L'assassinat de son patron et l'attaque du site Air Products sont bien de nature terroriste: le procureur de Paris a annoncé la présentation mardi à un juge antiterroriste de Yassin Salhi, qui réfute toute dimension religieuse à ses actes.
Le parquet requiert sa mise en examen notamment pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste et sans surprise, son placement en détention provisoire, a indiqué ce mardi matin le procureur de la République de Paris, François Molins, lors d'une conférence de presse. Le chauffeur-livreur de 35 ans a contesté en garde à vue toute motivation religieuse. Mais pour la justice, le patron de son entreprise de transport, Hervé Cornara, qu'il a avoué avoir tué, est bien une nouvelle victime du terrorisme islamiste.
Une mise en scène macabre
L'attentat, dans ses caractéristiques, "correspond très exactement aux mots d'ordre de Daech", l'autre nom de l'EI, a ainsi estimé le procureur, notamment par la volonté de Salhi de "donner à son acte une publicité maximale". Le crime du 26 juin a été entouré d'une symbolisme macabre qui rappelle les mises en scène de l'organisation du groupe Etat islamique (EI) dans les zones de jihad en Irak et en Syrie.Après avoir été assommé d'un coup de cric puis étranglé d'une main par Salhi, Hervé Cornara a été décapité à l'aide d'un couteau doté d'une lame de 20 cm. Fixée à un grillage de l'usine de gaz industriels de Saint-Quentin-Fallavier, où Salhi se rendait régulièrement pour le compte de sa société de transport et qu'il a tenté de faire sauter, la tête était encadrée de deux drapeaux frappés de la chehada, la profession de foi musulmane.
L'autopsie n'a pas permis jusqu'à présent d'établir avec certitude si la décapitation avait précédé ou suivi la mort de la victime. Des examens complémentaires sont en cours. Quand il a été maîtrisé par des pompiers, Salhi, connu depuis le milieu des années 2000 comme appartenant à la mouvance salafiste radicale, a crié "Allah akbar".
- La "mémoire sélective" de Salhi -
Les enquêteurs ont également retrouvé dans son portable un selfie macabre avec la tête de sa victime, envoyé à un homme qu'il connaît depuis 2006, et qui combattrait dans les rangs de l'EI en Syrie, a ajouté le procureur. Salhi était d'ailleurs "visiblement régulièrement en relation" avec ce Français, Sébastien-Yunes V-Z., qui selon un "témoignage indirect" aurait "demandé l'autorisation à l'EI de diffuser ces clichés", selon des éléments de l'enquête relatés par le procureur Molins. "Tout son comportement démontre que dès la veille au soir il avait conçu son projet criminel terroriste", assure le procureur.Sur tous ces points, Salhi s'est montré peu disert lors de sa garde à vue, où il a jeté le trouble en démentant toute motivation religieuse. Faisant preuve d'une "mémoire sélective", selon François Molins, il dit ne pas se souvenir d'avoir mis en scène la tête de sa victime. Il attribue son geste à un différend professionnel avec Hervé Cornara, marqué notamment par une vive altercation survenue deux jours avant les faits. Il a également évoqué devant les enquêteurs des difficultés conjugales.