Des rayons de moutarde vides dans les supermarchés. Tous les consommateurs en ont fait les frais depuis l'arrêt des exportations de graines d'Ukraine et la sècheresse au Canada. A Toulaud, en Ardèche, Manon Reynard commence tout juste à commercialiser ses pots de moutarde produits localement. Et c'est déjà prometteur.
Des graines, du vinaigre de cidre ou de vin blanc, du sel, de l’eau et parfois même une goutte de miel. À Toulaud, en Ardèche, Manon Reynard suit scrupuleusement sa recette pour confectionner de la moutarde made in Auvergne-Rhône-Alpes.
Depuis trois ans, la jeune femme cultive des graines de moutarde pour les commercialiser sous forme de moutarde derrière l'appellation Les p'tites graines de Manon. Fille et petite-fille d'agriculteurs propriétaires d'une petite exploitation biologique, elle a souvent dû mettre la main à la pâte.
"Le contact avec la nature, les valeurs liées au respect de la terre et des animaux, tout est resté. Ça a joué sur mon envie de transformer la fleur de moutarde."
Manon Reynardancienne conseillère sociale dans le domaine du logement.
"Une envie de faire du bien au vivant"
"J'avais envie de la voir pousser à côté de chez moi", explique l'Ardéchoise, tombée amoureuse de la plante, pour ce qu'elle apporte de positif à la faune et la flore de la région. "J’avais vraiment envie de faire quelque chose qui fasse du bien au vivant", ajoute-t-elle. Délicieuse pour les sols, elle profite également aux insectes pollinisateurs.
Et pas question de dénaturer le produit. C’est à la meule en pierre, fournie par des artisans locaux, que Manon écrase chaque jour des centaines de milliers de graines. "La pierre évite d’avoir à chauffer les graines et donc de perdre les qualités gustatives et nutritives du produit", affirme la jeune femme. Et si certains clients ont pu reprocher au produit fini une amertume un peu trop prononcée, ils ont surtout senti leurs papilles gustatives s’éveiller au contact du mélange. Un retour aux sources qui s'avère fructueux, pas uniquement pour la qualité du produit.
Une solution pour pallier les pénuries
Face aux pénuries qui se multiplient, produire de la moutarde localement semble être la solution. "Je ne sais pas si c’est lié", répond Manon, lorsqu’on lui demande si l'arrêt des exportations en raison, entre autres, de la guerre en Ukraine, a eu un impact sur son travail. La jeune femme rappelle que l'idée de monter cette entreprise a germé dans son esprit bien avant l'arrivée des pénuries.
"Mais c’est vrai qu’on a eu deux ans de recul. Il a fallu au début convaincre les agriculteurs et ça n’a pas été chose facile. Maintenant et depuis les pénuries, les mentalités ont changé. Ils sont plus ouverts à ce type de production", ajoute la passionnée, qui a dû batailler pour en arriver à ce stade.
Au départ, seule la parcelle de son frère, dans la Drôme, était exploitée. Aujourd’hui, près de quatre voire cinq agriculteurs (tous en agriculture biologique) se partagent les 4.5 hectares de champs cultivés à cet effet. "C’était une culture de chez nous et maintenant, on l'a à côté de chez nous. Et en plus, ça s’intègre vraiment dans les rotations de culture des agriculteurs", souligne la productrice.
"En septembre, on a vendu 200 pots"
A peine lancé, le petit pot de moutarde made in Auvergne Rhône-Alpes attire les gourmands. "On avance petit à petit", affirme la jeune femme, qui a entamé, depuis deux mois, la phase de commercialisation de ses produits sur les marchés et dans certains magasins spécialisés.
"En septembre, on en a vendu 200. En octobre, 400, et encore le mois n'est pas terminé", s'enthousiasme Manon. "Et si ça continue comme ça, je devrai pouvoir avoir un an d'avance sur mon projet", conclut l'Ardéchoise. L'objectif des quelques 500 pots de moutarde par mois pour pouvoir vivre de ce business semble à portée de main.