Jean-Charles Pitou et Henri Annoni viennent de La Réunion. Alors qu’ils n’étaient que des enfants, le gouvernement a incité leur famille à les envoyer en métropole. Beaucoup se sont retrouvés dans la Creuse. Eux et une soixantaine d'autres jeunes ont été placés dans le Cantal.
« En métropole vous ferez des études, vous pourrez devenir instituteur, avocat, être des gens bien. Vous reviendrez chaque année à La Réunion. Vous retrouverez vos familles. » A 9 et 11 ans, Jean-Charles Pitou et Henri Annoni se sont retrouvés dans le Cantal. Il neigeait. Ils croyaient à ce rêve que l'on avait fait miroiter à leurs parents.
En 1962, Michel Debré, premier ministre et futur député de La Réunion, affichait de nobles intentions. Pour enrayer la surpopulation de l'île, il proposait aux parents de laisser partir leurs enfants vers la métropole. Une proposition à caractère obligatoire. Ces jeunes étaient placés à la Ddass. Les familles n'avaient pas vraiment leur mot à dire et puis sa promesse d’avenir était si belle...
Un exil difficile à vivre
Cinquante ans plus tard, Jean-Charles et Henri sont grands-pères. Ils ont fait leur vie en Métropole mais n'ont rien oublié. Ils n’ont rien oublié de leur jeunesse à Quézac dans le Cantal. Quand ils y retournent des souvenirs refont surface.Au fil des années, l'exil est de plus en plus dur pour des enfants à qui l'on a promis que chaque année ils auraient le droit de rentrer à La Réunion. Ils attendent toujours leur billet d'avion.
Contrairement à leurs camarades placés dans la Creuse, les petits réunionnais du Cantal n'ont pas été exploités dans des fermes. La semaine, les enfants étaient dans l'école tenue par des religieuses. Durant les vacances, ils étaient en famille d'accueil. Le curé du village avait cherché des personnes bienveillantes pour ces enfants en manque d'affection.
A 14 ans vint la désillusion : pas d'études supérieures pour les petits Réunionnais : direction l'apprentissage. Et toujours pas de billet retour pour la Réunion. Ce n'est qu'à l’âge adulte qu'ils y retourneront, presqu'en touristes. Les retrouvailles avec des familles devenues quasiment étrangères et qui ont du mal à comprendre leurs souffrances.