Protéger les sans-abri, organiser une « conciergerie solidaire » pour porter des vivres ou des médicaments aux personnes âgées et fragiles en Auvergne Rhône-Alpes, la Croix-Rouge Française doit s'adapter pendant le confinement lié à l'épidémie de coronavirus Covid 19.
Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, la Croix-Rouge est une force de frappe qui regroupe 5200 bénévoles et 4000 salariés. Elle gère 70 établissements sanitaires, médico-sociaux et de formation pour des actions quotidiennes auprès de différents publics, un volet social peut-être moins connu du grand public que son autre grande vocation : le secourisme. Dans la lutte engagée actuellement contre la propagation du coronavirus Covid 19, toutes ces équipes sont sur le pont.
9 centres de « desserrement » vont ouvrir dans la région
À la demande des autorités préfectorales et sanitaires, la Croix-Rouge est actuellement mobilisée sur 9 projets de « centres de desserrement » pour protéger les personnes sans domicile et les personnes suivies par les structures sociales. « Il s’agit de desserrer la pression autour des hôpitaux », précise Marie-Catherine Roquette, directrice de la Croix-Rouge Auvergne-Rhône-Alpes. Dès la semaine prochaine, les premières structures de ce type s’apprêtent à ouvrir dans le Rhône, l’Ain, l’Isère et la Haute-Loire. Ces centres auront pour mission de prendre en charge et d’héberger des personnes à la rue, des migrants, des personnes suivies socialement, qui seraient atteintes par l’épidémie avec des symptômes sans gravité pour les protéger et éviter la propagation du virus.
En Haute-Loire, la Croix-Rouge a dores et déjà fourni deux tentes sanitaires, des couvertures et des duvets pour mettre en place, vendredi 20 mars, un centre d’hébergement d’urgence en partenariat avec l’association « Trait d’Union », en attendant une solution plus pérenne.
Un centre de consultation Covid
L’antenne de Haute-Loire de la Croix-Rouge travaille aussi sur un projet pilote : un centre de consultation Covid qui devrait ouvrir dès le milieu de la semaine prochaine dans un gymnase (pour l’instant, nous ne pouvons pas donner le nom de la commune où ce centre sera mis en place). Le Docteur Serge Piroux explique de quoi il s’agit : « Nous avons déjà testé cette organisation lors de la grippe H1N1 en 2009-2010 en collaboration avec l’Agence Régionale de Santé, l’hôpital du Puy-en-Velay et l’Ordre des Médecins. L’idée, c’est de soulager la médecine libérale et de regrouper les consultations dans un lieu unique ».Le centre, destiné aux habitants de cette zone de soins (plusieurs communes rurales) accueillera donc d’éventuels malades du coronavirus. Des bénévoles de la Croix-Rouge, protégés par des masques, charlottes et sur-blouses, se chargeront de collecter les renseignements administratifs avant d’accompagner les patients vers une infirmière pour prendre leur température et les interroger sur leurs antécédents médicaux. Ensuite, toujours au même endroit, un médecin fera une consultation et établira un diagnostic puis les patients trouveront sur place une pharmacie avant d’être invités à rentrer chez eux s’ils ne présentent pas de signes graves. Après, ils seront suivis par télé-consultation
« C’est le système de la marguerite », précise le Docteur Piroux, « un cœur central et des poches de consultation tout autour ». « Les gendarmes organiseront l’arrivée et le passage des personnes, cela permettra à un médecin de traiter six patients chaque heure, deux à trois fois plus qu’habituellement. Et les cabinets libéraux pourront continuer de soigner les autres pathologies tout en limitant le risque de propagation du Covid ». L’expérience altiligérienne devrait être reproduite à Montauban en Occitanie et d’autres centres identiques pourraient fleurir rapidement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes
« Bénévoles d’un jour »
Présente sur tous les fronts, la Croix-Rouge se préoccupe néanmoins de protéger ses bénévoles et ses salariés. Ainsi, tous les bénévoles fragiles et âgés de plus de 70 ans ont été mis à l’écart (ils sont assez nombreux pour le volet action sociale de l’organisation). Alors elle lance un appel aux bonnes volontés.« Nous avons mis en place l’opération "Bénévoles d’un jour" notamment pour notre conciergerie solidaire. Il s’agit d’aller porter des vivres et des médicaments auprès de personnes âgées ou isolées, qui n’ont pas d’autre recours », explique Marie-Catherine Roquette. « Il n’y a pas de profil particulier et bien évidemment nous protégerons nos équipes contre le virus ». « Un numéro vert d’appel gratuit (09 70 28 30 00) a été mis en place à la fois pour offrir une écoute aux personnes isolées, s’inscrire pour bénéficier de notre conciergerie solidaire et venir proposer ses services dans le cadre de ce bénévolat d’un jour », ajoute la directrice pour Auvergne-Rhône-Alpes.
Sur le plan médical, le Docteur Serge Piroux, lui, s’adresse en particulier aux professionnels de santé qui ne peuvent plus exercer actuellement (dentistes, kinés par exemple) et aux étudiants, « Nous avons besoin d’ASH, d’infirmiers, de médecins en retraite… Ces personnels connaissent les règles sanitaires et nous seront précieux pour nos centres de consultation ».
Le président de l’antenne Haute-Loire le reconnaît : les bras manquent dans le contexte actuel. « Pour l’instant, nous n’avons pas assez de bénévoles pour assurer le portage de colis et de médicaments au domicile de ceux qui en ont besoin », dit Philippe Monatte.
Au plan national, la Croix-Rouge, lance également un appel aux dons pour soutenir son action et ses équipes.
Continuer les missions habituelles tant bien que mal
D’autant que ses missions courantes continuent, tant bien que mal. La Croix-Rouge gère par exemple un certain nombre de structures pour les enfants et les adultes atteints de handicaps ou de troubles psychiques et assure des suivis à domicile. En Haute-Loire, Nathalie Crouzet est responsable du handicap et de l’exclusion à l’antenne départementale. « Notre Institut Médico Educatif accueille 70 enfants sur plusieurs sites et nous avons aussi une cinquantaine d’enfants en situation de handicap suivis à domicile. Nous avons demandé aux familles de venir chercher leurs enfants et nous continuons à faire un suivi par téléphone en limitant les déplacements. Il en va de même pour une cinquantaine d’adultes handicapés suivis à leur domicile ». Elle poursuit : « Un portage de repas à domicile est proposé avec les tuteurs, nous avons aussi dû suspendre notre Groupe d’Entraide Mutuelle qui accompagne des personnes atteintes de troubles psychiques, mais nous restons disponibles et prêts à intervenir si besoin. Un médecin psychiatre est aussi à disposition de notre public pour faire des consultations et réajuster des traitements par téléphone ».Enfin, comme au plan national, les équipes de la Croix-Rouge se tiennent prêtes à intervenir en renfort à la demande des autorités pour transporter des malades dans les hôpitaux ou renforcer les services d’urgence selon les besoins.
On l’aura compris, dans cette crise du Covid 19, la Croix-Rouge, habituée à gérer les catastrophes dans le monde entier, est aux avant-postes. Elle a besoin qu’on la soutienne et, comme l’ensemble des personnels soignants, elle en appelle au sens civique de chacun d’entre nous en respectant scrupuleusement les mesures barrière.