La cour d'assises spéciale de Paris a condamné les huit personnes impliquées ce vendredi. Samuel Paty avait été décapité par un islamiste radical tchétchène abattu par la police peu après son acte, le 16 octobre 2020.
Tous les accusés ont été reconnus coupables, à des degrés divers, de complicité pour l'assassinat de Samuel Paty.
Ainsi, les deux amis de l'assassin du professeur, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été condamnés à 16 ans de réclusion criminelle.
La cour a également déclaré coupables d'association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la "campagne de haine" qui ont fait de Samuel Paty une "cible" : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle.
Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d'avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d'un cours sur la liberté d'expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre.
Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l'association (aujourd'hui dissoute) pro-Hamas "Collectif Cheikh-Yassine", il avait qualifié Samuel Paty de "voyou" dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu'Anzorov avait vu la vidéo de M. Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n'avait pas rencontré l'assassin de Samuel Paty.
"La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d'un passage à l'acte terroriste", a indiqué le président de cette cour d'assises spéciale.
L'association de malfaiteurs terroriste retenue
Si le quantum des peines n'est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour a choisi de maintenir l'infraction de "complicité" pour les deux amis d'Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte.
Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la "djihadosphère" qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis.
Pour deux d'entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l'association de malfaiteurs terroriste tandis qu'elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d'apologie du terrorisme.
La veille de l'attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. À l'audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu'Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était "un cadeau" pour son grand-père.
Le jour de l'attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l'avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty.
"Il fallait un signal fort"
"Ce soir, c'est la République qui a gagné", s'est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné.
"On est soulagés, satisfaits par ce verdict", a réagi Virginie Leroy, l'avocate des parents de Samuel Paty, ce samedi sur franceinfo.
Selon elle, "avec cette fatwa numérique, avec des réseaux sociaux omniprésents, il fallait un signal fort, il fallait faire jurisprudence. C'est aussi un signal d'alerte, on y tenait beaucoup de notre côté".
Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l'audience, Francis Szpiner s'est félicité d'un "verdict équilibré". Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que "justice a été rendue pour son père", a-t-il ajouté.
Un appel aura lieu
En revanche, le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans.
"J'ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice", s'est exclamé depuis son box M. Sefrioui avant d'être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir.
Vincent Brengarth, un des avocats de M. Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais "un prisonnier politique". "Je me désolidarise de ces propos-là", a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur.