Des agriculteurs français se mobilisent depuis plusieurs jours. Ils ont bloqué certains axes routiers grâce à des rassemblements de tracteurs et des “opérations escargot”, et menacent de poursuivre le mouvement dans les jours à venir si leurs revendications ne sont pas entendues. Le vice-président de la FNSEA justifie ces actions.
La mobilisation des agriculteurs français s'est amplifiée mercredi 24 janvier avec une multiplication des blocages. Marges de la grande distribution, jachères, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole... Ces agriculteurs en colère se sentent déconsidérés, pris à la gorge. Pour eux, impossible de se faire entendre, ils se sentent ignorés, comme l’explique Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA et éleveur dans le Cantal : “C’est les non-réponses multiples du gouvernement depuis des mois, voire pour certaines demandes, des années. Ça avait commencé avec un mouvement initié par les jeunes agriculteurs et la FNSEA sur le retournement des panneaux en décembre. Quasiment tous les départements ont fait des actions. Il n’y a pas eu beaucoup d'écoute à ce moment-là. Et puis les choses sont amplifiées, début janvier. Ce qui devait arriver arrive. Il n’y a pas de réponse de la part du gouvernement, les injonctions européennes s'additionnent et ce qui se passe est malheureusement logique du fait des non-réponses gouvernementales.”
Un "ras-le-bol" du monde agricole
Pour lui, la colère est grande car les revendications sont nombreuses. Les agriculteurs se sentent, selon Patrick Bénézit, acculés de toutes parts, à commencer par les revenus : “Il y a effectivement les prix, la couverture des coûts de production, les engagements autour des lois Egalim. Si vous prenez la viande bovine, vous êtes entre 0,50€ et 1€ du kilo d'écart entre le prix payé au producteur et le coût de production. Bruno Le Maire explique qu'il faut baisser les prix. Mais, quand on voit que le prix de la viande a augmenté de 8% en rayon en 2023 et qu'on nous a baissé le prix des vaches en fin d'année, il y a un problème. Il y a un ras le bol à force, alors que tout le monde s'était engagé à payer les producteurs en coût et que c'est transcrit dans la loi qui n'est simplement pas appliquée.”
C’est une politique où il y a de la distorsion de concurrence, où on accepte de faire rentrer de l'autre bout du monde des produits qui n'ont pas les normes que nous avons.
Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA
Les normes de production sont également un sujet de crispation. Les agriculteurs se sentent en concurrence déloyale avec des producteurs étrangers, aux pratiques beaucoup moins encadrées : "On a appris que l'Union Européenne voudrait finaliser un accord avec le Brésil pour faire rentrer 100 000 tonnes de viande de plus, alors que tous les agriculteurs sont dans la rue. C’est cette même commission qui veut mettre des normes d'exploitation industrielle à des élevages herbagers français. Pour simplifier, tout ce qui est interdit chez nous est autorisé chez eux. Les durées de transport, les modalités d'alimentation, les réglementations de bien-être animal, les produits autorisés... Par exemple, les farines de viande sont utilisées au Brésil dans l'alimentation du bétail, les activateurs de croissance sont utilisés de manière systématique. Les normes de bien-être animal n'existent pas. Les mêmes décideurs, qui expliquent qu'il faut signer des accords pour faire venir encore plus de marchandises de ces pays, nous ont proposé des séries de normes comme nous n’en avons jamais vues. Tout ça ne peut plus durer”, dénonce Patrick Bénézit.
Des suites au mouvement
Ce mouvement était “malheureusement prévisible”, pour Patrick Bénézit, au vu des “non-réponses du gouvernement” depuis plusieurs mois : “Je ne suis pas surpris du tout. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il était quasi plein et ça s'exprime maintenant. On ne pouvait qu'en arriver là.” Pour lui, la résolution de ce conflit social passera par des mesures fortes : “Tout ce que nous demandons en urgence, c’est de faire appliquer les lois Egalim pour permettre au plus vite aux agriculteurs de couvrir leurs coûts de production. Ensuite, fini de jouer avec des enseignes qui jouent les chevaliers blancs tout en ne respectant pas les prix payés aux producteurs. Et puis, on ne veut plus voir un seul accord international être signé en faisant rentrer des produits qui n'ont pas nos normes. On ne peut pas exiger des agriculteurs français ce qu'on n'exige pas des produits qui sont importés. Il y a d'autres revendications qui tournent autour du prix de l'énergie, des assurances, des dispositifs de gestion des risques... Les suites du mouvement dépendront des réponses qu'on aura.”
Face au mécontentement, Gabriel Attal, le Premier ministre, doit faire des annonces ce vendredi.