Pourquoi cet EHPAD du Cantal va être obligé de fermer

Une page qui se tourne. L’EHPAD de Lanobre, aux confins du Cantal et de la Corrèze, va bientôt fermer ses portes. Des problèmes de financement et de recrutement ont conduit le maire à prendre cette décision. Les 28 résidents attendent une solution de relogement.

Le 3 mars dernier, le maire et président du CCAS de Lanobre, dans le Cantal, a annoncé sa décision de fermer prochainement l’EHPAD de la commune. Un choc pour la plupart des familles des résidents. Anne-Marie Charbonnel, fille d’une résidente de 95 ans, raconte son désarroi : « Nous avons appris que l’EHPAD allait fermer par la presse. Nous n’avons pas été prévenus avant. Le conseil de vie sociale est inexistant à Lanobre. Cette décision de fermeture est très brutale. Ma mère est très perturbée, tout comme l’ensemble des résidents. Personne ne nous accompagne ». Sa mère, Anna, est pensionnaire de la maison de retraite depuis trois ans. Sa fille explique : « Je vais voir ma mère trois fois par semaine. J’ai vu le défilé d’intérimaires depuis trois ans. Je ne vois pas trop de solutions pour le moment. La maison de retraite de Bort-les-Orgues est complète, tout comme à Ydes et à Saignes. D’après son médecin traitant, je sais qu’il y a des places à Vic-sur-Cère, à au moins 100 km de chez nous, ou à Murat. Allez-y en hiver ! Ce ne sont pas des solutions ».

Un absentéisme important

Si le CCAS (Centre communal d'action sociale) de Lanobre s’est prononcé avec 8 voix pour et 1 contre en faveur de la fermeture de la maison de retraite, c’est parce que l’établissement était confronté à de graves difficultés. Pascal Lorenzo, maire sans étiquette de Lanobre, évoque la situation : « Un manque de personnel infirmier a causé des problèmes de planning. Nous étions sous inspection depuis des mois. Un audit a été mis en place et ses résultats ont été consternants. L’absentéisme dépasse parfois les 40 %. On manquait d’infirmiers et d’aides-soignants. Nous étions dans l’œil du cyclone. Nous accusions un déficit de près de 300 000 euros. De plus, la pérennité sanitaire n’était pas garantie. C’était le pénal qui nous attendait. En notre âme et conscience, après de longues discussions, 8 personnes sur 9 du CCAS ont voté cette décision de fermeture administrative définitive ». Le maire dénonce un déficit d’accompagnement de la part de l’Agence régionale de santé (ARS) et du Conseil départemental : « C’est un drame humain. Il faut penser aux résidents et au personnel. Pour les résidents, on nous a fait des promesses et aujourd’hui nous sommes bien seuls. Avec mon équipe, nous cherchons en vain des places dans les EHPAD mais il n’y en a pas. Il faut replacer les 28 résidents. Le Conseil départemental nous a fait des promesses de relogement mais rien n’est venu. J’espère trouver quelques places à Rochefort-Montagne ou à la Tour-d’Auvergne mais c’est loin de Lanobre ».

Un EHPAD déficitaire

Pascal Lorenzo affirme avoir tout mis en oeuvre pour sauver l’EHPAD de sa commune : « Tout a été fait. Je suis parti sur des investissements pour moderniser cet EHPAD parce qu’il était vieillissant. Quand j’ai été élu, son taux de remplissage était de 75 % et aujourd’hui, je le laisse à 93 %. En 2020, nous étions en excédent de 26 000 euros, en 2021, en déficit de 90 000 euros et l’année dernière, on accuse un déficit de 282 000 euros. Le poste intérim est le grand cancer des EHPAD. Des sociétés parisiennes nous facturent très fort leurs prestations ». Face aux propos du maire, Gustave Gouvéia, conseiller municipal d’opposition, fulmine. Il évoque pêle-mêle « le scandale de la fermeture », « des dysfonctionnements cachés » et « une incompétence de gestion ». Gustave Gouvéia a organisé samedi 11 mars une manifestation pour dénoncer la fermeture de l'établissement.

