L'institut Pasteur est en première ligne de la lutte contre le coronavirus. Émile Duclaux, chimiste et biologiste français né à Aurillac en 1840 a participé à sa création. Dans l’ombre de Louis Pasteur, il a fait partie des grands chercheurs français qui ont mené la guerre aux virus.
 

Le coronavirus est bien sûr en première page du site de l’institut Pasteur. Mais dans l’onglet Notre histoire, juste après la biographie de Louis Pasteur, on découvre un natif d’Aurillac : Émile Duclaux.
Surnommé "l’apôtre", ce chimiste et biologiste cantalien a longtemps collaboré avec Pasteur et a pris la direction de l’Institut après la mort de son mentor en 1895.

C’est grâce à des pionniers comme Émile Duclaux que les chercheurs de l’Institut Pasteur sont aujourd’hui encore à la pointe de la recherche. Dès fin janvier, ils ont été les premiers en Europe à isoler et à mettre en culture des souches du coronavirus pour pouvoir commencer à travailler sur un vaccin.

Dans les oubliettes de l'histoire

A Aurillac, un lycée et une rue portent le nom d’Émile Duclaux, à Clermont-Ferrand, le boulevard Duclaux est tout à côté de l’avenue Pasteur. Ce nom est familier aux Auvergnats, mais la vie et l’œuvre de ce scientifique sont tombées dans les oubliettes de l’histoire.

Émile Duclaux est né le 24 juin 1840 à Aurillac. Il vient d’une famille modeste, son père était huissier et sa mère épicière. Il a fait ses études au collège d’Aurillac puis monte à Paris car ce passionné de sciences veut préparer l’école Normale Supérieure. Il intègre Normale et dès la sortie en 1862, travaille avec Pasteur et se prend de passion pour l’étude des microbes. La toute nouvelle microbiologie, qui va démontrer l’origine microbienne des maladies contagieuses.

Il participe aux campagnes de Pasteur sur le vin, les vers à soie, la fermentation de la bière. Dans l’ombre Émile Duclaux mène un travail de fond avec Pasteur, il en témoigne lui-même : "Monsieur Pasteur à cette époque était un travailleur secret, gardant pour lui ses idées et ses projets. Mais on les devinait ou on croyait les deviner et cela suffisait pour donner du piquant et de l’intérêt aux milliers d’observations microscopiques qui nous prenaient nos journées."
Pasteur et ses « lieutenants » Émile Duclaux, Émile Roux ou André Calmette travaillent sur le terrain et Duclaux mène à bien des travaux sur les microbes utiles dans le lait et le fromage. Il en profite pour arpenter son cher Cantal, comme le souligne son cousin Louis Farges, dans une biographie consacrée à Duclaux en 1907 : "Il était passionnément attaché à la petite patrie, lié à elle par des souvenirs d’enfance qui lui étaient extrêmement chers."

Dans les années 1865-1870 la majeure partie des cahiers de Pasteur est rédigée par Duclaux, le Maître n'a plus qu'à valider.
Louis Farges le met en évidence : "A côté du génie créateur de Pasteur… il apportait l’esprit critique, la raison lucide et sûre, une intelligence qui était, comme le disait un de ses disciples, une balance de précision."
Émile Duclaux a contribué à faire connaître les travaux de Pasteur par ses écrits, dans les années 1880 il écrit des livres références sur la microbiologie et élabore le projet de l’Institut Pasteur avec "Les Annales de l’Institut Pasteur".

Si le nom de Pasteur est mondialement célèbre, si on connaît aussi le nom d’Émile Roux, pourquoi le nom d’Émile Duclaux n’est-il connu que des scientifiques ou des élèves d’un lycée d’Aurillac ?
Comme l’explique le biologiste et historien des sciences Michel Morange, il a fait un travail colossal mais toutes les découvertes sont signées Pasteur car réalisées en collaboration. La gloire de Pasteur a occulté ceux qui travaillaient avec lui et surtout Duclaux, le modeste, dont l’historienne Christine Moissinac dresse le portrait : "Duclaux avait pour seule ambition de servir la science et son pays, les honneurs ne l'intéressant que s'ils pouvaient faciliter le travail de son équipe. Mais si l'on creuse son histoire, on s'aperçoit que l'homme fut bien plus que le fidèle disciple de Pasteur, et que toute sa vie, le savant et le citoyen n'ont jamais été très éloignés l'un de l'autre."

L'affaire Dreyfus le fait basculer dans la vie citoyenne

En tant que citoyen, la communauté scientifique ne lui a pas pardonné son rôle actif dans l’affaire Dreyfus. A l’époque, il est directeur de l’Institut Pasteur et cette affaire a bouleversé sa vie rangée. Révolté par l’injustice, il a voulu transposer au monde sa rigueur scientifique.
Le 8 janvier 1898, il écrit au vice-président du sénat : "Je pense que si dans les questions scientifiques que nous avons à résoudre, nous dirigions notre instruction comme elle semble l’avoir été dans cette affaire, ce serait bien par hasard que nous arriverions à la vérité."
A près de soixante ans, l’affaire Dreyfus le fait basculer dans la vie citoyenne. La même année il participe à la création de la ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Aujourd’hui des voix s’élèvent pour faire découvrir cet éveilleur de conscience. Christine Moissinac a écrit en 2016 "Émile Duclaux de Pasteur à Dreyfus", on peut également l’écouter dans La marche des sciences sur France Culture parler de cet homme intègre : "Fort de son autorité en sciences, il s'implique en tant que citoyen pour défendre la vérité, la justice, l'accès au savoir et l'hygiène sociale."
Ce scientifique à l’origine de progrès fondamentaux en matière de maladies infectieuses a été au cœur de la recherche et de la santé publique. En plus de faire partie de la première équipe à avoir mené des recherches sur les virus en France, Émile Duclaux reste un savant qui a utilisé sa rigueur pour faire avancer la justice.
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