Pourquoi la ligne aérienne Aurillac-Paris serait "en danger"

Fin janvier, six élus du Cantal ont écrit au ministre délégué aux Transports. Ils estiment que la liaison aérienne Aurillac-Paris est « en danger ». Pour eux, l’Etat doit augmenter sa contribution.

C’est un courrier qui fait l’unanimité, au-delà des étiquettes politiques. Jeudi 19 janvier, Bruno Faure, président (LR) du Conseil départemental du Cantal, Pierre Mathonier, président (PS) de la Communauté d’Agglomération du Bassin d’Aurillac (CABA) et tous les parlementaires LR et le sénateur de l'Union centriste Bernard Delcros ont adressé un courrier à Clément Beaune, ministre délégué aux Transports. Ils s’inquiètent de l’avenir de la liaison aérienne Aurillac-Paris. Les élus écrivent : « La Ligne d’Aménagement du Territoire Aurillac-Paris (Orly), indispensable pour le développement économique du Cantal, est en danger. Après le refus de la compagnie Air-France de candidater pour le renouvellement de la délégation de service public de la ligne, deux compagnies se sont positionnées, mais dans des conditions économiques insatisfaisantes. Les déficits attendus, pris en charge notamment par le Conseil départemental du Cantal et la Communauté d’Agglomération du Bassin d’Aurillac, avec un complément de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, ne seront pas supportables pour les acteurs locaux, alors même que le Gouvernement nous invite à de nouveaux efforts financiers ».

Des budgets "très serrés"

Les élus demandent à l’Etat d’augmenter sa contribution. Pierre Mathonier, président (PS) de la Communauté d’Agglomération du Bassin d’Aurillac (CABA), indique : « Aujourd’hui on est en renégociation de la délégation de service public et les chiffres qui nous sont communiqués par les deux prestataires font que le budget va exploser. C’est sûr que le motif du coût de l’énergie est majeur mais le reste à charge, puisqu’on finance le déficit, est pour l’Etat, la Région et surtout le Conseil départemental et l’Intercommunalité. On négocie le partage du déficit. Aujourd’hui, l’Etat a un fonds de soutien aux lignes pour l’aménagement du territoire qui finance 55 % de ce déficit mais plafonné à un certain montant. Les chiffres qu’on pressent dans la négociation risquent d’entraîner une surcharge pour le Département comme pour la CABA de plusieurs centaines de milliers d’euros. A l’échelle du gouvernement, 2 ou 300 000 euros, ce n’est pas beaucoup : il faudrait qu’il déplafonne les 55 % et que ce soit 70 % par exemple, de façon à réduire le poids sur nos budgets car on a des budgets très serrés ».
Bruno Faure, président (LR) du Conseil départemental du Cantal, s’inquiète aussi du retrait d’Air France : « On craignait qu’Air France ne soit pas là et ça s’est avéré. On a des propositions économiques qui sont très largement dégradées par rapport à ce qu’on avait jusque-là. On espère que ce dialogue compétitif permettre de faire baisser la contribution des collectivités ». Il en appelle au soutien de l’Etat, afin de garantir la survie de la ligne Aurillac-Paris : « Si l’Etat n’augmente pas sa contribution, de 55 à 60 ou 65%, il va le demander aux collectivités d’assumer : 500 000 euros pour l’Etat, c’est une goutte d’eau dans son budget, alors que pour nous, collectivités locales, c’est une somme ».

Une ligne "absolument nécessaire"

Matthieu Piganiol, président de l’entreprise du même nom, qui produit des parapluies, utilise la ligne Aurillac-Paris 8 à 10 fois par an. Il explique : « Ce n’est pas pour moi que c’est important. C’est pour mes clients. Si demain ils ne viennent pas, je ne pourrai pas travailler. Je fais une partie de mon chiffre d’affaires dans l’industrie du luxe. Quand vous travaillez dans le luxe, le client se demande comment il peut faire l’aller-retour dans la journée. S’il ne peut pas le faire pour Aurillac, il ira en Italie ou ailleurs en France. Le client ne va pas faire l’aller-retour en voiture en 12 heures. Cela est vieux comme le monde. Quand mon père était en activité, il avait eu un client qui l’avait choisi en fonction de l’accessibilité de l’usine de production. Quand les gens viennent, ils ne peuvent pas déplacer une équipe qualité ou marketing sur 2 ou 3 jours. Pour mon entreprise, cette ligne est hyper importante. Le train n’est pas une alternative fiable. La ligne aérienne est vitale pour mon entreprise ». Le chef d’entreprise salue l’initiative des élus et qualifie la mobilisation de « légitime ».  

Selon Pierre Mathonier, la ligne Aurillac-Paris est vitale pour les acteurs économiques : « Cette ligne est absolument nécessaire pour le territoire d’Aurillac. On est à plus de 8 heures de train de Paris, 6 heures de route. On est vraiment enclavés. La ligne a une grosse fréquentation car elle est nécessaire à l’activité économique. Aujourd’hui, il y a un 42 places. Le taux de fréquentation est autour de 70 %. Il y a maintenant 3 rotations par jour. C’est un service qui est proposé qui évite de payer une nuit d’hôtel ou de faire 8 heures de voiture. L’activité économique tourne vraiment parce que cette ligne est disponible ». Bruno Faure partage ce point de vue : « Aujourd’hui c’est le seul moyen que l’on a pour rallier Paris. Ce sont les chefs d’entreprise qui vont à Paris et qui font venir leurs clients dans le Cantal. Le train est difficile, quand on considère le Paris-Clermont-Ferrand. Avec tous les aléas, quand vous êtes à Clermont-Ferrand, vous avez encore deux heures de train. Si vous êtes en retard sur le Paris-Clermont-Ferrand, ce qui est banal, vous avez des chances de rater le train d’Aurillac. La liaison par train est quasiment inexistante. Nous n’avons que la route. Sur une année, on devrait dépasser les 38 000 passagers donc avec de tels niveaux, on ne peut pas dire que ce ne sont que les chefs d’entreprise et les élus qui prennent cette ligne. C’est bien adopté par l’ensemble des Cantaliens ».

Voici la lettre des élus.

Aurillac-Paris by Catherine Lopes on Scribd

Le président du Conseil départemental précise le calendrier : « Nous allons avoir deux ou trois réunions avec les candidats pour négocier. Dans la première quinzaine de février, on devrait savoir sur quel volume économique on est. Il faut que l’Etat se positionne ». Après avoir interpellé le ministre, les élus signataires attendent une réponse de sa part, mettant en avant le nécessaire désenclavement du Cantal par cette liaison aérienne.

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