Yassin Salhi, le terroriste présumé de Saint-Quentin-Fallavier, devrait être transféré ce dimanche 28 juin vers le siège de la police antiterroriste près de Paris. Au cours de sa garde à vue, le suspect a commencé à parler aux enquêteurs.
D'abord mutique, il a commencé samedi dans la soirée "à s'expliquer sur le déroulé des faits" selon une source proche du dossier, sans plus de détails sur le fond des déclarations.
Les premiers éléments de l'enquête ont permis d'établir qu'il avait envoyé vers un numéro canadien un selfie macabre avec la tête de sa victime décapitée. La localisation de son contact n'est pas pour autant établie, ce numéro pouvant être un simple relais avant un rebond vers une autre destination.
Le Canada collabore à l'enquête française pour tenter de retrouver le destinataire du selfie, a-t-on appris samedi auprès du ministère de la Sécurité publique à Ottawa. Aucune précision n'a été donnée sur le type d'assistance fournie aux enquêteurs français mais les pouvoirs de la police peuvent permettre de tracer les appels ou localiser un téléphone par son numéro.
Les enquêteurs français vont évidemment étudier une éventuelle connexion syrienne, alors que selon les tous derniers chiffres 473 personnes parties de France se trouvent actuellement dans les zones de jihad en Irak et en Syrie.
La garde à vue de Salhi, débutée vendredi soir à Lyon, peut durer jusqu'à 96 heures avant qu'il ne soit présenté à un juge d'instruction.
Les premiers résultats de l'autopsie de sa victime, qui était aussi son patron, Hervé Cornara, 54 ans, n'ont pas permis de déterminer les causes exactes de la mort, et notamment s'il était décédé au moment de la décapitation. Des examens complémentaires seront effectués.
La tête avait été retrouvée accrochée à un grillage d'enceinte de l'usine, entourée de drapeaux où étaient écrits la profession de foi islamique, rappelant les mises en scène macabres du groupe État islamique (EI).
L'épouse d'Hervé Cornara l'avait vu pour la dernière fois peu après 7h30 dans leur société de transport de Chassieu (Rhône). Elle a alors croisé Salhi avant de constater que son mari n'était plus dans l'entreprise, selon une source proche du dossier.
Deux heures plus tard, l'attentat avait lieu. Après une première explosion Yassin Salhi était rapidement interpellé par des pompiers alors qu'il tentait apparemment de déclencher une seconde explosion.
Hommage :
Des rassemblements silencieux en hommage à sa victime ont eu lieu samedi, à Saint-Quentin et à Fontaines-sur-Saône, où vivait Hervé Cornara, père d'un fils d'une vingtaine d'années et décrit par tous comme un type "affectueux, généreux".
Alors que le plan Vigipirate a été renforcé en région lyonnaise, où se trouvent de nombreuses usines chimiques et trois centrales nucléaires, le président François Hollande a réuni samedi un nouveau Conseil restreint à l'Elysée.
Le Premier ministre Manuel Valls, qui a écourté une visite en Amérique du Sud, a appelé la société française à "être forte sur ses valeurs", estimant que "la question n'est pas de savoir s'il y aura un nouvel attentat, mais quand".
A cet égard, la menace terroriste en France est estimée "élevée" par 85% des Français alors que 14% sont d'un avis contraire, selon un sondage Ifop publié dimanche dans le JDD. Parmi les 85%, 40% jugent "très élevée" la menace terroriste et 45% "plutôt élevée". A l'opposé 3% des personnes interrogées l'estiment "très faible".
La Tunisie figurait aussi au menu de ce Conseil, alors que des milliers de touristes étrangers quittent le pays après un carnage, également perpétré vendredi, dans un hôtel d'une station balnéaire. Attentat revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique et qui a coûté la vie à 38 personnes dont de nombreux Britanniques.
Fiché de 2006 à 2008 par les services de renseignements pour radicalisation, Yassin Salhi, originaire du Doubs et fraîchement arrivé à Saint-Priest, dans la métropole lyonnaise, avait de nouveau été repéré entre 2011 et 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise.
Il s'était radicalisé à Pontarlier (Doubs) au début des années 2000 au contact d'un homme soupçonné d'avoir préparé avec des militants d'Al-Qaïda des attentats en Indonésie, selon des sources concordantes.
473 personnes parties de France pour faire le jihad en Irak et en Syrie
Les services antiterroristes ont identifié 473 personnes parties de France et se trouvant actuellement dans les zones de jihad en Irak et en Syrie, selon un bilan établi cette semaine et communiqué samedi à l'AFP de source proche du dossier.La mort de 119 autres a été recensée, tandis que les services ont repéré encore 217 personnes revenues en France après s'être rendues sur place.
En ajoutant ceux qui sont en route ou qui ont exprimé des velléités de se rendre dans les zones de jihad, ce sont quelque 1.800 personnes qui sont répertoriées.
Si tous ne participent pas aux combats, notamment les femmes, le retour de ces jihadistes, revenus endurcis et aguerris des zones de combats, est une source d'inquiétude majeure.
Aucun élément ne permet jusqu'à présent de dire que Yassin Salhi, soupçonné d'avoir assassiné un chef d'entreprise de la banlieue lyonnaise avant de commettre un attentat dans l'Isère, s'est rendu en Syrie et en Irak, selon des sources proches du dossier.