Deux ans après l'incendie Bolloré Logistics, les 12 000 batteries brûlées ne sont toujours pas dépolluées : mais que se passe-t-il ?

Il y a près de deux ans, 892 tonnes de batteries au lithium s'embrasaient dans un entrepôt de l'entreprise Bolloré Logistics à Grand-Couronne (Seine-Maritime). Les batteries sont toujours en place et le site n'est pas dépollué. Highway France Logistics 8 (HFL8), le propriétaire de l’entrepôt, a été mis en demeure par la préfecture le 12 décembre 2024.

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"C'est un scandale sanitaire et environnemental", martèle Christophe Holleville de L'Union des victimes de Lubrizol.

Ce militant pour l'environnement dénonce la présence des 12 000 batteries brûlées, deux ans après l'incendie de l'entrepôt Bolloré Logistics

Pour rappel, c'est Highway France Logistics 8 (HFL8) qui est propriétaire des entrepôts où s’est déroulé l’incendie de janvier 2023. La cellule où l’incendie a trouvé son origine était louée à HFL8 par Bolloré Logistics, qui y stockait des batteries pour le compte de Blue Solutions.

"Les batteries sont toujours sur place sur une dalle qui a pris cher pendant l'incendie, toute fissurée qui doit laisser passer du lithium dans les eaux souterraines, dénonce Christophe Holleville. Et à chaque fois qu'on les déplace, l'incendie repart..."

Une barrière hydraulique retirée

D'autant plus qu'il n'y a plus de barrières à la pollution depuis le 28 octobre 2024, comme l'ont révélé nos confrères de 76actu.

"L’entreprise Valgo a été retenue pour mettre en place la barrière hydraulique pompant les eaux de la nappe et traitant les eaux retenues avant rejet, afin d’éviter la dispersion à l’extérieur du site de la pollution au lithium détectée dans les eaux souterraines, explique la préfecture de la Seine-Maritime. Cette barrière hydraulique, installée en juillet 2023, vise à confiner la lentille de lithium qui s’est infiltrée dans la nappe phréatique au droit du site à la suite de l'incendie et donc à éviter la dispersion à l’extérieur du site de la pollution."

D’après les informations dont dispose la DREAL, Valgo n’était plus payé par Highway France Logistics 8 (HFL8), propriétaire du bâtiment incendié en janvier 2023 dans lequel étaient notamment stockées des batteries au lithium. De ce fait, Valgo a décidé de retirer la barrière hydraulique.

Une mise en demeure

Dès que la DREAL a été informée du retrait de cette barrière, une inspection a été faite sur site, le 6 novembre dernier, et le préfet de la Seine-Maritime a adopté, après une période de procédure contradictoire, un arrêté préfectoral de mise en demeure en date du 12 décembre 2024.

"Cet arrêté impose à Highway France Logistics 8 de se conformer aux prescriptions édictées en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et en particulier de remettre en service la barrière hydraulique composée d'une installation de pompage, d'une installation de traitement des eaux issues de ce pompage et le rejet en Seine de l'eau épurée. Cet arrêté impose également la remise d’un bon de commande relatif au déblaiement des déchets de la cellule 1", indique la préfecture.

L’arrêté met en demeure Highway France Logistics 8 de remettre en place les mesures et dispositifs qui s’imposent à lui avant le 28 février 2025.

L'entreprise doit également fournir un bon de commande pour le déblaiement des déchets de la cellule 1 avant le 31 janvier 2025.

"En tout état de cause, c’est bien l’exploitant, Highway France Logistics 8, qui devra prendre à sa charge le coût financier de la remise en place et en fonctionnement de cette barrière hydraulique et en aucun cas l’État, et donc les contribuables", assure la préfecture.

Un signalement au procureur

En parallèle de cette procédure administrative, un signalement a été transmis par la préfecture au procureur de la République de Rouen s’agissant de la procédure de retrait et d’abandon de la barrière hydraulique.

"Mais d'ici là, les batteries continuent de polluer sur place, c'est un scandale sanitaire et environnemental", s'énerve Christophe Holleville. 

Les batteries calcinées sont encore sur place, confirme la préfecture, précisant que "leur teneur en lithium nécessite des précautions particulières pour procéder à leur retrait, ce qui a fortement retardé la conception du mode opératoire de travaux pour procéder à l’enlèvement de ces décombres".

Ce mode opératoire est désormais établi et pourrait déjà avoir été mis en œuvre. C’est la raison pour laquelle SAS Highway France Logistics 8, en tant que détenteur de l’autorisation d’exploiter l’entrepôt, a été mis en demeure de fournir le bon de commande de ces travaux.

La préfecture de la Seine-Maritime

HFL8 a deux mois pour faire un recours contre cet arrêté.

Que faire en attendant les actions de HFL8 ?

Mais alors, comment protéger les eaux souterraines en attendant les actions de Highway France Logistics 8 ? L'absence de barrière hydraulique ne va-t-elle pas contaminer les eaux souterraines ?

"En ce qui concerne la remise en service de la barrière hydraulique, il existe en effet un risque qu’un étalement des eaux souterraines se produise, répond la préfecture. D’où le besoin de pompage/traitement de ces eaux, pour lequel l’exploitant a été mis en demeure."

Cependant, la préfecture explique que le délai fixé dans une mise en demeure doit être en rapport avec le temps nécessaire pour la mise en œuvre opérationnelle des dispositifs par l’exploitant (en l’occurrence faire revenir sur site la plupart du matériel nécessaire : pompes, filtres, et surtout matériel très spécifique de traitement d’eau).

"Une mise en demeure avec un délai trop court aurait pu être annulée par le juge. Le délai prescrit a toutefois et compte tenu de l’urgence été fixé plus court que le délai qui a été initialement nécessaire à la mise en place de cette barrière", explique la préfecture, qui ne veut certainement pas revivre l'expérience récente de l'annulation de deux de ses arrêtés par le tribunal administratif dans le cadre de cette affaire.

Deux arrêtés contestés

En effet, début octobre 2024, Bolloré Logistics et Blue Solutions, avaient également été mises en demeure par l’État pour terminer de dépolluer le site sinistré.

L'État avait demandé aux deux entreprises de retirer les déchets dangereux issus de l'incendie des batteries au lithium avant le 31 décembre 2024. La préfecture avait également demandé aux deux entreprises de supporter le coût financier de la barrière hydraulique installée en juillet 2023.

Mais ces arrêtés avaient été contestés devant le tribunal administratif de Rouen par les deux entreprises, qui avaient obtenu gain de cause.

"Le pouvoir des industriels est hallucinant, il faut donc juste croiser les doigts pour ne pas que les eaux souterraines soient polluées d'ici février ! Et si HFL8 dépose bilan, je rappelle qu'ils n'ont pas payé Valgo, comment on fait ?", questionne, amer, le militant écologiste Christophe Holleville.

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