Contraints à fermer leurs restaurants à cause du confinement, plusieurs chefs étoilés de Haute-Savoie se sont à nouveau installés derrière leurs fourneaux. Ils cuisinent pour les soignants mobilisés contre l'épidémie de coronavirus.
"On a l'habitude du coup de feu. Eux y sont maintenant, il faut les soutenir !" Jean Sulpice est le premier des cinq chefs étoilés des bords du lac d'Annecy à livrer jeudi 60 plateaux repas cuisinés à la maison pour les soignants de l'hôpital local.Les grandes tables gastronomiques de Haute-Savoie, cumulant neuf étoiles au guide Michelin, ont fermé comme tous les restaurants de France le 15 mars au soir et les chefs sont rentrés chez eux. Tondre la pelouse, voir enfin sa famille, mais que faire pour être utile ? Les soignants "risquent leur vie à l'hôpital. On va leur apporter un soutien gustatif, avec l'aide de nos producteurs dont on va faire découvrir les produits", déclare Jean Sulpice, de l'Auberge du Père Bise (2 étoiles au Michelin), chez qui l'idée a germé après en avoir parlé avec des amis médecins. Et ensuite à ses "amis du bord du lac".
Pour respecter strictement le confinement, chaque chef s'est vu fixer une date et viendra livrer entrée-plat-dessert au Centre hospitalier Annecy Genevois (Change).
"Un soutien moral par la bouffe"
Le 7 avril, ce sera Yoann Conte, de la Maison Bleue à Veyrier-du-Lac (2 étoiles), qui veut apporter "un soutien moral par la bouffe, du baume au coeur". Visiteur assidu de l'hôpital pour diverses fractures au ski, l'ancien marin passé au piano connaissait déjà la "souffrance des infirmières il y a des années" et leur "dévouement", lui dont la mère était aide-soignante en dialyse.
Et puis, le coronavirus est passé par lui, le mettant à plat juste au début du confinement. Alors "y'a pas à tortiller du cul, il faut être solidaire !"
"C'est le B.A.BA. On leur doit tout. La santé, la santé, la santé", renchérit Laurent Petit, du Clos des Sens à Annecy-le-Vieux (3 étoiles), qui livrera le 9 avril notamment une réinterprétation de son chou-fleur rôti en tourte. Lui parie sur un "réveil des consciences pour manger plus intelligemment, plus local" et plus globalement pour "avoir un respect plus profond pour tous les maillons de la chaine, comme les éboueurs".
Des personnes "invisibles le reste du temps"
"C'est dans des moments comme ça qu'on pense à toutes ces personnes invisibles le reste du temps : il faut les aider maintenant et ne pas les oublier plus tard", abonde Stéphane Dattrino, de L'Esquisse à Annecy (1 étoile) où il fait en moyenne 30-35 couverts quotidiens. Là, pour le 14 avril, il lui faudra cuisiner le double et à domicile, dans son village au-dessus d'Annecy.
Pour Florian Favario, de l'Auberge de Montmin à Talloires-Montmin (1 étoile), "c'était hyper important d'avoir l'opportunité" de faire quelque chose. "Nous, on ne fait que de la cuisine. On donne du bonheur mais on ne sauve pas des vies", rappelle celui dont le père, pompier, lui avait inculqué "les valeurs d'engagement et de solidarité". Le 16 avril, certains goûteront à sa spécialité, un gâteau au chocolat "gourmand et réconfortant".