En pleine épidémie de coronavirus, la situation se tend pour la communauté musulmane confrontée à un manque de places dans les cimetières. Une problématique nationale qui touche les métropoles de Lyon et de Saint-Etienne.
Alors que le Ramadan 2020 débutera ce jeudi 23 avril, la communauté musulmane doit faire face à une triste réalité :
les morts du COVID19 s'accumulent et difficile pour de nombreuses familles de trouver une place dans un cimetière disposant d'un carré musulman.
A Lyon, on tire la sonnette d'alarme
Ce qui a compliqué les choses, c'est tout d'abord la fermeture des frontières.
"Habituellement, ce sont 80% des corps des défunts qui partent vers les pays d'origine, principalement au Maghreb, confie Kamel Kabtane, recteur à la Grande mosquée de Lyon. La fermeture des frontières à cause de l'épidémie a rendu les rapatriements difficiles".
Les demandes d'enterrements dans les cimetières de la région sont donc parties à la hausse.
Et difficile de les satisfaire. La métropole lyonnaise ne dispose habituellement que de 11 carrés musulmans dans les cimetières.
Un nombre que le recteur de la mosquée trouve déjà bien limité. Mais la situation se tend depuis plusieurs semaines : "C'est très compliqué notamment dans le département du Rhône. Le nombre de places diminue à vue d'oeil. A Lyon, il reste tout juste 100 places" déplore-t-il.
Les corps des défunts sont conservés à la morgue parfois plus de 10 jours.
Des négociations difficiles
Alors, le recteur de la Grande mosquée de Lyon cherche des solutions pour aider les familles.
Il est entré en négociations avec les mairies des communes de la métropole lyonnaise, afin de libérer des places pour de nouvelles sépultures. Une démarche qu'il avoue délicate : "Toutes les mairies contactées ont fait la sourde oreille. Vaulx-en-Velin a été la seule à trouver une solution d'urgence".
Un terrain a ainsi été dégagé pour la municipalité. Le recteur l'a visité hier, mardi. Plus de 200 tombes pourront y être installées pour répondre à la demande. Un geste de la maire Hélène Geoffroy, également salué par le président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) de Rhône-Alpes.
A Saint-Etienne, pas de panique
A Saint-Etienne, dans la Loire, on arrive à faire face à la demande. Le cimetière de Côte-Chaude est le seul de la ville à disposer d'un carré musulman, ou plutôt de plusieurs îlots, soit 1500 emplacements. L'espace a été agrandi l'an dernier et des emplacements sont encore disponibles. "Des exhumations ont également lieu afin de libérer des tombes, assure Gilles Artigues, 1er adjoint au maire, en charge des activités funéraires. Un ossuaire a été créé pour le carré musulman. En libérant des places nous avons ainsi 2 ans d'avance sur la demande". Le président de la mosquée Mohammed VI de Saint-Etienne, Larbi Marchiche pense que la création de tels espaces devrait être généralisée : "Nous souhaitons obtenir la création d'un carré musulman un peu partout, dans chaque cimetière de la ville. Celui de Côte-Chaude est trop éloigné pour les familles", précise-til.
Une demande a d'ailleurs été déposée auprès des mairies de la métropole. Une pétition nationale a quant à elle, été lancée dans toutes les grandes villes de France.
Se préparer pour l'avenir
Traditionnellement, les familles rapatrient le corps de leurs défunts dans leur pays d'origine (Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie principalement). Mais les rituels semblent évoluer : "Ca se perd de retourner au "bled" (village) pour effectuer les enterrements" confesse Larbi Marchiche. De son côté, Benaissa Chana, président du CRCM, ajoute que "dans l'avenir, il faut se préparer à cela. Nous en sommes à la 5e génération et la jeunesse aujourd'hui n'a plus la même mentalité que ses grands-parents".
Une perte de tradition, une volonté de garder ses proches défunts près de soi. La demande est très forte selon nos interlocuteurs, qui déplorent un manque de places allouées à la communauté musulmane.
Un Ramadan 2020 confiné
C'est ce jeudi 23 avril que seront lancées les festivités du Ramadan 2020.
Une fête religieuse sur fonds de crise sanitaire qui risque bien évidemment de ne pas avoir la même saveur que les années précédentes.
Entre confinement, incertitudes sur la réouverture des mosquées après le 11 mai et manque de préparation, la communauté musulmane s'attend à un Ramadan inédit et perturbé cette année.
Le mot d'ordre reste le confinement.
"Les repas familiaux ne pourront bien sûr, pas avoir lieu tant que tout le monde sera restera confiné chez soi. La solidarité durant le Ramadan cette année ne pourra pas s'exprimer correctement, notamment avec la distribution de nourriture dans les mosquées qui ne pour pas s'organiser avec ces conditions particulères de sécurité. On est pas préparés", déplore Kamel Kabtane, recteur de la Grande moquée de Lyon.