Mobilité, accès aux soins mais également ruralité, emplois saisonniers, autant de thèmes au cœur des préoccupations des citoyens ardéchois qui ne manqueront pas d'être abordés sur le plateau de France 3 Rhône-Alpes, par Olivier Michel et Robin Charbonnier du Dauphiné Libéré. Cinq des dix candidats en lice pour le siège de député de la 3e circonscription de l'Ardèche seront présents.
L'Ardèche, un département, deux ambiances, trois circonscriptions. Il faut d'emblée distinguer l'Ardèche du Nord de celle du Sud, plus rurale.
Dans cette partie du département et plus précisément dans la 3e circonscription de l'Ardèche la moitié des 101 610 habitants, est âgée de plus de 50 ans.
C'est un territoire où la part des résidences secondaires est élevée et où la voiture est essentielle pour les déplacements. Plus de 84 % des Ardéchois du Sud utilisent la voiture pour aller au travail contre 70 % au niveau national.
Dans cette circonscription, le taux de pauvreté est supérieur de 3 points à la moyenne nationale.
La 3e circonscription de l'Ardèche se situe entre les Cévennes et le plateau des Gras. Elle englobe les communes de Burzet, Montpezat-sous-Bauzon, Antraigues-sur-Volane, Vals les bains, Villeneuve de Berg, Aubenas, Largentière, Joyeuse, Les Vans, Vallon pont d’arc, Valgorge, Saint-Étienne de Lugdarès, Coucouron et Thueyts.
Le profil socio-professionnel est plus agricole, artisans, commerçants ou encore chefs d’entreprise que la moyenne dans notre pays. Par conséquent, on y trouve moins de cadres et de professions intellectuelles supérieures selon les chiffres de l'INSEE.
Les candidats en lice
- Florence PALLOT, NUPES (la nouvelle union populaire écologique et sociale) enseignante de philosophie
- Alexandra CAUQUIL, majorité présidentielle Ensemble, enseignante en lycée professionnel à Aubenas et conseillère municipale d'opposition à Aubenas.
- Fabrice BRUN (député sortant), Les Républicains, Chef d'entreprise viticole.
- Laurent UGHETTO, Parti socialiste, non investi par la NUPES, élu en 2008 conseiller général, vice-président en charge de l'économie et de l'agriculture, Président du département de 2017 à 2021.
- Johan VERHEY, Rassemblement National, gérant d'une société immobilière et apiculteur amateur.
Cinq autres candidatures se sont déclarées sur la 3e circonscription de l’Ardèche mais ne seront pas en plateau pour le débat.
- Anne ALIROL, Régionalistes
- Gérald GANDON, Reconquête
- Christophe MARCHISIO, Lutte Ouvrière
- Gonzague SILVA, Les Patriotes
- Audrey TEILLET, Parti Animaliste
Une circonscription habituellement dans la lignée de l’élection présidentielle
Alors qu'historiquement cette circonscription suit la couleur politique du vainqueur à l'élection présidentielle, il y a 5 ans, les législatives ont déjoué les pronostics.
C'est Fabrice Brun, candidat Les Républicains, qui a résisté à la vague En marche.
Le dauphin de Jean-Claude Flory, l'homme qui a longtemps rythmé la vie politique dans le Sud Ardèche comme député-maire de Vals-les-Bains, essaie de rassembler avec pour devise la défense de la ruralité loin du parisianisme.
Sur ce territoire, repeuplé à partir des années 70 par les néoruraux tentés par une écologie sociale, Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête, devant Marine Le Pen et Emmanuel Macron au premier tour.
La République en marche peine à s'installer.
La gauche a une carte à jouer ... à condition d'être unie.
Laurent Ughetto, patron du parti socialiste en Ardèche et ancien président du Département, pouvait espérer incarner naturellement cette union de la gauche. L’accord de la NUPES en a décidé autrement.
Laurent Ughetto a choisi de maintenir sa candidature socialiste, sans la bannière NUPES. Il estime sa candidature légitime.
