Paradoxe des temps actuels... Alors que les hommes se protègent du Covid-19, le vacarme des voitures n'étouffe plus le chant des oiseaux. Le confinement pourrait-il être bénéfique à certaines espèces ? Oui, dans une certaine mesure, selon la LPO Auvergne. Explications.
Alors que l'Europe a perdu plus de 420 millions d'oiseaux en 30 ans, selon une étude du journal scientifique Ecology Letters qui date déjà de 2014, voilà que la nature semble reprendre - provisoirement - ses droits. Cette pause dans les activités humaines pourrait-elle être bénéfique à certaines espèces ? Oui, dans une certaine mesure, selon Jean-Christophe Gigault, directeur de la LPO Auvergne.
Tout d'abord, "pour les oiseaux d'eau comme le canard colvert, qui est déjà en train de se reproduire. Les femelles font leur nid au bord des étangs dans les zones embroussaillées à l'abri des prédateurs. Quand arrivent des promeneurs avec un chien non tenu en laisse ou un pêcheur, cela génère un dérangement involontaire qui peut amener à l'abandon de la nichée", explique le responsable de la Ligue pour la Protection des Oiseaux.
"En avril, on a aussi beaucoup d'oiseaux migrateurs qui s'arrêtent dans les zones humides en Auvergne. Ils seront moins dérangés durant cette phase de repos et d'alimentation avant de gagner les zones de reproduction en Europe du Nord, voire vers le cercle polaire. Ce sont des oiseaux qui nichent plus tard que chez nous", détaille-t-il.
Entre calme réel et fausse tranquillité
Autre exemple, les rapaces. "La buse variable, l'autour des palombes, l'aigle botté, le milan noir sont des oiseaux forestiers qui font leur nid dans des grands arbres, souvent à 10 mètres du sol. Quand on se balade en forêt, on ne voit même pas qu'on les dérange. Or la recherche de champignons ou la cueillette du muguet se fait souvent en famille. Si l'on s'attarde, cela peut provoquer l'envol de la femelle. Lorsqu'elle ne revient pas, les oeufs vont se refroidir et la nichée sera perdue", précise encore Jean-Christophe Gigault.A l'inverse, le calme provisoire pourrait tromper certaines espèces, surprises ensuite par la levée du confinement. "Dans les parcs urbains, les merles, les chardonnerets, les rouges-gorges vont choisir pour nicher des endroits de tranquillité qui n'en sont pas vraiment et lorsqu'on rouvrira les vannes de la circulation, cela peut provoquer l'échec de la reproduction", observe le directeur de la LPO Auvergne. Avant de relativiser : "on ne peut pas préconiser non plus le confinement jusqu'en juillet pour que le cycle biologique puisse se faire tranquillement".
Certaines missions continuent
Comme beaucoup d'autres structures, la LPO Auvergne a mis en application les mesures de confinement. Sur une vingtaine de salariés, seul un quart environ assure encore des missions de terrain. Le centre de soins à Clermont-Ferrand est fermé au public et n'accueille plus les oiseaux blessés laissés d'ordinaire par les particuliers. En revanche, un soigneur s'occupe toujours de la quarantaine de pensionnaires à plumes déjà présents. Et d'autres missions ne peuvent être repoussées, comme des études sur certains groupes d'espèces."Par exemple, sur le milan royal, on a un programme de sauvegarde depuis plus de 10 ans et à cette époque, on fait le suivi en zone test pour vérifier que les couples sont bien là, que la femelle couve. On observe avec une longue vue, il ne faut pas de feuille dans les arbres. Si on attend, on ne pourra plus le faire en mai ou juin et on va perdre un an de suivi", relate Jean-Christophe Gigault.
Cette parenthèse dans l'effervescence des activités humaines pourrait-elle infléchir l'alarmante disparition des oiseaux ? "Ca reste anecdotique", concède Jean-Christophe Gigault. "Ca va durer une partie de la saison de reproduction et ça ne résout pas les problématiques liées à la transformation des milieux naturels, à la disparition des insectes dont ils se nourrissent, aux pratiques culturales. Les effectifs d'hirondelles ou d'alouettes ont baissé de 40 à 50 %. Pour ces oiseaux, le confinement, c'est anecdotique".