Coronavirus COVID 19. Désinfecter les rues : est-ce vraiment efficace ?

Faut-il désinfecter les rues pour combattre le coronavirus COVID 19 ? Sans certitude sur son efficacité, cette mesure peut aussi être aussi nocive pour l'environnement et les personnes. Les communes avancent en ordre dispersé. Qu’en disent les experts ?
 

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Les images des rues de Wuhan, épicentre de l’épidémie, objet d’un grand lessivage ont fait le tour du monde… jusqu’à donner des idées à certaines communes d’Auvergne-Rhône-Alpes. Au Puy-en-Velay en Haute-Loire par exemple, régulièrement le matin, la ville est désinfectée avec un produit pulvérisé sur les trottoirs et le mobilier urbain. Un dispositif pour lutter contre la propagation du virus. « Ca ne peut pas faire de mal et il y a une vertu pédagogique », assure Michel Chapuis, maire UDI, du Puy-en-Velay, en insistant sur le « principe de précaution ».
 
 

Quel intérêt pour limiter la propagation du virus ?

A l’heure actuelle, il subsiste un doute sur la contagiosité des surfaces. Si l’on sait que le COVID 19 reste présent sur les surfaces inertes, on ne connaît pas la durée pendant laquelle il demeure contagieux sur ces surfaces.  Les spécialistes s’accordent à dire que le virus n’est plus actif au bout de quelques heures. Par ailleurs, en raison du confinement, la charge virale dans l’environnement est considérée comme négligeable par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.
               
                « L’aspersion des espaces publics avec de l’eau de Javel ou un autre désinfectant n'est pas recommandé à ce jour » estime l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes. L’agence régionale de santé préconise de continuer le nettoyage des rues avec le matériel et les équipements de protection habituels. Pour la population, les mesures d’hygiène habituelles : se déchausser en arrivant chez soi et se laver les mains avec du savon.

            D’autant que le principal mode de transmission se fait d’homme à homme quand une personne tousse ou éternue via les gouttelettes projetées rappelle le ministère de la santé. Sur son site internet il est expliqué « On considère donc qu’un contact étroit avec une personne malade est nécessaire pour transmettre la maladie : même lieu de vie, contact direct à moins d’un mètre lors d’une discussion, d’une toux, d’un éternuement ou en l’absence de mesures de protection. Un des autres vecteurs privilégiés de la transmission du virus est le contact des mains non lavées souillées par des gouttelettes. »

La principale  chose à faire pour se protéger du Covid-19 reste donc d’appliquer les gestes barrière !

 


 

Quid des exemples chinois et coréens ?

Pas de grand nettoyage généralisé donc, chacun fait comme il veut et juge du bon sens ou non de désinfecter l’espace public. C’est justement ce flou que regrette France Urbaine qui regroupe les grandes villes et les métropoles. L’association réclame une position nationale sur le sujet. « La désinfection de l’espace public est-elle efficace d’un point de vue sanitaire ? » a-t-elle demandé aux autorités, en s’interrogeant sur les conditions techniques et les risques pour l’environnement.

Pour y voir plus clair, le Haut Conseil de la santé a lancé une étude comparative sur les pratiques déployées dans d'autres pays, notamment en Chine et en Corée du sud. « En s'appuyant sur ce comparatif et sur les connaissances à ce jour sur le COVID-19, des recommandations seront publiées pour indiquer si la mise en œuvre d'un nettoyage et/ou d'une désinfection de tout ou partie de l'espace public serait opportune » précise l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.
 

Quelles conséquences pour l’environnement ?

Les associations de défense de l’environnement alertent : un grand lessivage à l’eau de javel pourrait être préjudiciable à l’environnement. L’eau de javel ou tout autre produit désinfectant pulvérisé dans les rues se retrouve dans les réseaux qui la dirigent soit vers les stations d’épuration soit directement vers les cours d’eau. L’eau de javel étant un puissant biocide, une utilisation massive pourrait engendrer une pollution importante.
              
 « Dans les stations d’épuration, cela pourrait entraîner des altération du rendement » explique Marc Saumureau, président de la fédération de la région auvergne pour la nature et l’environnement (FRANE) et pilote du réseau eau et milieux aquatiques pour France Nature Environnement. « Quand les réseaux finissent directement dans les cours d’eau, on peut craindre une pollution qui mettra en danger les écosystèmes avec une mortalité piscicole et  une destruction de la faune et de la flore. » Passer les rues à l’eau de Javel pourrait même constituer un délit de pollution des milieux aquatiques au regard de la loi sur l’environnement estiment les associations.

A terme, c’est toute la chaîne de l’eau qui pourrait en pâtir et donc l’Homme aussi. Pour Marc Saumureau, « Il ne faut pas mettre un bulldozer pour écraser une fourmi ! » En clair, ne pas prendre de mesures radicales qui n’ont pas prouvé leur efficacité et qui risquent d’avoir de graves répercussions « sur toute la chaîne économique pas seulement écologique. » Une pollution à grande échelle pourrait altérer la qualité de l’eau potable ou empêcher l’irrigation des cultures par exemple.

Dans ce contexte, les associations de défense  de l’environnement demandent aux collectivités locales d’être vigilantes et de ne pas faire n’importe quoi. « A la limite, on pourrait réfléchir à des traitements localisés autour de lieux très précis comme les hôpitaux mais pas à l’échelle d’une ville ! » tempère Marc Saumureau.
 

Quelle est la position des grandes métropoles d’Auvergne-Rhône-Alpes ?

En Auvergne-Rhône-Alpes, la plupart des grandes villes ont choisi de ne pas désinfecter leurs rues, arguant qu’en plus du manque de preuve d’efficacité, les rues sont quasi désertes en ces temps de confinement. Pour le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, la ville "se conformera aux préconisations de la DGS [Direction Générale de la Santé]".

La métropole Clermont Auvergne est sur la même ligne. Olivier Bianchi (PS), président de Clermont Auvergne Métropole, estime que « Cette mesure est plus psychologique, pour donner le sentiment d’une prise au sérieux de la situation. Les habitants de la métropole, sont assez intelligents. Ils n’ont pas besoin de cocooning psychologique ! ». C’est d’ailleurs autant pour le côté rassurant que pour lutter contre le virus que la commune de Brassac-les-Mines, 3 300 habitants dans le Puy-de-Dôme pulvérise chaque soir dans ses rues un produit à base d’eau de javel utilisé habituellement pour la désinfection des poubelles. "On ne sait pas si c'est efficace contre le coronavirus, mais dans le doute, c'est rassurant", confiait l'adjointe aux finances Gaëlle Mahoudeaux.
               
A la métropole de Lyon, si un tel dispositif paraît pour l’heure démesuré, on voudrait "une consigne nationale s'appuyant sur une base scientifique étayée", dit un porte-parole, pointant des produits "qui au mieux se retrouvent dans les stations d'épuration, au pire, dans les fleuves".
 
 
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