En Auvergne, les contes et légendes ne manquent pas. Daniel Brugès, auteur et illustrateur du Cantal nous plonge dans un univers mystérieux et captivant.
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Dans un passé plus ou moins lointain, l'Auvergne regorgeait de contes et de légendes. Des histoires parfois inquiétantes, dans un univers où les loups effrayaient les enfants et où le diable était omniprésent. Ainsi, lors de veillées, on racontait le conte de la bête à sept têtes ou encore celui du fil ensorcelé. Mais connaissez-vous l'histoire de Pimpounet ? Il s'agit d'un petit garçon de la Margeride, dans le Cantal, à qui il arrive bien des mésaventures. Un récit pittoresque que l'on retrouve dans le livre « Contes, légendes et autres dires d’Auvergne » , paru aux éditions De Borée. Daniel Brugès, auteur et illustrateur du Cantal, a pris un malin plaisir à refaire vivre ce conte. Pimpounet est d'abord recueilli par une femme de la montagne qui vendait des fruits. Elle le confie finalement au père Baptiste, propriétaire d'une ferme. L'auteur écrit : "Ce que je peux vous dire surtout, c'est que nous le soignerons bien ! Faites-nous donc le voir ce petit ! oh, miladiou... Vous ne l'avez guère faite manger, ma pauvre dame ! Il n'est pas plus grand qu'un fromage ! Les cabécous de mes chèvres sont plus gros que lui ! Nous, on va le soigner, et lorsque vous reviendrez le chercher, voyez-vous, il sera grand et fort !". Mais Pimpounet est tellement petit que lorsqu'il s'abrite sous une feuille de choux pendant un orage, la vache Coquette le mange. Ensuite, il est avalé par un loup, puis porté par un lapin. Finalement, Pimpounet découvre le trésor de deux voleurs au pied d'un chêne. Daniel Brugès raconte : « Dans ce que j’ai pu recueillir, on retrouve des histoires qui ressemblent aux fabliaux du Moyen-Age, avec le loup, le renard, Ysengrin. Je pense qu’il y a eu une accaparation par les locaux d’histoires entendues par ailleurs. Pour Pimpounet, on est dans cet esprit, avec un enfant minuscule, même plus petit qu’un nain, puisqu’il peut se cacher sous les feuilles d’un chou. Il est mangé par une vache, puis par un loup. Il se fait transporter par un lièvre, il récupère le trésor de brigands. On est tout à fait dans le domaine des contes de Perrault ou de ces grands raconteurs d’histoire ».
Une histoire où le diable se change en agneau
Au fil des pages, on peut découvrir le récit de" l’agneau qui pesait". L’auteur explique : « Cette histoire me plaît bien car elle est sur le thème du diable. C’est en réaction à la religion, qui avait un fort pouvoir auprès des gens. Henri, un dévot rentre de veillée et trouve un petit agneau perdu. Il se dit qu’il ne va pas le laisser là et le met sur ses épaules pour l’emmener chez lui. Plus il marche vers sa maison, plus cet agneau pèse. A la fin, il n’arrive presque pas à s’en débarrasser dès qu’il est chez lui. Au moment où il va le mettre au sol, il reçoit deux claques terribles et cet agneau disparaît. Le conte dit que c’était le diable qui s’était transformé en agneau pour punir Henri, qui était très croyant. Il faut savoir que depuis qu’on sonne l’angélus aux cloches des églises, le diable n’est plus à la fête car il a peur du son des cloches ». Daniel Brugès écrit : "A coup sûr, c'était le Diable qui avait mis l'agneau sur le chemin de l'homme et qui lui parlait. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle aussi le Malin ! Le Diable savait fort bien que l'Henri était un dévot sans pareil. Il convenait de lui prouver qu'il existait bel et bien".
