Connaissez-vous Emmanuel Barrois, maître d'art verrier autodidacte et auteur de multiples créations sur musées? Ce Cantalou d'origine, installé en Haute-Loire, expose actuellement dans les Jardins du Palais-Royal à Paris un projet personnel : un échafaudage entièrement réalisé avec des barres de verre. Découverte de cet artiste verrier unique en son genre.
L'œuvre monumentale d'Emmanuel Barrois intitulée Réflexions, exposée dans les Jardins du Palais-Royal à Paris, est une ode aux bâtisseurs. L'artiste a décidé de créer cet équilibre précaire et porteur à la fois après avoir assisté au dramatique incendie de Notre-Dame de Paris. L’artiste explique : “Je ne l’ai pas fait pour ça à l’origine. Aujourd’hui, il s’avère que c’est une première mondiale. Personne n’a jamais construit une structure en verre de cette taille-là où le verre est, effectivement, porteur. Pour cela, on a travaillé avec les meilleurs ingénieurs de notre époque pour trouver les bonnes solutions. Il y a quand même 12 000 à 15 000 heures de travail. Les gens se demandent ce que c’est. Ils se disent que ça ne peut pas être du verre, cela doit être du plastique. Ça intrigue et ça pose question. C’est fait pour ça”.
L’Auvergne comme source d’inspiration
En effet, la structure intrigue les passants. “C’est un peu comme la construction de la tour Eiffel, par rapport aux formes, indique l’une d’eux. Une autre confie : “J’aime bien le reflet avec le soleil. Il y a des arcs-en-ciel. C’est magnifique. Quand il ne fait pas beau, je ne sais pas ce que ça donne mais c’est très original”. Un autre passant reste admiratif devant l'œuvre monumentale : “C’est une structure en devenir. On pourrait adapter plein de choses dessus”.
Pour comprendre le cheminement de l'artiste, revenons aux sources. Celles de l'Auvergne. C’est là où Emmanuel Barrois a découvert le travail du vitrail, un peu par hasard, dans les années 90. C'est dans l'église du hameau de Bousselargues, en Haute-Loire, que la recherche de la lumière est devenue sa quête perpétuelle. “L’église a presque 1300 ans. Elle est de 827”, précise l’artiste. Il décrit ce lieu particulier : “Ce sont des choses assez minimalistes. On a du verre blanc pour faire entrer la lumière et permettre de lire toutes les peintures. La seule baie colorée, c’est la baie d’axe où on a une croix. On a inséré des barres de verre que l’on a façonnées en prisme. À certaines heures, en fonction de la course du soleil, celui-ci tape sur ces verres et les prismes créent un arc-en-ciel qui vient se projeter sur les murs et les sols”.
En 2004, Guy Ducher, habitant de la commune et gardien de l'église, supervisait les travaux de rénovation de la chapelle. Il raconte : “ C’était agréable de faire des rénovations de chantier avec lui. Je lui ai posé la question en arrivant : ‘Est-ce que vous me reconnaissez ? Il m’a répondu : ‘Oui, bien sûr’. Ça fait chaud au cœur”. Il poursuit : “Tous ces effets de lumières, ça fait un petit cachet. C’est petit mais c’est à l’échelle de l’église”. Pour l’artiste, le verre a révélé, ici, ses pouvoirs intemporels : “Après toutes ces années à le travailler, j’en suis venu à le considérer comme de la lumière solide. Et donc, avec de la lumière, on construit”.
Un savoir-faire qui s’exporte
Les collaborations régionales comme la façade du musée Crozatier au Puy-en-Velay se multiplient. Le savoir-faire du verrier s'exporte, aujourd'hui, aux quatre coins du monde. Une succursale vient de naître à New York. Mais c'est dans l'atelier de Brioude, en Haute-Loire, que les projets prennent forme. L'équipe d'artisans travaille sur plusieurs créations à la fois, entre la conception des décors de l'Orient Express et les moulages de plaques de verre pour un musée au Bahreïn. Emmanuel Baroin indique : “Il faut imaginer un verre un peu chaotique, complètement en 3D. Il va avoir des caractéristiques, des normes et des qualités de résistance semblables au verre industriel classique mais il va être un peu chaotique, comme une surface en pierre”. Julien Delhomme, artisan verrier, ajoute : "Un certain nombre de choses sont possibles mais ce n’est toujours du premier coup que ça fonctionne. Il y a plusieurs essais. Il faut prendre le temps de chercher et de trouver des solutions".
Juste à côté, pour habiller le toit d'un bâtiment parisien, le verre devient coloré et léger comme les ailes d'une libellule. Le travail artisanal prend tout son sens. “Les panneaux qui nous intéressent sont colorés. On fait un traitement coloré jaune. Pour faire des ouvrages comme ceux-là, il faut toute la puissance de calcul des bureaux d’études et d'ingénierie. Mais la coloration jaune qu’on utilise, c’est une technique du XIIème siècle. Quand on réintroduit de l’artisanat dans l’architecture, ça humanise le projet. On le travaille à la main et ça se voit. Ça humanise le projet alors que l’architecture d’aujourd’hui est complètement industrialisée”.
Le verre n'a presque plus de secret pour Emmanuel Barrois, distingué maître d'art, en 2010, dans son domaine de verrier d'architecture. Il répond sans relâche aux sollicitations des bâtisseurs, toujours prêts à construire des ponts de lumière entre les cultures.