"En 30 ans on a perdu un tiers des populations d’oiseaux en Europe", Christian consacre sa vie à les protéger

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Christian Moullec, une vie à protéger les oiseaux et leurs habitats ©Préserve ta montagne / France 3 Auvergne-Rhône-Alpes

Christian Moullec ou l’histoire d’une passion pour les oiseaux. Cet Auvergnat d’adoption consterné par la disparition de certaines espèces se démultiplie pour sensibiliser le public aux menaces qui pèsent sur eux, sécuriser les itinéraires suivis lors des grandes migrations saisonnières, sauvegarder les zones humides et protéger certaines espèces notamment dans les zones de moyenne montagne.

Voler avec les oiseaux… Christian Moullec en a toujours rêvé. Et cela fait près de 28 ans qu’il exhausse son rêve presque quotidiennement. En ULM, en montgolfière. Des décennies à les observer, les photographier, les filmer. Des décennies passées à les aimer et vouloir les protéger.

La vie de ce Breton  installé en Auvergne depuis 40 ans est un roman. Le réalisateur Nicolas Vannier en a même fait un film intitulé "Donne-moi des ailes", une fresque sortie sur les écrans en 2019.

Cet ancien météorologue devenu ornithologue, photographe et vidéaste, passe son temps à étudier les oiseaux. Du haut de ses cabanes perchées dans les arbres à coté d’Aurillac, il est aux premières loges pour voir l’évolution de leur mode de vie et les dangers qui les menacent.  "En 30 ans on a perdu un tiers des populations des oiseaux en Europe. Plus de 420 millions d’oiseaux ont disparu. Et l’Auvergne n’échappe pas à cette tendance".

Pour ce défenseur de la cause animale, l’origine de cette raréfaction est à rechercher dans la chasse et les pratiques de l’agriculture intensive. Avec l’urbanisation grandissante, le dérèglement climatique qui se traduit pas des périodes de sécheresse à répétition, l’utilisation de pesticides, les écosystèmes auvergnats sont menacés. Les oiseaux notamment les grands migrateurs sont déroutés dans tous les sens du terme. Moins de zones humides, des techniques de chasse plus efficaces rendent leurs trajets plus périlleux et nombre d’entre eux, affaiblis, n’arrivent à destination.

Changer les itinéraires des oiseaux migratoires

A la fin des années 90 avec sa compagne Paola, il s’est lancé un pari fou : essayer de sauver une espèce menacée en l’orientant sur un parcours plus sûr vers la Laponie. S’inspirant des réflexions de l’Autrichien, Konrad Laurenz, il a passé du temps à se faire accepter et apprécier dès le plus jeune âge par des oies naines. A force de les nourrir, de vivre en leur compagnie, de voler en delta plane avec elles, elles se sont habituées à sa présence. Quand elles se sont mis à lui faire de plus en plus confiance, il en a choisi 33 et les a guidées, accompagnées vers la Suède en choisissant un itinéraire à l’abri des tirs. Des jours et des jours à voler ensemble au-dessus des monts, des plaines et des flots, en évitant les zones de chasse.

"Le but était de revoir des oies naines en Scandinavie", raconte-t-il. "Cela a fonctionné : les oiseaux ont mémorisé avec nous, leurs parents de substitution, un nouvel itinéraire. Nous avons volé avec un deltaplane motorisé adapté à ce projet spécifique et doté de flotteurs. On allait d’étape en étape et on se posait le soir sur des rivières et sur la mer baltique. Ils ont retenu un nouveau trajet qu’ils reproduisent et qu’ils enseignent maintenant à leurs propres jeunes".

Il ne s’est pas arrêté là. "En France, on peut encore côtoyer 300 espèces d’oiseaux. C’est un carrefour migratoire pour la plupart des espèces européennes : il est important de préserver des corridors, des zones où elles peuvent se restaurer, se refaire une santé à l’abri des perturbations des villes et de la chasse".

Avec sa famille, il a fait l’acquisition d’un grand terrain de 25 hectares dans le Cantal qu’il laisse à l’état naturel. Il y a créé un lieu d’accueil où il prend soin et nourri de nombreuses espèces avec des mares accueillantes et une forêt danse.

"Depuis 15 ans, on arrive à préserver ce qui peut l’être encore.  Nous sommes assez satisfaits de la bio diversité sur notre petite ferme. On est entouré de chants d’oiseaux toute l’année et cela contribue à notre bonheur dans la vie".

Sauver les zones humides

Parallèlement, ce défenseur de la cause animale, aux allures de mousquetaire avec ses cheveux mi-longs et sa barbichette en pointe, milite pour la préservation des zones humides, ces espaces, on ne peut plus précieux pour la survie et le bien être des oiseaux. Il cherche à fédérer d’autres militants et des propriétaires terriens pour  sauvegarder des mares, des marécages, des ruisseaux, des écosystèmes devenus rares et pourtant très utiles aux oiseaux.

