Pour préserver les ressources en eau potable de l'Ardèche, le préfet a décidé de suspendre pour une durée indéterminée l'accord des permis de construire dans 22 communes du département. Une décision radicale.
Vallon Pont d'Arc est l'une des communes emblématiques de l'Ardèche. Mais ne rêvez pas d'y faire construire votre thébaïde : à partir du 1er avril, et ce n'est pas un poisson, Vallon comme 21 autres communes du département ne pourra plus délivrer de permis de construire.
Des restrictions drastiques décidées par l'Etat
Dans ces communes, les services de l'Etat refuseront quasi systématiquement les nouveaux permis de construire déposés, qu'il s'agisse de maisons individuelles, d'immeubles, de zones d'activité ou même de piscines. Dans certaines communes comme Vanosc, Vocance, Saint-Basile, Pranles, Saint-Sauveur-de-Montagut ou Marcols-les-Eaux, plus un seul permis ne sera accordé.
Ailleurs, les restrictions seront un peu moins drastiques. A Villeneuve-de-Berg ou Saint-Maurice-d'Ibie par exemple, seules les constructions de plus de cinq appartements seront interdites.
La décision a été prise par Thierry Devimeux, le préfet de l'Ardèche, face au manque d'eau qui devient chronique, surtout en période estivale. Une décision radicale qui frappe les esprits, justifiée mercredi 22 mars par le préfet sur les ondes de France Bleu Drôme Ardèche. "Nous avons un territoire, l'Ardèche, qui est très fragile vis à vis de l'eau. Les précipitations sont de plus en plus rares, la sécheresse met en tension l'approvisionnement en eau donc je prends la décision de demander aux maires de ne plus accepter de permis de construire pour éviter de mettre en difficulté les populations qui sont déjà présentes" explique Thierry Devimeux.
L'idée est aussi d'inciter les communes concernées à améliorer leur approvisionnement en eau, par exemple en rénovant leur réseau ou en le raccordant à de nouvelles sources. "Cette mesure est temporaire et bien entendu, elle sera levée lorsque les communes concernées auront appliqué des solutions pour sécuriser leur approvisionnement en eau potable" conclut le préfet d'Ardèche.
Les maires, entre prudence et énervement
Dans les mairies des communes concernées, les réactions sont contrastées. Dans le centre Ardèche, à Marcols-les-Eaux au nom inversement prédestiné à la sécheresse, le maire François Blache ne décolère pas. "En interdisant de construire, on veut faire disparaître nos petits villages. Ici on a suffisamment d'eau pour implanter quelques nouvelles habitations, pas des immeubles de 25 étages évidemment ! Marcols est alimenté par trois sources d'eau potable captée dans les montagnes, notre réseau d'eau a moins de dix ans donc il n'y a pas de fuite. Avec cette décision, on marche sur la tête!".
Pas de colère en revanche pour Guy Massot, le maire de Vallon Pont d'Arc. Plutôt des interrogations. "On parle de construction qui affectent la ressource en eau. Qu'est-ce que ça signifie exactement ? Il faut qu'on ait davantage de précisions". Quant à l'inter-connection des réseaux de différentes communes, souhaitée par le préfet, "il y a longtemps qu'on y travaille" précise Guy Massot. "Par exemple, on va mettre en place des réducteurs de pression et des systèmes de compteurs pour les gros consommateurs d'eau".
Déterminer précisément qui consomme quelle quantité d'eau, et pas seulement les ménages, c'est justement l'une des mesures préconisées par l'association AMORCE. Créée en 1987 à Villeurbanne dans le Rhône, AMORCE est un réseau qui accompagne les collectivités territoriales et les acteurs locaux, entre autres en matière de gestion durable de l'eau.
La nécessité absolue d'une grande loi sur l'eau
Pour son délégué général Nicolas Garnier, "sur le fond, la démarche du préfet est cohérente, même si elle semble fragile sur le plan juridique. En réalité, cette décision relève plutôt d'une volonté de sensibilisation des communes. Pour préserver la ressource en eau, il est impératif de construire autrement, de désartificialiser les sols, de récupérer les eaux de pluie, etc. Et d'instaurer aussi une tarification progressive du m3. Plus on consomme, plus le prix du m3 devrait grimper. Ce n'est toujours pas le cas".
"Il faut aussi développer le REUT, la Réutilisation des Eaux Usées Traitées. Des eaux non potables issues des stations de retraitement mais qui conviennent très bien pour l'agriculture et l'arrosage par exemple."
Mais le plus important pour Nicolas Garnier "c'est l'adoption d'un Plan Eau national. La dernière loi sur l'eau date d'il y a 20 ans. C'est maintenant ou jamais qu'il faut agir pour préserver la ressource en eau".
Et justement, dans son intervention du 22 mars 2023, le président de la République a évoqué un Plan Eau. Mais sans en donner le moindre détail...