Il insiste : « Tous les membre du CCAS ont pris peur, en écoutant parler de sanctions pénales. Tout s’est fait dans un étonnement général. La gestion lamentable de cet établissement a conduit à la fermeture de l’EHPAD. Le maire a eu une volonté de casser le personnel pour le remplacer par des intérimaires ». Des accusations que Pascal Lorenzo balaie d’un revers de la main : « C’est fantasque » juge-t-il. 


Une situation
"critique"

L’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes explique comment elle a été informée de la situation préoccupante de l’EHPAD : « Le maire nous a interpellés depuis décembre pour nous dire qu’il fallait fermer. On ne ferme pas un établissement comme cela. On a regardé si l’on ne pouvait pas éviter la fermeture car la fermeture est un ultime recours. L’établissement avait de grosses difficultés financières. Dans un premier temps, on a demandé à un gestionnaire voisin de venir deux mois pour faire une mission d’appui. A la réception de cette mission d’appui, on s’est tous rendus compte que la situation était critique, au niveau des ressources humaines avec des recrutements très difficiles, pas de présence d’infirmière diplômée d’Etat. La prise en charge des résidents était problématique. Il y avait aussi des problèmes de circuit du médicament. Face à ce constat, tout le monde était d’accord pour envisager la fermeture ». L’ARS rappelle que ce n’est pas elle qui a pris la décision finale, mais le CCAS : « L’ARS a donné un avis consultatif et a dit qu’elle était favorable à une fermeture. Ce sont les membres du CCAS qui ont voté la fermeture. Ensuite, l’objectif était de reloger les résidents dans un rayon assez limité. Une soixantaine de places ont pu être proposées aux familles dans différents établissements. La liste a été donnée au CCAS dès le 3 mars au soir ». Contrairement aux affirmations du maire, l’ARS évoque un accompagnement des familles : « Un travailleur social du Conseil départemental a assuré des permanences mardi 7 mars et jeudi 9 mars pour accompagner les familles et les résidents, dans l’établissement ». « L’idée est de pouvoir transférer les résidents dans les jours qui viennent » souligne l’Agence régionale de santé. Le Département n’a pas la tutelle de cet EHPAD. Mais tout ce qui a trait à l’hébergement de cette maison de retraite est en lien avec le Département : il en encadre les niveaux financiers.

Des difficultés de recrutement

Bruno Faure, président (LR) du Conseil départemental du Cantal, raconte : « Cette fermeture était inéluctable. On a été informés entre Noël et le jour de l’An par le président du Conseil d’administration, le maire, des difficultés auxquelles il était confronté et de son idée de fermer l’EHPAD. Il invoquait des raisons financières, puisque le CCAS ne pouvait plus payer le loyer à la commune. Il indiquait ne pas pouvoir trouver d’infirmière, ce qui pouvait mettre en péril les résidents. Le maire voulait tout arrêter au 1er janvier. Je l’ai eu au téléphone et je lui ai demandé de tempérer. On a essayé de trouver quelqu’un en termes de gestion et de mutualisation : on a trouvé le directeur de la maison de retraite « Les Vaysses » à Mauriac. Il est intervenu pour réaliser un audit. Il a confirmé les difficultés de recrutement ». Bruno Faure ajoute : « Cette fermeture est un coup dur pour tout le monde, pour les résidents et le personnel. Changer d’établissement est anxiogène pour les familles. Pour la sécurité des résidents, il valait mieux fermer ».
Il estime que le Conseil départemental est aux côtés des résidents : « On accompagne les familles pour trouver de nouveaux établissements. Les patients qui nécessitaient des soins ont déjà été relogés. Ceux qui restent aujourd’hui ont des besoins un peu moindres ». Plus largement, Bruno Faure est conscient des difficultés des maisons de retraite en France : « Au niveau national, la situation des EHPAD est en énorme difficulté. On est face à des problématiques de remplissage, car le COVID a fait d’énormes dégâts et de pénurie de personnels. Le recours à l’intérim crée des surcoûts et met en péril les équilibres financiers ». Le président du Conseil départemental envisage une fermeture assez rapide : « Je pense que la décision de fermeture interviendra à la date du 31 mars. La décision n’est pas actée ». D’ici là, il faudra trouver une solution de relogement pour les 28 résidents de l’EHPAD de Lanobre. 

L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Auvergne-Rhône-Alpes
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité