Pour lutter contre les violences conjugales en Ardèche, les médecins et le parquet du département travaillent ensemble, dans le cadre d'une nouvelle convention. Une loi autorise désormais les praticiens à déroger au secret médical pour faire un signalement sans l'accord de la victime.
C'est une loi qui devrait resserer les liens entre les médecins et la justice en matière de lutte contre les violences conjugales. Depuis juillet 2021, les professionnels de santé sont autorisés à faire un signalement, directectement auprès du Procureur de la République, s'ils constatent des faits de violences conjugales sur leurs patients. "Ça change une chose importante pour nous", explique le secrétaire général de l'Ordre des Médecins de l'Ardèche Sylvain Bouquet, "on n'a désormais plus besoin de l'accord de la personne pour prévenir la justice si on estime qu'elle est en danger, vulnérable, et vraissemblablement victime de coups et blessures."
"Le but premier est d'éviter des drames"
En effet jusqu'à présent, les médecins ne pouvaient pas légalement déroger au secret médical pour dénoncer un cas de violence conjugale sur une personne majeure, sans l'accord de la victime."On s'est rendus compte, avec l'Ordre des médecins de l'Ardèche, que les médecins de ville ne savent pas comment faire lorsqu'ils constatent des violences qui nécessitent un signalement", observe la Procureure de la République de l'Ardèche Cécile Deprade, "au mieux, ils en parlent à des associations."
Flyer à l'attention de l'ordre des médecins de l'Ardèche sur les conditions de dévoilement du secret professionnel VIF. Pour diffusion. #JusticeDeProximitéVIF pic.twitter.com/eTP5cDOq25
— Procureur de la République-Privas (@PRPrivas) October 12, 2021
Désormais, pour faciliter les signalements, justice et médecins travaillent main dans la main. "Le but premier est d'aller plus vite pour éviter des drâmes. On est en train de passer une convention avec la Procureure de Privas pour que le signalement du médecin aille directement au parquet, sans passer par le commissariat ou la gendarmerie", précise Sylvain Bouquet. "Les médecins de ville sont les premiers à constater les coups et les hématomes. Il faut qu'on facilite leur lien avec la justice", ajoute la Procureure.
En Ardèche, des difficultés pour accéder aux urgences médico-judiciaires
Pour le département ardéchois, lutter contre les violences intrafamiliales est un véritable enjeu, notamment en raison des spécificités géographiques du territoire : "Sur les hauts plateaux, les médecins des petites communes sont isolés. Il faut pouvoir les mettre dans la boucle", explique Cécile Deprade.
Il est par ailleurs difficile, pour certains habitants de petits communes, d'accéder rapidement à un commissariat, une gendarmerie ou un cabinet médical. Une problématique à laquelle il est nécessaire de remédier, selon le secrétaire général de l'Ordre : "Le département est étendu. On a des difficultés d'accès aux urgences médico-judiciaires. Une femme victime de violences conjugales, isolée dans une ferme en Ardèche, ce n'est pas sa vache qui va la signaler."
Pour sensibiliser les médecins du département, Sylvain Bouquet compte mettre en place une formation à la rédaction d'un certificat médical pour la justice, à partir de janvier 2022.
Quels critères pour faire un signalement ?
- Le ou la patiente doit être majeur,
- Les violences doivent relever de violences de couple,
- Lorsqu’il existe des critères de gravité laissant supposer qu'il existe un DANGER immédiat pour la vie du ou de la patiente et impossibilité pour le ou la patiente de se protéger en raison d'une EMPRISE (contrainte notamment morale) exercée par l'auteur supposé des violences.
- Il existe des constatations médicales de tout ordre (physiques, psychologiques, sexuelles,...) laissant supposer que des violences ont été commises : le médecin apprécie en conscience.
Il est possible de contacter le conseil départemental de l'Ordre des médecins ou encore les unités de victimologie du service de médecine légale pour recueillir leur avis.
Quelles informations doit contenir le signalement ?
- Identité la plus complète du ou de la patiente, dont le lieu de naissance
- Coordonnées du ou de la patiente
- Lieu supposé des faits : commune / adresse,
- La présence ou non d'enfants au domicile
- Le fait qu'ils aient pu être témoins des violences.