Spécialité du Cantal, la truffade entre dans le Petit Robert avec une définition que certains digèrent mal

La truffade, spécialité du Cantal, fait son entrée parmi les 60 000 mots du dictionnaire Petit Robert 2022. Mais la définition proposée par les spécialistes de la langue française est loin de faire l’unanimité auprès des gastronomes auvergnats.

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C’est une entrée au patrimoine linguistique qui fait quelques vagues. Pour son édition 2022, le Petit Robert, célèbre dictionnaire français, a retenu comme chaque année de nouveaux mots. Au milieu des vaccinodrome, vlog, VPN, aérosolisation, Amap et autres antivaccins, les linguistes ont choisi le mot truffade. Une consécration pour ce plat originaire du Cantal et qui est un véritable pilier de la gastronomie auvergnate. Marie-Hélène Drivaud, directrice éditoriale du Petit Robert, explique : « Chaque année, on ajoute des mots liés à l’alimentation, à travers des spécialités du monde entier et également des spécialités des régions françaises. Récemment, on avait ajouté teurgoule, qui est une spécialité normande, le kouign-amann, qui est breton, le piquillo basque. On avait déjà l'aligot mais on n’avait pas la truffade donc on l’a ajoutée ».

Une entrée tardive

On pourrait s’étonner de ne voir que maintenant le mot figurer dans le dictionnaire, alors que c’est un mets emblématique. Marie-Hélène Drivaud souligne : « C’est un mot plus récent qu’aligot. Il est aussi moins répandu quand on regarde les occurrences. Je suis désolée de vous le dire, mais l’aligot est plus connu. Il y a un siècle d’écart dans les attestations. Ces mots n’ont pas la même chronologie. Il ne sont pas de la même fréquence non plus ».
 

Truffade et tartiflette, même combat

La directrice éditoriale rappelle l’étymologie de la truffade : « Le mot vient de truffe, qui est un des nombreux noms de la pomme de terre. C’est une histoire très intéressante. L’origine est un peu compliquée : cartoufle vient du suisse alémanique cartoffel qui est adapté de l’italien tartuffoli qui signifie « pomme de terre » ; cartoufle a des variantes, tartoufle, tartifle…. Ce cartoufle a aussi donné tartoufle et tartifle, qui est l’un des noms de la pomme de terre régionalement. C’est ce qui a servi à former tartiflette, qui est une création marketing à 100%. La chose existait mais ne s’appelait pas tartiflette. Donc truffade et tartiflette, même combat ».

Une définition qui passe mal

Mais là où l’histoire se complique, c’est quand on lit la définition proposée par le Petit Robert : « Préparation de pommes de terre rissolées mélangées à du cantal fondu (cuisine auvergnate) ». Cette définition passe mal auprès des spécialistes. Thierry Legouffe, président de la Confrérie de la truffade, s’en émeut : « La définition ne me convient pas du tout. Ce n’est pas du cantal fondu mais c’est de la tome fraîche de cantal. Après, on peut aussi mettre du cantal jeune pour préparer le plat, ce n’est pas le souci. Mais le vrai mélange se fait avec de la tome fraîche de cantal. Je ne vais pas vous dire que je vais leur faire un procès », sourit-il. Jean-François Fafournoux, président des Toques d’Auvergne, partage cette opinion : « La définition est peu limitée. La préparation était faite dans un buron, c’était le repas du berger. On prenait de la tome fraîche et non pas un cantal abouti. La tome est du lait caillé de vache. Il s’agissait d’un mélange sommaire et après on a rajouté de la charcuterie. De plus, « rissolées » n’est pas le terme approprié. Il faudrait dire que c’est fait dans une casserole avec un trépied, placée sur le feu. Les pommes de terre n’étaient ni sautées ni rissolées. Mais le Petit Robert n’est pas un livre de cuisine ».

Il s’agit d’une aberration !

Daniel Brugès, auteur et illustrateur, s’en étoufferait presque : « Le puriste que je suis crie au scandale en lisant la définition. Ce n’est pas tout à fait du cantal fondu, c’est de la tome de cantal, c’est-à-dire, avant que le fromage soit arrivé à maturité. La tome est ce qui ressort après que les laitiers ont travaillé le lait. Il s’agit du pré-fromage. La tome est une sorte de pâte blanche. Certains, il est vrai, préparent la truffade avec du cantal jeune, mais la vraie recette est à base de tome de cantal, le stade avant que ce soit devenu du fromage. Il y a une imprécision et je pense que d’autres personnes vont la relever. Il s’agit d’une aberration ! ». Sur Twitter, certains internautes ont relevé cette approximation. Nicolas écrit : "Tome fraîche, pas Cantal. Vous étiez si proche". 
 

Malheureusement pour ces internautes, la définition du Larousse, "Plat de pommes de terre poêlées avec des lardons, mêlées à des lamelles de tomme. (Spécialité du Cantal.)" n’est pas là non plus pour les calmer. Cette imprécision qui choque les puristes, la directrice éditoriale du Petit Robert en est consciente. Marie-Hélène Drivaud concède : « On va corriger. On a bien ce sens de tome, qui n’est pas tout à fait pareil. Les puristes dont vous parlez ont évidemment entièrement raison. On va pouvoir rectifier cette petite approximation. La tome c’est quand même du cantal, ce n’est pas une inexactitude. C’était imprécis mais pas tout à fait faux ». Ouf ! L’erreur va être réparée. Les gastronomes du Cantal peuvent être rassurés.
 

Des restaurateurs heureux malgré tout

Mais cette entrée historique au dictionnaire ravit malgré tout les spécialistes de la truffade. Parmi eux, Thierry Legouffe, président de la Confrérie de la truffade explique : « C’est bien sûr une bonne nouvelle. Il s’agit d’une reconnaissance. Cette entrée permet aux gens, lorsqu’ils viennent dans la région, de regarder dans le Petit Robert ce qu’ils ont mangé au restaurant, en espérant que chaque établissement ait la faculté de la préparer dans les meilleures conditions ». Autre défenseur ardent de la gastronomie auvergnate, Jean-François Fafournoux, président des Toques d’Auvergne, souligne : « Je suis ravi de cette entrée dans le dictionnaire. C’est une reconnaissance pour ces petites pommes de terre et ce fromage qui se baladaient dans les burons auvergnats. C’est bien. Est-ce que ça a une portée nationale ? Je pense. Internationale ? Peut-être pas ». Même son de cloche pour Daniel Brugès, auteur et illustrateur. Il a notamment écrit les « Recettes d’Auvergne » avec Christiane Valat, aux éditions De Borée : « C’est une super nouvelle car à partir d’un plat traditionnel, un mot qui vient de l’occitan, est reconnu dans la langue française. C’est bien. Il était surprenant qu’il n’y figure pas plus tôt car je crois que le mot aligot par exemple y était déjà. Il était évident qu’il y soit. C’est une injustice qui est réparée. Il s’agit d’une reconnaissance du plat et du mot, avec sa racine truffe qui est la pomme de terre dans la région auvergne. Cela va permettre de rendre ce plat encore plus connu, même à l’extérieur. Par la consultation du dictionnaire, je pense que ça apportera vraiment un plus car le Robert est l’ouvrage de référence ».

Désormais, les fans de ce mets pourraient s’emparer d’un autre combat qui concerne aussi la truffade. Certains internautes demandent que ce plat ait enfin son émoticone. Une reconnaissance bien plus large qui permettrait à la truffade d’être enfin connue à travers le monde entier.

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