Au 19ème siècle pour alimenter l'industrie de la soie à Lyon, les habitants d'Ardèche pratiquaient l'élevage de vers à soie, c'est ce que l'on appelle la "sériciculture". Un complément de revenus non négligeable à l'époque. Retour sur cet âge d'or du vers à soie.
La sériciculture était très présente en Ardèche au 19e siècle. De nombreuses bâtisses abritaient une magnanerie, destinée à l'élevage ou "éducation" du vers à soie, le fameux bombyx mori.
"Lorsqu'au 19e siècle, il y a eu ce boom séricicole, toutes les maisons se sont agrandies car il fallait de la place, toujours plus de place. C'est pour cela qu'on a des maisons relativement grandes dans le sud de l'Ardèche et dans les Cévennes, ce n'était pas pour le confort des familles mais pour pouvoir avoir beaucoup de place pour les élevages de vers à soie, " explique Hervé Ozil, ethnologue spécialiste de la sériciculture.
L'élevage des vers à soie se déroulait d'avril à juin. La demande était très importante. Pour tous, cette activité était très lucrative. Un appoint important d'argent. "C'était la principale ressource financière qui rentrait dans les ménages. Les exploitations agricoles ici, étaient relativement modestes. On était surtout en auto-suffisance," poursuit Hervé Ozil.
Moulinage : torsions, tensions et dépendance
Cet engouement pour l'élevage des vers à soie et la production de soie grège ont entraîné l'essor d'une filière industrielle: le moulinage. Durant l'âge d'or de la soie, plus de 400 moulinages ont vu le jour en Ardèche. Ces fabriques permettaient de réaliser la torsion du fil de soie, d'abord pour le rendre plus résistant. Il s'agissait aussi d'obtenir des tissus très différents en fonction de l'importance de la torsion du fil : "le moulinier s'adaptait à ce que lui demandait le tisserand à Lyon et accessoirement à Saint-Etienne, pour tordre le fil exactement selon les besoins. La torsion définit la nature de l'étoffe. Sans le moulinage, le tissage serait réduit à très peu de variétés. Tout l'art des mouliniers consistait donc à obtenir la torsion voulue selon le type d'étoffe," explique Yves Morel, vice-président de l'Ecomusée du moulinage de Chirols.
Mais il le rappelle, "le moulinier ardéchois a toujours été dans la dépendance des donneurs d'ordre lyonnais", au fait du marché des tissus et des produits en vogue. Une relation qui n'était pas sans tensions. "Le moulinier ardéchois est maître dans son domaine pour la technique et la qualité de son ouvrage mais il n'est pas le maître du jeu au niveau commercial," conclut Yves Morel.
Vers 1860, plus de 15 000 personnes travaillaient dans les moulinages en Ardèche. Ces fabriques embauchaient des jeunes filles venues des fermes alentours… "Quand on remonte dans la généalogie des familles locales, on trouve toujours quelqu'un qui a travaillé dans un moulinage," résume Yves Morel.
L'épopée de la sériciculture a pris fin au milieu du 20ème. Une maladie, la pébrine, décime les vers à soie et la concurrence asiatique a peu à peu fait disparaître cette activité. Plusieurs musées rendent hommage à cet âge d'or ardéchois.