La candidate estampillée NUPES regrette ce choix.
A côté de cet ancrage à gauche, l'extrême droite a creusé son sillon au fil des rendez-vous électoraux. Le discours tenu par le Rassemblement National fait écho au sentiment d’oubli et de déclassement existant dans ces zones rurales où services publics et mobilité font partie du quotidien des habitants.
Débat et enjeux de la circonscription
- Un besoin de mobilité prégnant. Dans des territoires enclavés mais attachés à l'écologie, et donc soucieux de l'empreinte carbone des déplacements, l'équation s'avère compliquée.
Le retour des 90km/h sur les routes départementales
Le nouveau président Les Républicains du Département de l’Ardèche a dévoilé, le 20 mai, cette mesure aux côtés de Fabrice Brun avec un argument de poids : la défense de la ruralité dans un département où il n’y a ni autoroute, ni train voyageur.
Dans cette circonscription, plus de 84 % des habitants utilisent la voiture pour aller au travail contre 70 % au niveau national.
Le relief de l’Ardèche laisse peu de place aux axes routiers où on peut rouler à 90 km/h.
Pour la candidate NUPES, cela n'est pas une avancée "Pour se rendre à son travail un citoyen fait 30 km. Si l'on passe de 80 à 90km/h, il va gagner 2 minutes sur son temps de trajet." Selon elle la question des transports en commun est plus pertinente.
Alexandra Cauquil pour la majorité présidentielle, estime que ce n'est pas une priorité, pour elle favoriser les mobilités douces, le covoiturage et surtout amorcer une conversion vers l'énergie verte (location d'une voiture électrique à 100€ par mois, favoriser la mise en place de voitures à hydrogène), des mesures plus importantes.
Johan Verhey, le candidat RN, est satisfait du retour des 90km/h mais déplore l'aspect électoraliste de la mesure "du copain de Monsieur Brun, Olivier Amrane, à la tête du département." Il fustige que "l'axe qui traverse ma circonscription, de Montélimar, Aubenas pour monter au plateau, c'est la nationale 102, et là c'est limité à 80. Et c'est là, qu'il y a les radars, les pompes à frics de la macronie qui sont installées. Elu député, je me battrais pour passer à 90km/h."
Pour Laurent Ughetto, (PS), "Il y a d'autres sujets sur la mobilité qui me semblent plus important."
Fabrice Brun (LR) se dit heureux de ce retour du 90km/h, "c’est une mesure techno, parisienne, déconnectée... je pense que les chapeaux à plumes qui prennent ce genre de décision, il faudrait leur demander s'ils ont le permis et s'ils ont la voiture, car c'est une entrave à la mobilité des ruraux."
Comment améliorer les déplacements dans un département où l'entretien des routes est couteux, où il y a un seul axe national, tout en collant à la transition écologique.
Laurence Pallot (NUPES) considère qu'"il faut créer un pôle de transports publics en restaurant le réseau sncf entre Le Teil et Aubenas." L'Ardèche étant le seul département qui n’a pas de trains voyageurs. Elle appelle au développement de ligne de bus, de navettes gratuites.
Pour son opposant des Républicains, l'organisation des transports en communs dans un département rural avec une faible démographie est compliquée. "La voiture est et restera l’outil n° 1 de la mobilité des ardéchois."
"La voiture est appelée à se décarboner, je fais partie de ceux qui pensent que le tout électrique est une impasse."
La candidate de la majorité présidentielle acquiesce en précisant que la mobilité douce reste une nécessité. Selon elle, pour désenclaver le territoire une réflexion globale doit être menée, pas seulement sur un axe, mais en fonction des pôles d'activités. Pour elle, le désenclavement passe par un désenclavement numérique.
Le candidat RN estime que la voiture est indispensable sur le territoire de la circonscription. "Il faut encourager le développement de la filière hydrogène."
