Corédacteur en chef du magazine lyonnais "Femmes ici et ailleurs", le photojournaliste, originaire de Roanne, Pierre-Yves Ginet a parcouru le monde pour rapporter des reportages sur les femmes, notamment au Tibet. Invité dans "Vous êtes formidables", il défend avec ferveur l'égalité hommes-femmes.
C’est au Tibet qu’il a débuté sa profession de photojournaliste. Pierre-Yves Ginet est surtout engagé, depuis plus de 20 ans, dans la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Il a tourné, assez vite, le dos au milieu de la finance pour partir à la rencontre de femmes exceptionnelles.
La passion du Tibet
Parmi elles, entre autres, des religieuses tibétaines auxquelles il a consacré plus de trois ans et demi de sa vie. « Je suis attiré par les voyages depuis ma jeunesse. J’aime surtout rencontrer les gens. Par exemple, lorsque j’étais étudiant, je parcourais l’Europe en stop. Mais mon rêve, c’était le Tibet. Sans doute à cause de Tintin, d’ailleurs. » s'amuse-t-il. « Je m’y suis retrouvé en 1991, trois ans après l’ouverture du pays. »
L’analyste financier qu’il était alors ne s’en cache pas : il était un grand « consommateur » de congés payés. « Et aussi de congés sans soldes », précise-t-il. « A un moment, cette passion prend le dessus. C’est comme lorsque vous tombez amoureux, vous montez dans un train, et voilà… »
« Il existe là-bas un proverbe qui résume la situation et qui dit : si tu veux un maître, fais de ton fils un moine. Si tu veux une servante, fais de ta fille une nonne »
Durant ses premiers voyages au Tibet, Pierre-Yves n’a pas immédiatement remarqué les femmes, notamment religieuses qui sont, là-bas, situées au plus bas de l’échelle sociale. « J’étais un mec moyen parmi les autres hommes. Engagé dans une culture, où les hommes s’occupent d’abord des hommes. J’étais focalisé sur le thème de l’occupation du Tibet, par le prisme des hommes qui y étaient impliqués, en ne voyant pas les femmes » reconnaît-t-il.
La prise de conscience est venue plus tard, au beau milieu de cette société très patriarcale. « Il existe là-bas un proverbe qui résume la situation et qui dit : si tu veux un maître, fais de ton fils un moine. Si tu veux une servante, fais de ta fille une nonne » résume-t-il. Le hasard lui permet alors, au cœur d’une manifestation, de remarquer –enfin- ces femmes religieuses. « J’ai eu la chance de pouvoir les rencontrer, les questionner et entendre leur récit. Elles sortaient de prison, pour la plupart, où elles étaient restées trois ans » se souvient le photojournaliste.
Des enquêtes au coeur des couvents
« A partir de là, j’ai couru les couvents, ces lieux où les hommes sont souvent interdits, pour mieux connaître la double lutte de ces femmes. Celle pour une éducation égalitaire avec les moines, et aussi la lutte face à une occupation de leur pays. Sur ces deux dimensions, j’ai travaillé au Tibet, au Népal, en Inde et ce fut passionnant. » Il passe alors, contre les usages, des soirées dans des chambres de nonnes, pour les interroger et réaliser ses reportages.
Jusqu’en 2001, où son travail de presse commence à lui valoir des problèmes avec les autorités chinoises. Ce qui complique alors sa collaboration avec une « fixeuse », entre autres. Et le force donc à s’arrêter : « Parfois c’était drôle, parfois moins. J’ai dû m’écarter parce que je mettais des gens en danger. Mais j’en ai retenu beaucoup de leçons de vie et d’enrichissement. C’est dingue, tout ce qu’elles m’ont apporté » ajoute-t-il.
Ici conditionne l’ailleurs, et l’ailleurs enrichit l’ici
Des femmes qui ont eu évidemment leur place dans le magazine bimestriel lyonnais « Femmes, ici et ailleurs », dont Pierre-Yves Ginet est aujourd’hui co-rédacteur en chef. On y découvre régulièrement des femmes « formidables » issue du monde entier. « On nous appelle parfois le "Courrier International des femmes", ce qui est très flatteur. La revue contient tout de même 50% de sujets français. Nous traitons une actu très large autour de la santé, de la culture, de l’éducation… et donc celle des femmes d’ici et d’ailleurs. Parce que l’ici conditionne l’ailleurs, et l’ailleurs enrichit l’ici » précise-t-il.
Montrer ce qui est...
Il se souvient qu’à ces débuts dans le photojournalisme, ses reportages étaient parfois… raccourcis. Voire jugés carrément inintéressants. « Ça arrive à tous les journalistes, qui ramènent une grosse info et qui font face à une rédaction qui vous dit… non. Lorsque ça devient systématique sur des sujets qui parlent de femmes en lutte, on finit par se gratter la tête. »
Alors, il monte des expositions autour de ces mêmes femmes. Des dizaines de milliers de personnes viennent les voir et y trouvent une fascination. « C’est là qu’on se dit qu’il y a peut-être un problème » conclut notre interlocuteur. « Je crois que notre boulot, c’est de montrer ce qui est. On n’a même pas à se poser de questions. Quand quelqu’un est une victime, qui se redresse et qui parvient à déplacer des montagnes, il faut le montrer intégralement. »
Faire bouger les lignes et sauver des vies
Pour notre expert, la phrase célèbre de Françoise Giroud : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente » reste plus que jamais d’actualité. « Ce jour n’est toujours pas arrivé, ni France, ni ailleurs. Il existe toujours une exigence bien supérieure vis-à-vis des femmes. Que ce soit dans les entreprises, dans les écoles ou la politique. Et quel gâchis ! Quelle stupidité collective ! », déplore-t-il.
En attendant, Pierre-Yves est persuadé que son action a tout de même fait évoluer les mentalités. Et, peut-être, contribué à sauver des vies. « Dans certains pays, oui, ça en sauve. Mais ça en condamne, aussi. Parfois, on réalise que certaines décisions prises chez nous peuvent avoir d’immenses conséquences au bout du monde. »
Le journaliste en est convaincu, il faut continuer à agir: « Avancer sur cette question de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en ce moment, dans ce monde actuel, est devenu un point de césure dans la communauté internationale. Donc je pense que c’est un sujet très important, et, effectivement, cela sauve des vies. »
Voir ou revoir l'émission Vous êtes formidables avec Pierre-Yves Ginet