"Il faut cesser d'intellectualiser le vin. C'est d'abord un boulot d'agriculteur" selon Laure Colombo, productrice renommée en Ardèche

Portrait d'une formidable vigneronne. Comme ses parents, Laure Colombo a créé son domaine viticole en Ardèche. Elle y défend la polyculture-élevage, et, au passage, l'émancipation des femmes dans un monde encore très masculin.

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Elle a été élue « meilleure vigneronne de l’année » lors des derniers trophées de la gastronomie et des vins, en octobre 2021. La vigneronne Laure Colombo doit cette récompense au travail qu’elle accomplit depuis sept ans au Domaine de Lorient, à Saint-Peray, en Ardèche.

Les origines familiales de Laure se situent dans la région de Marseille. C’est d'abord son père, Jean-Luc Colombo, qui a évolué de la cuisine vers le vin. « Ma grand-mère était cuisinière à une époque où ne parlait pas des chefs comme on le fait aujourd’hui. Quand mon père a voulu le devenir, on lui expliqué que cela n’était pas vraiment un métier, et qu’il ferait plutôt de la médecine. Au final, il a bifurqué vers la pharmacie. Il se trouve qu’à l’université de Montpellier, cela lui a permis d'étudier l’œnologie » résume notre vigneronne. « Attiré par la fraîcheur et la souplesse de vins basés plus au nord, comme la syrah, il est venu s’implanter en Ardèche. »

je n’ai pas repris le domaine. Ils m’ont plutôt transmis le sens des bons produits

Laure Colombo a donc logiquement hérité de la passion du vin par ses parents, qui lui ont transmise « de façon discrète et presque sournoise », sourit-elle. « Il ne m’ont jamais dit que je deviendrai vigneronne. Et, d’ailleurs, je n’ai pas repris le domaine. Ils m’ont plutôt transmis le sens des bons produits. Comme par exemple, la différence entre une carotte plein-champs et une carotte sous serre… »

Des valeurs transmises notamment par un père connaisseur. Ce dernier a créé son domaine en viticulture raisonnée, et a obtenu un premier millésime bio en 2015. Il s’est ainsi créé une vraie renommée, créant des vins de notoriété mondiale.

Sa maman est originaire de Lozère. « Du côté des Cévennes un peu sauvages… On y a une petite maison de famille, à mille mètres d’altitude, où on cultive des pommiers. Mon rêve, ce serait d’y planter un peu de vignes, en plein milieu du parc naturel. Peut-être pour ma retraite… » On en est vraiment pas là.

De l'Ardèche... à l'Inde

De son côté, Laure a grandi à Cornas, un petit village ardéchois. « Quand on est adolescent, on a envie de tout sauf de finir ses jours là-bas », sourit-elle. Après des études de commerces à Lille, un passage par Bordeaux, elle voyage en Inde, aux Etats-Unis… « L’Inde est un pays tellement riche culturellement, qui fourmille… On s’y pose beaucoup de questions sur notre propre identité. Cela amène à se remettre en question. Là-bas, je me suis aperçu que ma vie était bien à la maison. »

Avant de pouvoir faire Guernica, il faut d’abord savoir peindre un tableau classique

Comme son père, Laure a été formée à l’œnologie. Une connaissance qui a de l’importance à ses yeux : « Cela peut paraître un peu prétentieux, mais j’aime faire le parallèle avec un grand peintre, tel que Picasso. Je pense qu’avant de pouvoir faire Guernica, il faut d’abord savoir peindre un tableau classique », résume-t-elle. « Avant de pouvoir m’exprimer sur les vins, il était important pour moi de savoir, avant tout, comment c’était fait.»

Chacun son domaine

Puis, avec son compagnon Dimitri, Laure Colombo finit par créer son propre domaine. « C’est lui qui m’a rejoint, donc c'est moi la chef », s’amuse-t-elle. « Le domaine Colombo, c’est vraiment un bébé que mes parents ont créé. Mon père n’a pas du tout envie de faire autre chose, de prendre sa retraite. Il n’était donc pas dans une logique de transmission immédiate. Donc on travaille ensemble régulièrement, mais chacun a son domaine. »

J’entends souvent qu’il me faudra faire un garçon pour assurer la suite… Ce genre d’idées existe encore

Un vrai moyen de s’émanciper en tant que femme, également, dans un monde qui reste largement… masculin. Pas si simple d’être reconnue comme une bonne vigneronne. « C’est vrai que cet environnement évolue lentement sur ce sujet. J’ai déjà dit que si j’avais eu un frère, je me serais sans doute retrouvée à des fonctions de marketing. Je l’ai beaucoup ressenti avec ma fille, qui a quatre ans aujourd’hui. J’entends souvent qu’il me faudra faire un garçon pour assurer la suite… Ce genre d’idées existe encore. »

Dans le berceau de la Syrah

C’est donc à Saint-Péray, à côté de Cornas, que Laure a planté ses pieds de vigne. Il y travaille sous plusieurs appellations. « On a cherché longtemps un lieu pour pouvoir s’installer. Saint-Perray est un peu le « pendant en blancs » de Cornas, qui est uniquement en vin rouge. On voulait donc un lieu en altitude, d’un seul tenant, qui corresponde bien à l’idée que l’on avait d’un domaine viticole. »

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Vous êtes Formidables en Auvergne-Rhône-Alpes ©Interrogée par Alain Fauritte

Ainsi est né le Domaine de Lorient, et son cépage de Syrah. Une variété de raisin qui constitue un cépage de prédilection dans ce secteur, qui en est le berceau. « Certains ont un peu tenté de nous voler la vedette. Au final, c’est un laboratoire américain qui a démontré que la Syrah est purement ardéchois, et originaire des alentours de Cornas », précise la vigneronne.  

Aller au-delà du bio

Dans son propre domaine, Laure cultive ses différences. « L’époque n’est pas la même que celle de mon père. On a en commun pas mal de convictions et de détermination, ainsi que des valeurs bien ancrées. Donc c’est vrai que, selon les époques, cela ne donne pas tout à fait la même chose. Mon idée, c’est plutôt de remettre la viticulture au cœur d’un environnement plus divers. Avoir de la vigne, mais pas que… »

C’est ainsi qu’a été élaboré le concept de « ferme vigneronne ». C’était un peu le rêve de Laure « Je me voyais fermière », reconnaît-elle. « Dans ce contexte, le bio était une sorte de prérequis. Il fallait aller au-delà. Etre en bio, puis développer la polyculture-élevage. Par exemple, on cultive du blé au milieu des vignes. On y fait pâturer nos moutons, nos vaches… C’est l’agriculture de nos grands-parents, qui s’est un peu perdue et que l’on a envie de retrouver.»

Laure Colombo, dont les vins sont aujourd’hui servis sur les plus grandes tables, défend surtout l’idée de revenir à l’essentiel, notamment dans la viticulture. « Le vin s’est beaucoup intellectualisé. On fait beaucoup marcher nos neurones. Mais, en fait, le vrai boulot, c’est un travail de paysan, d’agriculteur, qui se fait dans les champs. »

REPLAY : Voir ou revoir l'intégralité de l'émission, présentée par Alain Fauritte

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