions au Sénat, les socialistes, jamais tendres avec leur ancien camarade, avaient lancé "un avis de recherche". Ils se souviennent que l'ancien député PS avait été nommé au gouvernement dès novembre 2017, à peine quelques jours après avoir voté contre le budget 2018.
S'il n'a pas été un ministre très en vue du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, cantonné à des portefeuilles techniques (secrétaire d'État puis ministre délégué aux Comptes publics de juillet 2020 à mai 2022), Olivier Dussopt a gagné ses galons de soldat loyal de la majorité.
Il est nommé ministre du Travail en mai 2022. À ce poste, il devient un rouage clé du gouvernement, portant des dossiers phares et souvent contestés par les syndicats : à commencer par la réforme des retraites, mais aussi l'assurance-chômage, la transformation de Pôle Emploi en France Travail ou encore la quête du plein emploi.
Cyril Chabanier (CFTC) a souligné jeudi soir que "de grands désaccords, notamment sur les retraites et l'assurance chômage", n'ont pas empêché "de discuter et d'avancer sur d'autres sujets", saluant un ministre "ouvert au dialogue".
Ascension sociale
Ce fils d'ouvriers, diplômé de Sciences-Po Grenoble, a été le premier de sa famille à décrocher le baccalauréat. Il est élu député de la 2ᵉ circonscription de l'Ardèche en juin 2007 : à moins de 30 ans, il est alors le benjamin de l'Assemblée nationale.
Olivier Dussopt a également été maire d'Annonay durant 9 ans, de 2008 à 2017. Le , en application de la loi interdisant le cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale, il quitte ses fonctions de maire d'Annonay et Antoinette Scherer, sa première adjointe depuis 2009, lui succède. Il est réélu député en 2012, puis en 2017, notamment face à une candidate macroniste.
Glissement progressif
Son parcours politique, entamé bien à gauche, est cependant marqué par un glissement progressif. Il entre en politique comme collaborateur du socialiste, Michel Teston, sénateur et président du Conseil général de l'Ardèche. Adhérent du PS depuis 2000, proche de la Nouvelle Gauche avec Benoît Hamon, il intègre en 2008 la direction nationale du parti.
Lors de la primaire socialiste fin 2011, il est porte-parole de Martine Aubry, avant de rejoindre la campagne de François Hollande, puis de devenir le porte-parole de Manuel Valls lors des primaires de 2017.
Le parcours de ce ministre à la voix ténue devait à son arrivée apporter "une caution plus de gauche" au gouvernement, selon un membre de la majorité. Son petit parti de l'aile gauche Territoire de Progrès (TDP) est devenu une organisation associée au parti présidentiel Renaissance en septembre 2022.
Soupçon de favoritisme
Dix mois d'emprisonnement avec sursis et 15.000 euros d'amende ont été requis fin novembre à l'encontre d'Olivier Dussopt, jugé pour des soupçons de favoritisme dans un marché public de distribution d'eau en 2009, lorsqu'il était maire d'Annonay. Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision le 17 janvier.
Le ministre de 45 ans, venu de la gauche, avait été rattrapé par cette affaire révélée par Mediapart alors qu'il était en première ligne sur la réforme des retraites, sur fond de mobilisations massives à l'appel de l'intersyndicale depuis début 2023.