Pour le socialiste, Laurent Ughetto, "On est confronté à un problème écologique majeur et des choix de société qu'il va falloir prendre et accélérer dans les 5 prochaines années...Il y a le numérique, le télétravail, la société évolue. "Il rappelle que le retour du train est impératif."
- L'accès aux soins. Dans le Sud Ardèche, seulement la moitié des habitants a accès à un médecin dans sa commune contre environ 80 % au niveau national. Dans des secteurs autour d’Aubenas et de Vals-les-Bains, le départ en retraite de13 médecins ne seraient pas remplacés dans les années à venir. Une désertification médicale accentuée s'amorce.
Des services publics et de santé trop rares, pourquoi?
Selon la représentante de la majorité présidentielle Ensemble, "La santé, ça va mal, car on sort de 20 ans de politique conservatrice avec une absence absolue d'anticipation du manque de médecin. Nous avons eu le courage d'enlever le numérus clausus, maintenant on sait qu'il va falloir 10 ans pour former un médecin, on ne va pas en avoir tout de suite!" Elle défend une réorganisation des différentes tâches, la création de plus de liens entre les médecins de ville et ceux des hôpitaux.
Une déclaration à laquelle la candidate NUPES a répondu en rappelant "Vous avez eu aussi « le courage » de supprimer quelques milliers de lits pendant la période Covid."
Laurence Pallot préconise la création de maisons de santé pluridisciplinaires avec des médecins salariés. "C'est la collectivité qui a la charge de la sécurité sociale et qui paie les études des médecins, donc on estime qu'ils peuvent devoir 5 ans en allant s'installer là où il y a des besoins, sinon ils devront rembourser leur formation."
Quant à Laurent Ughetto, il envisage une 4e année d'internat tournée vers les déserts médicaux. "Les ardéchois sont et ont un sentiment d’enfermement, donc il faudra à un moment, de manière coercitive qu'un médecin ait l'obligation de s'installer dans un désert médical."
Pour Laurence Pallot, la racine du mal se situe au niveau de parcours sup. "On supprimera Parcours sup, c'est une plate-forme post baccalauréat très élitiste de façon à ouvrir à de jeunes étudiants motivés par des études de médecine à pouvoir les faire."
Le candidat LR estime que la priorité numéro 1 en matière de santé est de revaloriser ces métiers " d'humanité au quotidien", la dépendance, le handicap, les services à domicile
Johan Verhey souhaite lui aussi que ces métiers soient revalorisés avec des avantages financiers, "sinon ils vont aller sur la côte plutôt que de venir se perdre chez nous."
Fabrice Brun pense qu'il est nécessaire de rendre attractif les études sur ce territoire du Sud Ardèche, en créant des résidences pour les internes à Aubenas.
- Des saisonniers qui manquent à l'appel. Dans ce territoire à la fois rural et porté par le tourisme (c'est là que ce se trouve la grotte Chauvet et sa réplique, les gorges de l'Ardèche) des bras font défaut. Certains campings enregistrent de 40 à 60 % de baisse de réservations. Les saisonniers se sont détournés de ce secteur car entre un salaire bas et un hébergement trop cher, la pandémie a fini de les décider à changer d'activités.
Pour le candidat du RN, Johan Verhey, il est nécessaire d'encourager et de valoriser l'apprentissage et les métiers physiques, mais aussi et surtout d'augmenter les salaires.
La NUPES envisage dès le 1er juillet un smic à 1500 €. La candidate précise qu'il faut décourager la précarité en créant des emplois dédiés à l'agriculture paysanne. Une relance de l'emploi qui se ferait selon elle de concert avec le lycée agricole d'Aubenas.
Le candidat socialiste parle, lui, d'accompagnement des jeunes via les missions locales.
Pour Fabrice Brun, "il faut former, plus et mieux au métiers qui recrutent. L'apprentissage et l'alternance sont des sésames pour l'emploi des jeunes. D'autre part il faut augmenter l'écart entre les revenus de la solidarité et les revenus du travail. "
Alexandra Cauquil, de la majorité présidentielle, veut « faire du lycée pro : une voie d’excellence ».