CLIMAT. Été 2022 : Le Rhône, la Loire, l'Ain, la Drôme et l'Ardèche à l'épreuve du réchauffement climatique

Températures extrêmes, sécheresse, incendies... Des mots qui ont fait la une des médias tout l'été. En Auvergne-Rhône-Alpes, comme ailleurs, tous les voyants sont au rouge. Et les conséquences sont désastreuses pour la biodiversité, l'économie, l'agriculture et la santé des habitants. Bilan d'un été caniculaire en chiffres et en cartes.

On parle d'un été qui a battu tous les records. On parle d'une prise de conscience généralisée. Celle qu'espèrent les scientifiques et sonneurs d'alarme depuis des décennies. Et même si les images disent tout : forêts dévastées, prairies desséchés, ruisseaux craquelés, animaux assoiffés, c'est l'heure des chiffres et des bilans.

Des preuves statistiques - si tant est qu'il en faille encore – de la vulnérabilité de notre région au réchauffement climatique. Car selon les simulations climatiques les plus récentes publiées par Météo-France et l'Insee, Auvergne-Rhône-Alpes sera dans les années qui viennent l'un des endroits de France les plus touchés par la hausse des épisodes caniculaires.

3483 hectares brûlés en Auvergne-Rhône-Alpes en 2022

Le chiffre parle de lui-même. 3482 hectares partis en fumés en 2022 contre 319 en 2021 et 2496 en 2003, la dernière sévère période de canicule enregistrée en France. Parler de record est presque un euphémisme.

Ce qui est marquant, à l'échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, c'est le déficit de précipitation

Romaric Cinotti, Météo France

France 3 Rhône-Alpes

Aucune région française n'a été épargnée, des forêts de Gironde aux landes ventées de la Bretagne. « Cet été, les conditions météorologiques étaient vraiment propices dès le départ à la propagation rapide des incendies », explique Romaric Cinotti, référent national feux de végétation à Météo-France. Par conditions météo, il faut comprendre sècheresse et augmentation des températures.

« Ce qui est marquant, à l'échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, c'est le déficit de précipitation », ajoute-t-il. Un déficit de 18% sur l'été. Et surtout, de 50% au printemps.

Le printemps, c'est la période de pousse, et s'il ne pleut pas, la végétation arrive déjà sèche au début de l'été. Les températures élevées accentuent ensuite le stress hydrique de la végétation, et elle devient un terreau très fertile à la propagation du feu

Romaric Cinotti, Météo-France

Cet été, les températures étaient 2,5°C au dessus des normales saisonnières dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Des incendies plus nombreux, mais aussi plus précoces. Dans la région, ils ont démarré en juin. « Cela n'a plus de sens de parler de saisons des feux », assure l'ingénieur météorologue. Le risque s'installe dans la durée. « Même si en AURA, les épisodes pluvieux de la mi-aout ont limité les dégâts sur la fin de l'été ».

Conséquence : l’augmentation des surfaces brûlées, comme le montre le graphique ci-dessous à l'échelle de la région.

« Avec le réchauffement climatique, les grandes évolutions, c'est que le risque est plus étendu dans le temps, plus étendu spatialement, mais aussi que les incendies sont plus intenses : avec des températures plus chaudes, les conditions sont plus propices et on fournit plus de carburant au feu, il est plus difficile à éteindre », complète Romaric Cinotti.

Avec le vent, et l'air sec, la propagation du feu est rapide car les végétaux ne peuvent même plus récupérer d'humidité dans l'air pour se soulager, c'est un cocktail explosif.

Romaric Cinotti, Météo-France

En Ardèche, par exemple, près de 1000 hectares de végétation ont brulé en une journée. C'était le 27 juillet, entre Lussas et Vogüé. 8 départs de feu -criminels- en une seule matinée et un village évacué. Dans la Drôme, début août, un incendie à Romeyer a mobilisé plus de 1000 pompiers pendant 10 jours, et malgré cela, il a dévoré 294 hectares. « A temps d'intervention égal par les équipes du SDIS, la surface déjà brûlée avant leur arrivée est beaucoup plus importante », admet Romaric Cinotti, et les surfaces brûlées au final beaucoup plus étendues, comme on peut le constater sur cette carte de France des zones les plus touchées par les incendies.

Plus intenses, plus fréquents, plus étendus et comme si cela ne suffisait pas, des incendies qui remontent vers des zones plus montagneuses. La Drôme et l'Ardèche n'ont plus le monopole. Augmentation des températures oblige, « on note très nettement une extension du risque d'incendie vers le Nord et c'est très problématique », constate Eric Dubois, adjoint au directeur territorial de l'ONF Auvergne-Rhône-Alpes.

Cet été, des zones jusque là épargnées par le phénomène sont parties en fumée, notamment en Savoie et Haute-Savoie. « Le feu se comporte différemment en terrain pentu, il progresse plus vite, les flammes atteignent les cimes plus rapidement ». S'ajoutent à ces difficultés les contraintes de terrain et la fragilité des espèces touchées, « les résineux, comme les pins, sont plus sensibles ».

Un bilan écologique catastrophique et des complications pour l'avenir. 

La disparition de la forêt dans ces endroits va engendrer d'autres problématiques, car c'est elle qui prévient par exemple le risque d'avalanche ou de chute de blocs de pierres

prévient enfin Eric Dubois.

