Le scorbut fait son retour en France et plus largement dans l’ensemble des pays industrialisés. Historiquement connue comme la peste du marin, cette maladie liée à un manque de vitamine C et souvent associée à une dénutrition touche aujourd’hui les personnes âgées, les adultes et surtout les bébés et les enfants.
Au service pédiatrique du CHU de Montpellier, le docteur Barthelet à identifié plus de 60 cas de scorbut entre 2014 et 2021.
C'est pas commun pour un médecin, devant certains symptômes, de penser au scorbut. C'est une maladie avec des signes très peu spécifiques. Douleurs articulaires, fatigue, sécheresse de la peau, un aspect particulier de la pilosité... C'est difficile à repérer.
Julie Barthelet, médecin aux Urgences pédiatriques du CHU de Montpellier.
En France, le nombre de cas de scorbut est passé de 8,2 pour 100.000 enfants en 2016 à 26,7 en 2020. Un record !
Et depuis l'épidémie de Covid et les crises socio-économiques, la réémergence du scorbut est réelle, accentuée en 2023 par l’inflation des prix alimentaires. Les chercheurs de l'Inserm ont montré récemment que l’augmentation significative des cas de scorbut et de malnutrition sévère était parallèle à une aggravation de la précarité et une hausse de l’inflation (+15% au début de l’année 2023).
Le scorbut, une pathologie devenue rare
Pour la plupart des médecins, cette maladie n’existait plus en France. Car pour la développer, il ne faut manger aucun fruit et légume pendant au moins deux ou trois mois. Le niveau de vitamine C dans l’organisme s’effondre et la carence sévère en acide ascorbique entraîne des ecchymoses, des problèmes aux gencives et aux dents, un dessèchement des cheveux et de la peau, et de l'anémie. Dans les cas très graves, on peut en mourir.
"Il faut penser à demander si le patient, notamment les enfants, mange des fruits et légumes. Si les parents disent "il mange que des crèmes desserts, que des pâtes et des pommes de terre", et on en a, c'est le scorbut" explique Eric Jeziorski, chef du service pédiatrie générale, infectiologie, immunologie au CHU de Montpellier.
La maladie était très présente entre 1600 et 1800, lors des grandes famines ou durant les guerres. Mais depuis le XXe siècle, elle était rare dans les pays d'Europe.
Des cas en hausse depuis 2020
Aujourd’hui, la maladie touche toutes les générations. Manque d'argent, de connaissance en diététique, mais aussi addiction à la nourriture industrielle, les raisons des déséquilibres nutritionnels sont multiples et peuvent avoir des conséquences fatales.
888 enfants ont été hospitalisés pour scorbut entre janvier 2015 et novembre 2023, en se basant sur les chiffres du Programme de médicalisation des systèmes d'information, qui regroupe des données sur l'ensemble des hospitalisations en France, analysent nos confrères de Franceinfo. Mais le phénomène prend de l'ampleur : 60% des cas (soit 536) ont été recensés entre avril 2020 et novembre 2023. Le nombre d'hospitalisations de mineurs augmente en outre de près de 2% par mois depuis mars 2020, contre 0,05% par mois en moyenne auparavant.
Sans compter les cas pas suffisamment graves pour déclencher une hospitalisation et qui passent donc sous les radars.
Mais diagnostiqué, le scorbut se soigne facilement.
En deux ou trois jours de supplémentation en vitamine C, à la bonne dose, on assiste à des récupérations quasi complètes sur des enfants qui avaient des troubles de la marche ou des douleurs articulaires par exemple.
Julie Barthelet, médecin aux Urgences pédiatriques du CHU de Montpellier.
Alors n’oubliez pas, notre corps a besoin régulièrement des fruits et des légumes pour un bon fonctionnement. Pour rappel, les aliments riches en vitamine C sont : le kiwi, le litchi, la mangue, la papaye, la pêche, la fraise, les agrumes, le persil, le chou frisé, le poivron, le brocoli, le chou vert, le chou de Bruxelles… N'hésitez pas à en manger et à varier votre alimentation.