"Il est important de préserver ces zones qu’ils utilisent comme haltes pendant leurs migrations. Ils  dépensent énormément d’énergie  en vol quand ils se déplacent ; ils ont besoin de faire des pauses à l’abri. Si on arrivait à regrouper sur leur chemin des lieux, on ferait œuvre utile pour maintenir  la biodiversité.  Ces zones marécageuses captent les eaux lorsqu’ il pleut le plus, notamment à l’automne et au printemps, et elles les restituent à la saison sèche. C’est vertigineux : ces écosystèmes qui ont mis des millions d’années à se créer peuvent disparaître en quelques dizaines d’années".

Un petit sanctuaire près d’Aurillac

Sur son petit sanctuaire situé à Caluche, près de Saint-Simon, non loin d’Aurillac, avec sa famille, il a créé des petites mares et remis un petit ruisseau qui était sec en état. Celui-ci coule désormais toute l’année. L’été, il y a de l’eau en permanence pour les insectes, les oiseaux et les innombrables animaux qui passent sur son terrain. Résultat : on a pu y observer 18 sortes de rapaces mais aussi des spécimens rares d’éperviers, de faucons, de palombes, d’éperviers ou de bondrées. Ils y trouvent des nichoirs et des graines de tournesol bio qu’il répand sur le sol.

A côté de cette action sur le long terme, il a cœur de partager sa passion, ses connaissances et de sensibiliser l’opinion sur les conditions de vie des oiseaux. Il rédige des livres, confortablement installé dans ses cabanes qui surplombe son territoire et participe au tournage de films.

Evoluer à quelques centimètres des oiseaux

Fait rare, cet adepte du vol libre propose à des curieux de l’accompagner sur un ULM biplace voire des montgolfières. Il les amène voler à une heure d’Aurillac, avec des oiseaux "imprégnés" à proximité du plus grand volcan d’Europe, le plomb du Cantal. Ils survolent ses anciennes coulées de lave empilées les unes au-dessus des autres ainsi que les vallons proches de Coltines et Saint-Flour. Le sommet du volcan est à 1 855 mètres, une altitude presque similaire au point culminant du massif central, le Puy de Sancy. L’endroit est assez sauvage, très peu urbanisé. "Nous sommes en moyenne montagne ; ce ne sont pas des reliefs très spectaculaires mais en même temps, ce sont des zones assez sauvages où il y a très peu d’agriculture, seulement des prairies. Il y a peu de pesticides et une riche biodiversité. Ce sont des îlots préservés d’Auvergne. Les passagers sont fort sensibles à cet environnement". 

Sensibiliser à la protection des oiseaux

En vol aux commandes de son ULM biplace fabriqué spécialement pour ces moments de partage, il parle du paysage à ceux qui ont la chance de s’envoler avec lui mais il évoque surtout son sujet de prédilection : les oiseaux. "J’en profite pour leur tenir un discours sur l’environnement, les espèces qui nous entourent, sur ce qui va se passer si on ne les protège. J’ai des échanges avec mes passagers et les gens sont souvent bouleversés car ils volent tout proches des oiseaux : ils peuvent presque les caresser en vol". L’émerveillement est souvent au rendez-vous. L’expérience est forte. "On a parfois eu des chasseurs qui ont arrêté de chasser parce qu’ils ont pu caresser des oiseaux en vol. confie-t-il. C’est souvent par ignorance que l’on commet des crimes. C’est un privilège de faire partager ces motions et mes convictions. Si je ne fais rien, je commence à voir ce qui se passe l’érosion de toute cette biodiversité, cela m’inquiète. J’ai besoin de voler avec les oiseaux et de faire partager ma passion pour me sentir utile, me sentir bien".

Grand ambassadeur de sa région d’adoption, les monts du Cantal, celui qui tout jeune souhaitait voler avec les oiseaux, réalise tous les matins son rêve. Bien plus, il le fait partager et l’entretient. Sa passion, sa sensibilité, son dévouement à la cause animale sont perceptibles dès qu’on l’entend. Il a trouvé son équilibre dans cette lutte. "Le chant des oiseaux agit beaucoup sur les neurones. J’ai à cœur d’avoir autour de moi des chants d’oiseaux, avoue-t-il. On a constaté que les gens ne sont pas plus heureux si on leur accorde un salaire 50 % plus important. Si on leur accorde un salaire 50 % plus important,  ils ne sont pas 50 % plus heureux. Par contre, si on augmente de 50 % la biodiversité autour de leur habitation, ils sont 50 % plus heureux".

>> du 17 au 30 décembre, les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes vont mettre au cœur de leur programmation, la protection de la montagne et ses écosystèmes beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.

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