Auvergne-Rhône-Alpes : ''une hausse démentielle et permanente'' des matériaux dans le BTP

De mémoire d’artisans, on avait vu telle situation depuis un long moment. Aujourd’hui, la crise est mondiale, nationale et c’est l’ensemble de la profession d’Auvergne-Rhône-Alpes qui tire la sonnette d’alarme face à la pénurie de matériaux et la flambée de leurs prix.

Le dicton dit quand le bâtiment va, tout va. Eh bien depuis le début de l’année 2021 rien ne va plus dans bâtiment. La crise est sans précédent. Le secteur entier du BTP s’inquiète. Les cours des matières premières ne cessent d’augmenter. Parallèlement, les stocks s’amenuisent. Conséquence : les prix flambent. Problème : difficile de répercuter la hausse sur le client, soit parce qu’il n’a pas les moyens soit parce que le devis est déjà signé. A cela s’ajoutent, pour certains, les pénalités de retard qui pèsent comme l’épée de Damoclès.

La hausse des cours de l’acier et du cuivre avait commencé fin 2020. Depuis, la pénurie ne cesse de s’accélérer et touche d’autres matériaux. Le plastique, le bois, le polyuréthane, le verre, les isolants et même le plâtre, le ciment et les peintures !
Les chefs d’entreprise du secteur sont habitués à la hausse, qu’ils chiffrent dans les différents contrats. Mais là, la hausse peut grimper jusqu’à 50%, voire 100%. Imprévisible. Beaucoup se retrouvent dans la difficulté. Et à la hausse, s’ajoutent les ruptures de stocks. Cela se traduit par des retards de livraison ou par l’arrêt des chantiers.

Les artisans de Rhône-Alpes ont du mal à s'approvisionner

Tous les adhérents sont confrontés à des difficultés d’approvisionnement, même s’ils n’ont pas besoin des mêmes matières premières.

Joël Mazoyer a une entreprise de maçonnerie dans l’Ardèche. Il est spécialisé dans la taille de pierre, fait des rénovations, des toitures, essentiellement dans l’ancien. ''Je suis impacté, explique-t-il, principalement pour le bois lamellé-collé et le métal qui me sert à faire du béton armé. Depuis janvier, les augmentations des prix ont pris des proportions importantes. Une hausse démentielle et permanente. Par exemple, le profilé métallique avait augmenté de près de 20% en début d’année. C’est +30% aujourd’hui. Et ça ne fait qu’augmenter''.

Diffile de répercuter la hausse sur la facture du client


Le problème, c’est que les artisans ne peuvent pas répercuter la hausse sur la facture de leurs clients, les devis étant signés en amont. ''Quand je fais un devis, poursuit Jöel Mazoyer, je sais que je ne suis pas à l’abri d’une augmentation. Je l’inclus dans le prix, tout comme ma marge et les aléas d’un chantier. Mais quand vous provisionniez 20% et que vous avez une hausse de 50%!...vous faites votre chantier mais vous travaillez à perte. C’est dur".

Dur d’autant que le secteur avait peur de ne pas se remettre de la crise sanitaire. Ce fut le contraire. Les chantiers avaient repris. ''Mon carnet de commande est plein jusqu’à la fin de l’année. Mais comment dois-je réagir ?, s’interroge Joël Mazoyer. Continuer ou arrêter alors que je vais perdre de l’argent. Mais je relativise par rapport à d’autres confrères qui ont plus besoin de matières premières que moi''.

Les prix se sont enflammés en trois mois

Le témoignage de Joël ressemble à beaucoup d’autres artisans dans le bâtiment. Frédéric Bagne, vice-président de la Capeb de l’Ain et chef d’entreprise est halluciné par ''ces augmentations délirantes''. ''Je ne cesse de recevoir des appels et des mails raconte-t-il. Beaucoup se plaignent sérieusement. Certains seront à l’arrêt dans quinze jours. Alors que les entreprises peuvent travailler, elles sont stoppées dans leur élan par la flambée des prix et la pénurie de matériaux. On a échappé à la crise sanitaire, mais je crains un retour de bâton plus douloureux avec une crise financière. Pendant la crise sanitaire, il y avait des aides de l’Etat. Là nous sommes face à une autre problématique. Nous avons du travail, mais nous achetons plus cher que nous vendons les matières premières. Les entreprises sont en péril''.

C’est connu, ce qui est rare est cher. Beaucoup vendent aux plus offrants. ''Les scieurs par exemple garantissent des prix pour 48h'' explique Frédéric Bagne.

Les artisans alertent les élus

Les premiers signes de cette augmentation spectaculaire sont intervenus en novembre. Plusieurs fournisseurs avaient signalé une hausse. Personne ne s’attendait à une telle envolée des prix. En moyenne, la majoration est de 30%. Elle peut atteindre 50% pour l’acier et 100% pour le PVC. Le fonctionnement des entreprises est déréglé. Les trésoreries sont impactées. Dans le BTP, 80% des entreprises ont moins de 20 salariés.
''A ce niveau-là ce n’est plus de l’inflation, poursuit Frédéric Bagne. C’est une spéculation organisée par de grands industriels ou par des Etats pour mettre à genoux des économies. La spéculation sur ces produits issus de l’industrie met en péril toute une filière. La finance est à l’œuvre. Mais à notre échelle, on ne peut qu’alerter''.

Plusieurs Capeb de la région ont envoyé des courriers aux élus, sénateurs, députés, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour dénoncer cette flambée hors norme des prix.

Lors d’une conférence de presse le 23 mars 2021, Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment avait déclaré ''que la construction est en danger''.
Quelques jours plus tard, le ministère de la Cohésion des territoires publiait les chiffres relatifs à la construction. Le nombre de permis de construire avait chuté de 12,4%, celui des mises en chantiers entre décembre 2020 et février 2021, lui, a chuté de 7,1% par rapport au trimestre précédent.
 

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