La légende du lac Pavin
Autre histoire, celle inspirée par la formation du lac Pavin. Daniel Brugès indique : « Les filles de Besse étaient très jolies mais très dévergondées. Elles provoquaient les hommes, même mariés. Dans les bals, elles invitaient les garçons. Elles provoquaient le curé de Besse, qui lors des confessions, en entendait de toutes les couleurs. Le conte dit que Dieu en a eu vraiment marre, qu’il se met dans une colère terrible, qui fit peur aux anges et aux saints. Il a voulu engloutir toutes ces filles et crée un creux au milieu de la montagne, qui engloutit tout le village de Besse. Heureusement, quelques habitants s’en sont sortis et on reconstruit le village un peu plus loin. Les filles dévergondées ont péri au fond de ce cratère qui s’est rempli ensuite d’eau. Cette légende aurait à peu près deux siècles d’existence et on l’aurait créée à l’époque pour faire venir les touristes à Besse ». L'auteur écrit : "Dieu hurla si fort que les entrailles de la terre se déchirèrent. Le village fut englouti en quelques instants. Les filles volages disparurent avec. De ce jour d'apocalypse, il ne resta qu'un gouffre profond qui se remplit d'eau. Comme quelques habitants de Besse n'avaient pas trépassé, ils se mirent aussitôt au travail et construisirent un nouveau village. Depuis, les filles de Besse se sont assagies. Enfin, c'est ce que l'on dit...Quant au lac Pavin, il a enfin retrouvé son calme".
Une terre qui se prête aux légendes
Pour l’auteur, si l’Auvergne est un territoire propice aux histoires, elle le doit à son relief particulier : « S’il y a de nombreux contes et légendes, c’est lié à la configuration du territoire. On est souvent sur des zones plutôt escarpées, des zones de montagne, avec des vallées encaissées, des lieux avec peu de communication. On restait dans des endroits très fermés, ce qui expliquait certaines peurs, certaines croyances. Souvent, ce sont les mêmes thèmes qui reviennent sur les différents départements, qu’on soit du Cantal, du Puy-de-Dôme ou de la Haute-Loire, et je mets un peu à part l’Allier. On retrouve des histoires de diable, de loups, de farfadets, ce sont des histoires de peurs, tout ce qui pouvait engendrer des craintes auprès des personnes et plus particulièrement des enfants. Au départ, ces contes étaient plutôt destinés aux enfants et racontés pendant les veillées. C’est toujours la peur de ce qu’on ne connaît pas ».
"Je rends hommage à mon père par cet ouvrage"
Si Daniel Brugès a choisi de raconter ces histoires c’est parce que sa jeunesse a été bercée par les histoires de son père : « Je rends hommage à mon père par cet ouvrage. Nombre de ces contes viennent de lui. Je fais partie de cette dernière génération qui a connu les veillées, il n’y avait pas de télévision à la ferme. Il y avait toujours une vieille personne, une grand-mère ou un voisin qui nous racontait des histoires. Mon père faisait partie de ces gens-là. Il connaissait des tas d’histoires, aussi bien fantastiques qu’humoristiques. J’ai été bercé par ces histoires. Lorsque je suis devenu adulte, quand j’étais en formation à l’école normale d’instituteurs, j’ai noté tout ce qu’on m’avait raconté et tout ce que j’ai peu recueillir à ce moment-là ».
Des contes en patois
L’auteur souligne comment il a procédé pour compiler ces histoires et ces légendes : « Au début j’avais des notes manuscrites, liées aux souvenirs. J’ai réécrit ces contes à ma manière. Ce n’était que des souvenirs. Après, j’ai procédé de manière plus scientifique. J’allais rencontrer les personnes. Je notais ou j’enregistrais avec un vieux magnétophone à bande. Il y a eu une première édition de ces contes en 1984, avec une version en français et en langue d’oc, en auvergnat. Les gens me racontaient ces histoires en patois et c’est une langue que je parle couramment. Pour cette nouvelle édition, ce sont pour la grande majorité des textes inédits que j’avais dans mes archives ou que j’ai recueillis depuis une quarantaine d’années ».
Faire vivre une tradition
Avec ces histoires, Daniel Brugès a choisi de mettre par écrit une tradition surtout orale qui aurait bien pu disparaître : « J’aime bien le terme de passeur de mémoire. Je ne suis pas un conteur-né comme certaines personnes. Tout ce patrimoine immatériel, comme la musique et les contes, doit être conservé. J’ai peur que les nouvelles générations soient un peu loin de ces contes traditionnels qui faisait le sel de notre Auvergne ». A la fin de l’ouvrage, le conteur a aussi glissé quelques comptines : ». Avec ces histoires, Daniel Brugès célèbre une culture populaire qui a été transmise de génération en génération à travers l’Auvergne.