Avez-vous déjà goûté un Carré de Salers ? Ce biscuit fin et croquant jouit d’une réputation qui dépasse les frontières du Cantal. On vous en dit plus sur ce sablé souvent présent sur les tables pour les fêtes de fin d’année.
Il n’y a pas que la vache et le fromage Salers qui ont contribué à faire connaître ce petit village du Cantal. Un petit biscuit fin et croquant, le Carré de Salers, fait aussi la fierté de la commune. Sa notoriété dépasse les frontières du Cantal. À Salers et aux alentours, plusieurs biscuitiers en produisent. Les recettes varient. Pierre-Jean Tolosana, 38 ans, est gérant depuis deux ans de la boulangerie “Aux Carrés de Salers”. Il tient à garder sa recette secrète : “C’est un biscuit exceptionnel car il est rattaché à l’histoire du village. La recette est secrète. C’est un sablé avec un extrait de vanille, qui lui donne un goût différent des autres sablés. La marque est déposée à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). La recette a été établie en 1867. Les Carrés mesurent 8 cm de côté”. Dans sa boulangerie, la première fournée de pain date de 1762. Le four est encore fonctionnel. C’est là qu’il prépare les ingrédients pour produire les célèbres Carrés de Salers : “Il faut de la farine, du beurre, des œufs, du sucre et de la vanille. Pour moi c’est la texture qui fait la différence, ainsi que la finesse et le croquant. Le goût est vanillé. L’esthétique compte aussi. Le biscuit est soigneusement doré au badigeon d’œuf”.
Une forme aux origines diverses
Le boulanger explique : “La méthode de travail du XIXe siècle a été améliorée avec les machines mais la recette reste la même. Sur l’origine de ce biscuit, il y a beaucoup d’histoires qui se racontent. J’ai envie de croire que c’est lié à la forme des pavés du village de Salers”. Il se raconte également que les Carrés sont inspirés de la forme des allumettes de contrebande, collées entre elles. Pierre-Jean Tolosana évoque la rivalité entre les différents producteurs de Carrés : “Nous ne sommes pas les seuls à faire des Carrés de Salers. Entre biscuitiers, on ne se parle pas trop”. Le boulanger produit environ 900 boîtes de 18 par semaine. Il explique : “Les touristes emportent la boîte aux quatre coins de la France. On a des clients qui consomment autant que des épiceries. J’ai parfois vendu 20 boîtes à des clients pour qu’ils fassent du stock chez eux”.
Une recette qui se transmet de père en fils
A quelques kilomètres de là, à Anglards-de-Salers, Bernard Calvagnac produit quant à lui des “Carrés du Pays de Salers”. Il a repris en 1985 la boulangerie-pâtisserie familiale fondée en 1963 par son père. Il indique : “Il tenait la recette de son prédécesseur. La recette a été créée par les artisans de Salers. Concernant le Carré, tous les artisans ont chacun leur recette. Les compositions sont similaires : beurre, sel, farine, œuf, sucre”. Selon lui, toutes les occasions sont bonnes pour déguster un Carré du Pays de Salers : “C’est un biscuit qui peut accompagner le thé ou le café. On peut aussi le manger en dessert, avec de la glace ou une crème anglaise ou une salade de fruits. Cela peut aussi se consommer avec une coupe de champagne. Le sablé a un goût beurré et sucré à la fois. Il se distingue par son croustillant”.
"Ce qui nous différencie entre chaque biscuitier, c’est la taille et la cuisson"
Bernard Calvagnac a vu la taille de ses Carrés évoluer : “Il y a quelques années, il était un petit peu plus grand. Là il mesure 7,5 cm de côté”. Il est fier de produire ce biscuit emblématique de Salers : “C’est un biscuit spécifique à la région. On n’en trouve pas ailleurs. Sa finesse de goût a fait son succès. C’est un biscuit très riche en beurre, très onctueux, avec du craquant. Ce qui nous différencie entre chaque biscuitier, c’est la taille et la cuisson. La quantité de beurre varie aussi. Notre biscuit contient environ 22% de matière grasse. Le beurre apporte plus d’onctuosité et un goût plus raffiné mais le Carré est plus difficile à réaliser”. Chaque semaine, 1 000 boîtes de 16 Carrés sont produites dans son atelier. “La confection nous demande du temps. La pâte est réalisée la veille, étalée en laminoir. Après la cuisson, il faut séparer les Carrés et les classer car ils ne sont pas réguliers. On les emballe manuellement” souligne-t-il.
"Il y a une rivalité sur les appellations"
Bernard Cavagnac insiste : “Sa réputation dépasse les frontières du Cantal. On a des dépôts à Paris, en Bretagne, en Vendée, dans le Puy-de-Dôme. On a déjà expédié des commandes aux Etats-Unis, en Allemagne, en Belgique et au Japon. Le Carré est la meilleure vente de notre site e-commerce". Il évoque la guéguerre entre les biscuitiers qui produisent les Carrés : “Il y a une rivalité sur les appellations. On tient à nôtre appellation du Carré du Pays de Salers. On a chacun notre recette et notre façon de fabriquer le Carré. Malgré les mêmes ingrédients, on ne va pas sortir le même produit. L’épaisseur et la cuisson jouent leur rôle”. Chaque jour, le boulanger-pâtissier prend plaisir à confectionner ses Carrés du Pays de Salers : “Mon bonheur réside dans la transmission de la recette. C'est ce que j’ai appris de mon père. J’ai des souvenirs quand j’étais tout petit : je dégustais et je fabriquais les Carrés. J’aimerais continuer à le produire le plus longtemps possible. Malheureusement, j’ai 60 ans et aucun de mes deux fils ne veut reprendre la suite”. Bernard s’attend à un pic de ventes de ses biscuits dans les prochains jours. Au fil des années, ce sablé est devenu un incontournable des repas de fêtes de fin d’année en Auvergne et au-delà.