Le tremblement de terre du 11 novembre 2019 au Teil, en Ardèche, suscite la curiosité de la communauté scientifique française. L'ancienne faille de la Rouvière n’aurait pas dû bouger. Une équipe de paléosismologie du CNRS a trouvé des indices d’une activité sismique plus récente.
Le séisme du 11 novembre 2019, d’une magnitude de 5,4 sur l’échelle de Richter, fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Ce tremblement de terre est, à ce jour, le plus fort qu’est connu la France ces 50 dernières années. Et s’il n’a heureusement pas fait de mort (4 blessés), les dégâts causés dans le secteur sont énormes.
Actuellement, une cinquième campagne de fouille paléosismique est à l’étude. 14 tranchées ont été creusées dans le sol pour y chercher des indices d’une activité sismique plus récente, «des traces de paléo ruptures», et percer le mystère de cette faille de la Rouvière qui avait été jugée «inactive». Ce travail est mené par le paléosismologue Jean-François Ritz, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire géosciences de Montpellier et ses collaborateurs (une quinzaine de chercheurs provenant de sept laboratoires ou instituts différents sont impliqués : Géosciences Montepellier, Isterre Grenoble, Géoazur Nice-Sophia-Antipolis, Cerege Aix-Marseille, IRSN, CEA, EDF).
Une origine forcément tectonique
Sur les hauteurs du Teil, après avoir passé le quartier de la Rouvière, sur une petite route goudronnée, la trace du tremblement de terre est encore là. La chaussée a été fracturée en deux, et même si les équipes techniques municipales ont rebouché les trous, la faille reste encore bien visible.«C’est la première fois en France que l’on peut assister pratiquement en direct à la rupture de la surface du sol suite à un tremblement de terre», nous confie le chercheur Jean-François Ritz.
Cette faille était connue et avait été cartographiée par des géologues. Elle s’est formée il y a 20 à 30 millions d’années à l’époque de l’oligocène. Mais aucune indication de mouvement de terrain n’a été repéré à la période du quaternaire (soit moins de deux millions d’années). C’est pourquoi la faille de la Rouvière fut classée parmi les failles des Cévennes comme inactive.
Or le séisme du Teil vient contredire ce classement. De plus, le foyer, estimé à seulement un kilomètre de profondeur, pose aussi question car les tremblements de terre se déclenchent généralement à des profondeurs comprises entre 5 et 12 km. Le 11 novembre 2019, la surface au sol s’est soulevée d’une quinzaine de centimètres sur une section de 5 kilomètres. Pour Jean-François Ritz, l’intensité de ce tremblement de terre a forcément une origine tectonique. Mais probablement pas seulement celle que l’on connait tous qui est celle de la tectonique des plaques, à l’origine de la convergence entre l’Afrique et l’Eurasie.
Depuis une vingtaine d’années seulement, l’érosion et la fonte des glaces de la dernière déglaciation seraient d’autres facteurs à l’origine des tremblements de terre. L’érosion du Massif central entrainant le soulèvement de celui-ci, des forces de compression sur ses bordures pourraient être à l’origine du séisme du Teil. La mise en cause de la carrière Lafarge aurait seulement joué «un rôle d’accélérateur» dans ce processus d’érosion, selon Jean-François Ritz.
Une trace d’activité sismique plus récente
Quatorze tranchées ont été creusées le long des 5 kilomètres où la terre s’est soulevée. Dans une tranchée, une trace révélant une activité sismique récente aurait été découverte. Cette bande blanche doit maintenant être datée au carbone 14. Pour Jean-François Ritz, cette activité sismique pourrait s'être produite au cours des derniers 18 000 ans. «Ça reste une interprétation pour le moment… mais cette bande blanche qui correspond à une espèce de fissure le long de laquelle de la calcite s’est concrétionnée… cette structure correspondrait à une paléo rupture de surface. Ce n’est pas une rupture du séisme de 2019, c’est une rupture plus ancienne… Cette observation suggère que cette faille de la Rouvière avait déjà cassé au cours du quaternaire».Face à cette découverte, plusieurs questions se posent : cette faille de la Rouvière pourrait-elle être reclassée en faille active ? Et qu’en est-il des autres failles classées «inactives» dans le réseau de failles cévenol, voire dans les autres grands réseaux de failles métropolitains ? D’autres failles jugées inactives pourraient-elles connaître le même sort que celle de la Rouvière ?…
Ces recherches en cours viennent renforcer le débat sur la nature de l’activité sismique en France. Un an avant le séisme du Teil, le consortium Resif, Réseau sismologique et géodésique français, a lancé une action de recherche sur le plan national pour mieux comprendre la sismicité et en évaluer les risques. Outre le milieu académique, plusieurs organismes participent à ces études comme EDF ou l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire ou encore le CEA. Pour tous ces scientifiques, le séisme du Teil représente un cas d’école intéressant.
Cette faille de la Rouvière n’était pas supposer être capable de générer un tremblement de terre, qui plus est dans une zone habitée et industrialisée où se côtoient deux barrages, trois entreprises classées Seveso et deux centrales nucléaires. Les premières publications sur ces investigations paléosismologiques dans la région du Teil devraient sortir dans les six ou douze prochains mois.