Le témoignage de la mère accusée d'avoir étranglé son nourrisson avant de le mettre au congélateur a révélé que la jeune femme ignorait être enceinte. Comme souvent dans ce type d'affaire, le déni de grossesse a entraîné l'infanticide. Une psychiatre grenobloise nous explique le processus.
Le triste phénomène des bébés congelés, a débuté - en tous cas médiatiquement - avec l'affaire Courjault en 2006. Depuis, de nombreux affaires du même ordre se sont produits en France. C'est aussi au moment des débats autour des Courjault, qu'un trouble psychiatrique encore mal connu a été pour la première fois évoqué, celui du déni de grossesse.
"Le déni de grossesse est un mécanisme psychique qui vise à protéger la personne d'une information insupportable ou difficile", explique le Dr Annie Poizat. Le docteur Poizat est psychiatre. Elle est spécialisée dans les questions autour de la maternité. Elle accompagne notamment les femmes enceintes et les parents de nouveau-né au sein de l'UTAP (l'unité transversale d'accompagnement périnatal) de la maternité du CHU de Grenoble.
"Dans le cas du déni total", poursuit Annie Poizat, "c'est-à-dire celui qui accompagne la mère tout au long de la grossesse, deux cas : celui où la femme accouche à l'hôpital, et le cas où elle accouche à la maison. "Dans le pire des cas, celui où elle accouche toute seule", poursuit la psychiatre, le fait d'accoucher peut être tellement difficile (pne sachant pas qu'on attend un enfant), qu'il peut y avoir un épisode confusionnel ou un épisode psychotique aigu".
L'enfant qui vient au monde pousse alors un cri. "Ce cri est insupportable" explique Annie Poizat, "parce qu'il 'donne" la réalité". Il faut comprendre que ce bébé, "n'a pas le statut de bébé" pour la femme qui fait un déni de grossesse. "Ce n'est pas un bébé, encore moins son bébé". "Il devient l'élément traumatique dont il faut absolument se débarrasser".
La mère infanticide étouffe le bébé parce qu'elle tente d'étouffer les cris. Si l'enfant est placé au congélateur, c'est parce qu'"il n'y a pas de réelle stratégie de faire disparaître le corps".
"Le déni de grossesse peut toucher n'importe quelle femme", ajoute le Dr Poizat, "de n'importe quel âge, de n'importe quelle classe sociale. Il touche souvent des filles très jeunes, mais aussi des femmes plus âgées, qui se croit ménopausées".
Le phénomène du déni de grossesse n'est pas nouveau. "Je me souviens qu'il y a une vingtaine d'années, lorsque j'ai débuté à l'hôpital, même les professionnels disaient "mais comment elle ne s'est pas aperçue qu'elle était enceinte ?' Et bien oui, c'est possible qu'elle ne se soit pas aperçue, c'est possible que son corps ne se soit pas transformé".
Le docteur explique que l'UTAP prend en charge régulièrement des femmes souffrant de dénis de grossesses partiels. "Les dénis totaux, nous avons à peu près six par an. Il est certain que lorsque la mère arrive à accoucher à l'hôpital, il est plus facile de les protéger, elle et l'enfant" conclue-t-elle.