À Montsalvy, un charmant village du Cantal, Ludovic Bioulac, maître couvreur passionné, œuvre avec détermination pour préserver un savoir-faire ancestral : la pose de lauze. Depuis l'adolescence, il façonne ces pierres emblématiques des toits auvergnats au sein de son entreprise familiale.
Ludovic est né au milieu des toits, dans le Cantal. Son père, Robert Bioulac, a fondé Les Toitures d’Auvergne à Montsalvy en 1974, entreprise spécialisée dans la pose et la restauration des toitures en pierre de lauze. Alors âgé de 26 ans, Robert, souhaitait voler de ses propres ailes et a créé l’entreprise avec sa femme qui s’occupait de la comptabilité, conduisait le camion avec la grue et triait les ardoises sur les chantiers, suscitant l’étonnement des clients. Progressivement, ils ont embauché des employés pour accompagner la croissance de l’entreprise. Ludovic a rejoint l’entreprise à l’âge de 16 ans : « c’est un métier qui m’a toujours plu », confie-t-il. Après le décès de leur père, Ludovic et Dominique ont repris la gestion de l’entreprise, perpétuant ainsi l’héritage familial.
"Le Cantal, c’est le berceau de la lauze"
La lauze est bien plus qu’un simple matériau de couverture dans le Cantal : elle incarne l'identité de la région. À l’époque, elle était extraite localement, souvent à moins de 10 ou 15 kilomètres des lieux de construction, directement sous les pieds des habitants. Aujourd'hui encore, on la récupère dans la région, notamment à partir de bâtiments démolis, ou de rénovations où d’autres matériaux remplacent la pierre. La lauze est un matériau d’une grande durabilité. « Elle est éternelle », affirme Ludovic. Elle résiste parfaitement aux intempéries, qu’il s’agisse de grêle ou de tempêtes. « Avec un entretien régulier, une toiture en lauze peut durer un siècle », précise-t-il. Les lauzes, qu’elles soient en micaschiste (autour de Montsalvy), en basalte ou en phonolite (dans le nord du Cantal), doivent être soigneusement ajustées, les plus grandes étant placées sur les zones les plus exposées au vent.
Réinventer la lauze : un art entre tradition et innovation
Aujourd'hui, la toiture en lauze se fait de plus en plus rare, et beaucoup ignorent encore son existence. Pourtant, cette pratique perdure grâce à la passion des artisans de la dizaine d’entreprises de la région, dont Ludovic fait partie. Ludovic, fidèle à la tradition, a su évoluer avec son temps. La préparation représente 40% du travail : la lauze est sélectionnée et taillée au sol. « On écoute la lauze, elle chante, elle fait une résonance dans le feuilletage », explique-t-il. Puis, elle est posée sur le toit avec un marteau couvreur et des clous galvanisés, en cuivre ou en inox, remplaçant les anciennes chevilles en bois. Il faut « avoir un œil aiguisé », comme le dit Ludovic. Cette précision est essentielle, car chaque pierre doit être parfaitement ajustée pour assurer l’étanchéité et la durabilité du toit.
En une journée, un couvreur peut poser entre 8 et 12 m² de micaschiste, nécessitant parfois plusieurs semaines, voire des mois pour compléter une toiture.
Préserver le patrimoine
À une époque où les toits en lauze étaient considérés comme la couverture des gens modestes, Ludovic et son équipe redonnent aujourd'hui leur splendeur aux édifices les plus prestigieux. Parmi ses chantiers les plus marquants, Ludovic a retenu le château de Val en Corrèze, où une nacelle de 65 mètres a été utilisée, une machine d’une fiabilité exceptionnelle employée même pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Ce chantier a été décrit par Ludovic comme une « expérience unique » en raison du cadre impressionnant et des défis techniques relevés. Le travail remarquable de l'entreprise a été récompensé par plusieurs distinctions, dont le label Entreprise du Patrimoine Vivant, décerné en novembre 2017. Ce label, rare dans le Cantal, reconnaît l’excellence artisanale. Déjà en 1976, le savoir-faire du père de Ludovic avait été salué par Raymond Barre.
"Je ne changerai rien, j’ai une vie plaisante" : une passion transmise
Ludovic ne se contente pas de préserver le patrimoine, il s'investit également dans la transmission de son savoir-faire aux nouvelles générations. Conscient que les techniques traditionnelles sont menacées de disparition, il a à cœur de former les jeunes artisans pour assurer la pérennité de ces compétences précieuses. Depuis le 9 septembre, un jeune apprenti a rejoint l’équipe pour se former aux subtilités du métier, ayant déjà effectué un stage chez Les Toitures d’Auvergne. Bien qu’encore trop jeune, Ludovic a un enfant de quatorze mois et espère qu’il reprendra un jour l’entreprise, tant il trouve le métier riche et plaisant. Il apprécie particulièrement le calme et la sérénité que lui offre le travail en hauteur : « On est haut placé, sur un toit, et on est tranquille. On profite de la vie environnante, c’est un petit plus. »
En 2018, l'émission Météo à la Carte sur France 3 s'était intéressée au travail de Ludovic.
À l’occasion de la 41e édition des Journées européennes du patrimoine, Ludovic sera l’invité de l'émission « Vous êtes formidables » mardi 17 septembre à 9H00 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. À voir ou à revoir dès à présent sur France.tv