Pas facile de profiter de l'ambiance des vacances quand on cherche à éviter l'alcool. Le camping de la Croix-bleue à Vernoux en Vivarais répond à cette demande. Ici l'alcool est prohibé dans son enceinte. Le projet est porté par une association qui accompagne les personnes souffrant d'addiction.
Des mobil-homes, des toilettes communes et tout autour, la nature ardéchoise à perte de vue... le camping ardéchois de la Croix Bleue ressemble à beaucoup d'autres, pourtant il est unique.
Ici, abstinents et non abstinents peuvent réserver et venir profiter de la nature paisible de l'Ardèche. En revanche, les non-abstinents doivent respecter une règle primordiale : ne pas consommer d'alcool dans l'enceinte du camping.
Une règle immuable
Les journées se déroulent paisiblement. Les parties de pétanque s'enchainent, mais point de troisième mi-temps. Pastis, bières et toutes boissons alcoolisées sont bannies.
Jean-Claude Scherer est le responsable du camping de la Croix Bleue, il connaît chaque vacancier et chaque vacancier connaît la règle. "Il n’y a pas d'alcool sur le terrain", dit-il. "S'il y en avait, on préviendrait la personne que ce n'est pas normal, qu'il faut se responsabiliser, que le terrain est sans alcool, par respect envers les autres campeurs".
Le camping affichait complet en août l'an dernier, visiblement la formule ne rebute pas. "Quand quelqu’un se désiste dans la journée", explique Jean-Claude, "une autre personne le remplace et réserve."
Michèle Paupardin et son mari viennent au camping tous les étés. Son mari a arrêté de boire il y a bientôt 30 ans. "On a rencontré la Croix bleue après le sevrage de mon mari. À l’hôpital, il y a des personnes de l'association qui sont venues le visiter et c’est comme ça qu’on a commencé à fréquenter les réunions de la Croix bleue. Après sa cure, on est venu ici passer une semaine. Pour nous, ça a été le début d’un renouveau", dit-elle avec un soulagement visible.
"L'alcool nous avait déchirés. Ici, on nous a aidés, chouchoutés."
MichèleHabituée du camping de la Croix Bleue
"Pour quelqu'un qui sort juste de cure, explique-t-elle, aller passer une semaine de vacances dans un camping où à droite, à gauche, on boit l'apéritif, c'est difficile. Il faut se préserver."
La tentation en moins, le soutien en plus
Ni jugement, ni tentation, les habitués du camping épaulent ceux qui tentent de s'en sortir. Pour Jean-Claude, l'entraide est ce qui résume le mieux l'esprit de l'association. "Aider des personnes à se sortir de l’alcool ou qui viennent de se sortir de l’alcool pour se reconstruire en famille, passer des vacances à moindre coût, c'est notre objectif."
Le responsable précise toutefois qu'il y a aussi des personnes qui boivent, mais à l’extérieur, "par respect pour nous, ils ne boivent pas quand ils sont sur le camping, mais ils viennent nous soutenir".
L'entraide passe aussi par l'écoute, le dialogue. "C'est thérapeutique, souligne Michèle, parfois, on passe des après-midi à discuter sur le parcours de chacun. Quelque part, on a tous le même problème, même si chacun a une histoire différente, le dénominateur commun, c'est l’alcool. C’est important de se soutenir, car les personnes qui arrivent sur le camping, qui sont nouvelles, elles se battent, elles veulent s’en sortir."
Années après années, les habitués sont devenus amis et même de retour dans leurs pénates respectifs, le lien est maintenu. "Le reste de l’année, on s’appelle", conclut Michèle.
Surtout éviter la rechute
Tous les pensionnaires ne sont pas abstinents. Nous avions rencontré Philippe, 39 ans, en 2023. Il consomme des boissons alcoolisées de temps en temps, mais s'impose des périodes d'arrêt total. "Quand je bois, même peu, je ne vais pas prendre un bouquin", explique-t-il, "alors que là, j'ai emporté des livres, de quoi écrire, de quoi dessiner. Je mets en place des stratégies sur mes temps d'abstinence qui me font évoluer." Philippe ne se décrit pas comme un abstinent, il s'inscrit dans une démarche de réduction des risques et des dommages. "Mon problème, ce n’est pas l’alcool au quotidien, mais le binge drinking (consommation d'alcool rapide et excessive), ce sont des moments où je risque de me mettre en danger et de mettre en danger les autres."
La location d'une caravane coûte 80 euros pour une semaine. Le prix est accessible grâce à la gestion bénévole du camping associatif.
Première publication en août 2023.