Témoignage. Enfants blessés à Gaza : ce médecin leur vient en aide depuis le Cantal

Publié le Écrit par Lisa Douard
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Depuis Aurillac dans le Cantal, le docteur Hakim Klouche veille sur les enfants palestiniens malades ou blessés dans la guerre entre Israël et le Hamas. Membre de l'ONG Save Gaza's Children, il prépare les dossiers médicaux nécessaires à leur évacuation vers des pays où ils pourront être soignés.

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Le docteur Hakim Klouche fait défiler les conversations sur son téléphone portable. "Alors, Nader me dit que les temps sont durs et qu'il attend des nouvelles de son dossier médical. Oussama a une blessure à la jambe mais toujours pas de prise en charge. La maman de Tarek, cinq messages non lus : il y a une photo à la plage avec des bidons d'eau, une autre sur laquelle ils me montrent leur déménagement", décrit-il. À la liste de ses patients de la clinique d'Aurillac où il exerce, viennent s'ajouter ces noms. Ceux d'enfants palestiniens, blessés ou malades, espérant être évacués de la bande de Gaza.

Transfert vers des soins ou une thérapie

Le médecin cantalien a traité le cas de 70 d'entre eux depuis novembre dernier, pour l'ONG Save Gaza's Children. Ce collectif de soignants, avocats et autres professionnels a été créé dès le début des affrontements entre le Hamas et Israël, en octobre 2023, pour venir en aide aux enfants du territoire.

"Ma mission est de constituer leur dossier médical en vue d'un transfert vers l'Égypte. Lorsque les soins proposés sont insuffisants, on se rapproche d'autres États : France, Turquie, Émirats arabes unis, Italie... Pour qu'ils soient pris en charge à temps. Certains sont gravement blessés, d'autres ont des maladies chroniques qui nécessitent un suivi", explique Hakim Klouche. Quelques femmes sont également accompagnées par l'association. Les hommes, même blessés, restent sur place. 

J'ai toujours eu une sensibilité pour les peuples opprimés. Le conflit à Gaza existe depuis longtemps mais là, il dépasse toutes les limites... C'est insupportable.

Docteur Hakim Klouche

Membre de l'ONG Save Gaza's Children

Son aide au sein de l'ONG est précieuse : il parle français, anglais et arabe. Le chirurgien orthopédiste dresse des rapports médicaux à plusieurs milliers de kilomètres. "Tout se fait par téléphone, c'est très rare de pouvoir faire une visio car la connexion n'est pas bonne.", précise-t-il.

Des noms et des visages

Mais derrière ces 70 dossiers, ce sont des noms, des visages et une histoire que le médecin connaît presque sur le bout des doigts. "On noue des liens, on s'échange des photos. Il y a des personnes qui me marquent. J'ai eu un enfant de 3 ans, brûlé au 3e degré sur 60% de son corps. Il est décédé au bout de quelques jours. C'est ainsi que je comprends la réalité de ce qu'il se passe là-bas", s'émeut ce père de quatre enfants.  

Le docteur Hakim Klouche se souvient encore de son premier appel pour l'ONG Save Gaza's Children. "Je téléphone à une jeune femme pour avoir des nouvelles de son frère. C'était un adolescent de 14 ans, souffrant d'une maladie chronique. Il avait été transféré vers l'Égypte et on venait prendre des nouvelles. Elle m'a annoncé qu'il était mort, trois jours après son évacuation. Elle avait 22 ans et veillait seule sur ses cinq petites sœurs. Leur mère était martyre et leur père disparu. Je ne l'oublierai jamais. Vous ne pouvez pas imaginer le chagrin que l'on ressent lorsque l'on apprend qu'ils sont décédés."

Dans l'enclave palestinienne, le système de santé s'est effondré au fil des affrontements. Plusieurs hôpitaux ont été bombardés depuis le 7 octobre 2023 et sont désormais hors service. Ceux qui parviennent à fonctionner sont submergés par les patients. "Des soignants de Gaza me disent recevoir entre 250 et 300 blessés par jour dans leur établissement. Ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont. La Bétadine, par exemple, est diluée dans l'eau pour pouvoir soigner plus de personnes", raconte le docteur Klouche qui s'informe grâce à ses contacts sur place.

Quand je me sens impuissant, ce sont les Palestiniens qui me donnent du courage. Ils ont tout perdu mais continuent d'être debout et de penser à l'avenir. Je me dis que je n'ai pas le droit de rester immobile ou d'abandonner.

Docteur Hakim Klouche

Membre de l'ONG Save Gaza's Children

Appel au gouvernement français

En janvier, sept enfants palestiniens ont été transférés dans des hôpitaux parisiens. Quelques semaines plus tôt, deux enfants avaient été accueillis lors d'une première opération d'évacuation.  L'ONG Save Gaza's Children a adressé un courrier au ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères pour réclamer une plus large prise en charge des enfants blessés ou malades. Elle lui a présenté une liste de 100 patients, aucun d'entre eux n'a été accueilli à ce jour. "Il y a des dizaines de milliers de blessés. La part des pris en charge est infime. C'est difficile pour nous qui sommes mobilisés... On a du mal à comprendre, c'est au niveau des diplomaties que les transferts bloquent", ajoute le docteur Klouche. 

On fait notre possible pour que ces enfants soient évacués. Les familles s'accrochent à cet espoir. On ne peut pas tourner le dos et faire comme s'ils n'existaient pas.

Docteur Hakim Klouche

Membre de l'ONG Save Gaza's Children

Le médecin cantalien est également membre du collectif national "Blouses blanches pour Gaza" qui dispose d'une antenne à Clermont-Ferrand et à Aurillac. L'association regroupe principalement des soignants sensibles à la situation des Palestiniens et de leurs confrères de Gaza. "À chaque manifestation, nous sommes présents pour réclamer un cessez-le-feu. Nous sommes en France, le pays des Droits de l'Homme, nous avons prêté le serment d’Hippocrate... Nous ne pouvons pas rester sans rien faire. On en appelle à notre gouvernement, à l'ONU : il faut que cette violence, ces meurtres et ces bombardements s'arrêtent."

Mi-mars, l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) alertait sur le nombre d'enfants tués par la guerre à Gaza. Environ 12 300 victimes en quatre mois, soit plus qu'en quatre ans de conflits à travers le monde. Au même moment, l'agence onusienne recensait 17 000 enfants non accompagnés ou séparés sur le territoire. 

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