Des cours d'eau à sec dans toute la Région, « du jamais vu »

Et malgré les pluies récentes, les risques d'incendies ne sont pas complètement levés. Les nappes phréatiques sont toujours à sec. Selon le BRGM, Bureau de Recherches Géologiques et Minières, « les niveaux des nappes sont globalement en baisse, les pluies estivales n’ont eu qu’un impact très limité sur les eaux souterraines ». Des niveaux bas à très bas sont observés sur près de la moitié du territoire et « la situation est particulièrement préoccupante au sud-est, sur le Bas-Dauphiné ».

Même constat pour les eaux de surface. « On a des baisses de débit record dans la région », assure Thomas Pelte, chef du service milieux et ressources à l'Agence de l'Eau Rhône-Méditerrannée-Corse. Sur l'ensemble de la région, au moins 40% des cours d'eau n'étaient plus visibles en juillet et aout. « C'est du jamais vu ». Un phénomène exceptionnel en proportion, mais aussi en durée.

La plupart des cours d'eau sont habitués à connaître des périodes d'assec, mais là, leur extension dans le temps fragilise les organismes, vertébrés et invertébrés

Thomas Pelte, Agence de l'Eau RMC

Pour les sauvegarder et protéger la ressource en eau, les arrêtés sécheresses pris par les préfectures ont été plus étendus cet été. Et ces vigilances sont toujours en cours dans la plupart des départements à la mi-septembre, comme le montre cette carte comparant les restrictions d'eau prises en 2021 et 2022.

« Ce que l'on a vécu cet été, c'est l’expérience concrète de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique, c'est-à-dire que cela a mis en exergue toutes les faiblesses et les problèmes à venir, comme par exemple les ruptures d'approvisionnement en eau potable ». Dans la région, plusieurs communes ont été touchées par des coupures de l'eau potable. Des répercussions de la crise climatique difficilement tolérables au XXI° siècle. Dans l'Allier, en Haute-Savoie, mais aussi dans l'Ain, à d'Arboys-en-Bugey,les habitants ont été ravitaillés par des camions-citernes, et la potabilité de l'eau du réseau a parfois pu être altérée à cause de ces coupures d'eau organisées.

De quoi se préparer et s'accoutumer aux difficultés à venir. 

Il n'y a pas de solution nouvelle, mais il va falloir intensifier nos actions, c'est une évidence 

conclue Thomas Pelte.

Une mortalité en hausse cet été...

Et si les conséquences sur la biodiversité sont évidentes, la hausse de la mortalité chez l'homme pourrait encore accélérer la prise de conscience. Selon les premières données communiquées par l'Insee, la canicule pourrait être à l'origine de 11 000 décès supplémentaires durant la période estivale, par rapport à 2019 - dernière année sans épidémie de Covid-19.

Même s'il est difficile de démêler les décès dus aux vagues de chaleur des décès liés à l'épidémie, la mortalité dans la région Auvergne-Rhône-Alpes est clairement supérieure à la normale en 2022 et "les pics de mortalité correspondent exactement aux périodes de canicule", explique Freddy Bouchet, physicien et climatologue des évènements climatiques extrêmes.

Ainsi, en juin 2022, la mortalité était déjà en augmentation de 4 % par rapport à juin 2019. Pire, en juillet 2022, le nombre de décès a bondi de 13 % par rapport à juillet 2019, comme le montre ce graphique sur l'évolution des décès entre juin et septembre.

En 2003, on estime que la vague de chaleur avait fait 15 000 morts. Ce qui fait des canicules les évènements météorologiques les plus meurtriers. "Souvent, on pense que ce sont les ouragans, ou les tempêtes... Le public n'est pas conscient de cela parce que cela se passe dans les maisons, dans les appartements, de façon discrète et il n'y a pas d'images sur nos écrans...", estime Freddy Bouchet.

Les personnes les plus touchées sont les personnes âgées et celles qui ont déjà des difficultés de santé. "Les gens ne meurent pas en général directement de la chaleur mais de l'impact de la chaleur sur les problèmes de santé qu'ils ont par ailleurs". Et ce qui aggrave le phénomène, c'est sa durée dans le temps.

En 2003 déjà, on avait remarqué que le nombre de morts augmentait chaque jour alors que les températures restaient stables, parce que les personnes qui souffrent de la chaleur fatiguent, elles ont du mal à récupérer et meurent suite à des problème de comorbidité

Freddy Bouchet, directeur de recherche au CNRS

Un phénomène qui devrait se répéter de plus en plus souvent. Selon une étude conjointe de Météo-France et de l'Insee, en 2050, un habitant sur sept sera exposé à un grand nombre de journées anormalement chaudes.  Et la région Auvergne-Rhône-Alpes fera partie des territoires les plus touchés.

Mais Freddy Bouchet tient cependant à relativiser. "Ce qui nous arrive ici, c'est très peu de choses par rapport à ce qui arrive ailleurs". A l'avenir, les pays les plus touchés par les vagues de chaleur seront l'Inde, le Pakistan et certains pays d'Afrique, "les températures seront alors à la limite du supportable par la physiologie humaine".

D'où l'urgence à s'adapter, "changer les structures des villes, les végétaliser, utiliser moins de béton", mais surtout de continuer à lutter contre le réchauffement climatique. "Changer nos façons de produire de l'énergie, de nous alimenter, aller vers la sobriété".

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