Retards de diagnostics, interventions reportées, augmentation des comportements à risques... le Docteur en oncologie Pierre Saintigny, président du comité de pilotage du Cancéropôle Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) alerte sur les répercussions de la pandémie dans la lutte contre le cancer.
Si la pandémie a tué et tue encore, elle compte aussi des victimes collatérales. Pierre Saintigny, à la tête du comité de pilotage du cancéropole Auvergne-Rhône-Alpes alerte sur les conséquences délétères de la crise sanitaire dans la lutte contre le cancer. Rien n'est encore chiffrable, mais la tendance est source d'inquiétudes.
- Retards de diagnostics et perte de chances
Avec la saturation des services de réanimation et la prise en charge des patients Covid dans d'autres unités, les reports de soins et les retards de diagnostic d'autres maladies, notamment du cancer, ont également été légion. "Durant le premier confinement, les gens ont eu peur d'aller se faire dépister. Peur d'attraper le Covid, mais également de déranger", explique Pierre Saintigny. "Il ne faut pas ! Même avec le sentiment de chaos actuel, il faut aller se faire dépister, notre système de santé peut absorber cela", martèle-t-il.
"Aujourd’hui, nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour évoquer des chiffres, mais l'inquiétude est là et elle est grande. On craint de voir, dans les années futures, un excès de décès liés au cancer."
Le nombre d'opérations chirurgicales a également baissé. "C'est lié à la fois aux reports d'interventions mais également aux retards de diagnostics", explique Pierre Saintigny. "Moins les patients sont diagnostiqués tôt, moins la chirurgie, -à l'origine de 60% des guérisons du cancer-, a des chances de réussite", explique-t-il. "Pour le cancer des poumons par exemple, un centimètre de trop et le patient est inopérable. D'où l'importance capitale de se faire dépister le plus tôt possible."
- Impact psychologique
Outre l'atmosphère pesante, avec les restrictions sanitaires, les patients sont également obligés d'assister à leurs consultations seuls. "Cela a un impact énorme sur leur état mental. Les consultations pour parler de cancers sont loin d'être anodines", insiste Pierre Saintigny. "Le sujet est sérieux, il y a des termes techniques. La situation est très compliquée pour les patients mais également pour les aidants."
- Impact sur les facteurs à risques
Le confinement a amené les gens à adopter plus "de comportements à risques".
Avec l'ennui, on a tendance à plus consommer d'alcool ou de tabac, à faire moins de sport également. Ce sont des facteurs favorisant le cancer.
- Impact du Covid long sur les patients
20% des patients cancéreux ayant eu le Covid ont connu une forme longue de la maladie au-delà de 5 semaines, 10% au-delà de 3 mois. "C'est également problématique. Le Covid long est synonyme de fatigue, les patients sont donc moins armés pour affronter le cancer. Avec la fatigue, on va avoir tendance, par exemple, à faire sauter une chimiothérapie par-ici ou par-là. On va également réduire les doses du traitement car, tout simplement, le patient ne supporterait pas une dose normale. Cela lui offre moins de chance de guérison", explique le cancérologue.
- Impact sur la perte d'emploi
"On sait déjà que près d'un patient sur 5 atteint du cancer perd son emploi dans les 5 ans après son diagnostic. Evidement, on craint le pire avec le Covid en plus dans l'équation", prédit Pierre Saintigny.
- Baisse des moyens de la recherche contre le cancer
La recherche contre le cancer est financée par des organismes publics comme l'Institut National contre le Cancer mais également par des dons, en chute libre en 2020.
En mai 2020, la Ligue Nationale contre le Cancer annonçait une baisse de 10 millions d'euros de dons par rapport à 2019. La conséquence, c'est qu'on peut financer moins de projets de recherche, ou moins financer chaque projets de recherche.
La liste des symptômes alarmants
Le docteur Pierre Saintigny rappelle qu'il est primordial de se faire dépister, même lorsqu'on est asymptomatique et notamment lorsqu'on est invité à le faire dans le cadre d'une campagne de dépistage. Il rappelle également les symptômes qui doivent nous pousser à aller consulter :
Douleurs : douleurs inexpliquées ou ne passant pas.
Problèmes respiratoires ou de la bouche : essoufflement, ulcération de la bouche qui ne guérit pas, toux persistante.
Problèmes digestifs ou urinaires : selles plus fréquentes, ballonnements persistants, problèmes digestifs ou brûlures d'estomac persistants, problème urinaire.
Saignements : saignements vaginaux inexpliqués, sang dans les selles, sang dans les urines, tousser ou cracher du sang.
Changements physiques : changement inhabituel d'un sein, perte de poids inexpliquée, nouveau grain de beauté ou modification d'un grain de beauté, apparition d'une grosseur ou d'un gonflement, voix rauque ou enrouée, difficultés à avaler, importantes sueurs nocturnes.