Coronavirus : en Italie, les vacances d’août remises en cause par les patrons piémontais après le "tsunami" économique

Le patron des patrons des industriels piémontais vient d’appeler à remettre en cause les "sacro-saintes" vacances de "ferragosto"(vers le 15 août) pour remettre en route l’économie post-Covid.

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"Ne pas fermer en août serait un signe encourageant en vue de la reprise des commandes dans l’industrie manufacturière", a déclaré ce vendredi 12 août 2020, Fabio Ravanelli, le patron de la Confindustria (Medef) piémontais. Une déclaration qui ne manquera certainement pas d’être commentée dans les jours à venir, mais qui se fonde sur une donnée incontestée : le Piémont a davantage été impacté que le reste du nord industriel italien par la crise du Covid.

"Dans le Piémont, l’interruption des activités due au confinement a touché 60% de nos industries manufacturières, (contre 54 % pour le reste de l’Italie). C’est un véritable tsunami qui nous a frappé ! comme le confirme une enquête que nous avons diligentée et publiée à la mi-avril."

 

Tsunami made in Piemonte


Moins 20 milliards d’euros de bénéfice pour les entreprises piémontaises ! Les études se suivent et se ressemblent sur le bureau turinois du patron des patrons. 20 milliards, c’est également la perte sur laquelle table une autre enquête menée par l’association des communes italiennes (ANCI), dont 10 milliards au passage pour le secteur baptisé dans la capitale de l’automobile italienne "Automotiv" (la fabrication d’automobile et ses sous-traitants qui sont légions à Turin).

"Le Piémont, comme le nord-ouest italien, est historiquement connu pour les excellents résultats à l’export de son industrie manufacturière. Avant le Covid, ce secteur d’activité était très lié au marché allemand. Et en mars, celui-ci a chuté de 74%, alors vous imaginez les répercussions pour nous ? En revanche, même si le marché français a chuté d’environ 4% sur la même période, il reste la première destination des exportations piémontaises" souligne Fabio Ravanelli.

"Dans cette crise, si le Piémont s’en sort globalement moins bien que les autres régions du nord italien, c’est à cause du poids encore important de son grand nombre d’entreprises liées au secteur automobile" ajoute Federico Bellono, secrétaire du syndicat CGIL pour la ville de Turin. "Au mois de mars, une grande partie des quelques 70 à 80 000 piémontais qui travaillent pour la Fiat et les entreprises du secteur, a dû être mis en "cassa integrazione", (appelée en Italie CIG, une sorte de chômage technique). Tous secteurs d’activités confondus, c’est même la moitié des emplois du secteur privé de l’aire métropolitaine turinoise qui a bénéficié de la CIG, ou des autres formes de soutien mises en place par le gouvernement central : une caisse exceptionnelle d’allocation des sinistrés du Covid. Une première !" précise Federico Bellono.
 

Un demi-million de véhicules non-vendus en Europe : une sacrée épine dans le talon du Piémont


L’une des nombreuses premières que le Covid-19 nous aura fait endurer, aurait tendance à ajouter Gabriele Orsucci, maintenant que les 3 coups de semonce de l’épidémie (mars, avril et mai) sont derrière lui. "500 000 véhicules bloqués sur les parkings des vendeurs de voiture de l’Europe entière, qui aurait pu croire cela possible au mois de janvier dernier ?" se questionne le patron de "Spesso gaskets" une PMI de 70 personnes basée à Turin, au 133 de la strada del Francese (du français).

Mais de France, justement, d’Allemagne ou même du grand frère italien FCA (Fiat Chrysler Auto)… rien à l’horizon : pas de commandes. "L’ennui pour nous, c’est que plus de la moitié de notre production de garnitures est destinée à la construction de voitures neuves. Alors, quand les concessions sont fermées partout, on en subit immédiatement les conséquences. C’est pourquoi, lorsque l’on nous a donné l’autorisation de remettre en route nos lignes de productions, en avril, on a repris uniquement la main-d’œuvre sur les lignes de pièces de rechange."

Déboussolé le patron. Par la rapidité du tsunami économique et son onde de choc. Et encore, Gabriele s’estime-t-il heureux : "Pour supporter les charges et les différents coûts liés à l’arrêt de la production, heureusement que l’on sortait de plusieurs bonnes années. Etant bien noté par les agences de notation, l’entreprise a pu emprunter à des taux raisonnables auprès des banques. C’est loin d’être le cas pour la majorité des entreprises du secteur. Et s’il avait fallu attendre l’argent annoncé par notre gouvernement et dont on n’a pas encore vu la couleur, je serais beaucoup moins optimiste ! Cela dit, on vit au jour le jour quand même, on navigue à vue."

           

L’Etat italien ne répond pas…allo, l’Europe ?


Cette petite "pique" adressée à son gouvernement, Gabriele sait bien qu’il est loin d’être le seul chef d’entreprise à ne pas l’envoyer dire par un autre. Nombreux sont les chefs d’entreprises qui ont été déçus par les effets d’annonce restés lettres mortes. "On nous a dit au mois de mars : dans vos entreprises faites le maximum pour mettre en sécurité votre personnel. L’Etat italien vous aidera. Alors, on a investi : distanciation sociale, en mettant deux personnes sur une ligne au lieu de cinq, gants, gel hydro-alcoolique, plexiglas… et aujourd’hui, en mai, on apprend que d’après une étude, seul un 1% des demandes de remboursement faites à l’Etat ont été payées réellement aux entreprises !"

A Etat national défaillant, Europe bienveillante ? Depuis que l’Italie a été laissée seule, ou presque face à l’épineuse question des migrants, l’ex pays le plus europhile du vieux continent est devenu pour le moins frileux vis-à-vis de l’UE.

"Les fonds européens doivent privilégier l’investissement dans les grands projets structurants en allégeant ses contraintes réglementaires. La construction du  TGV Lyon-Turin par exemple est encore plus nécessaire à présent, qu’elle l’était déjà au 1er janvier dernier" explique le patron des patrons piémontais. "Et puis, il faut absolument que l’Europe travaille et protège mieux le made in Europe", conclut-il.

En attendant les rêves de main tendue de l’état et de dérèglementation des entrepreneurs piémontais, la commission européenne a déjà fait de l’Italie le principal bénéficiaire de son plan de relance de 750 milliards d’euros, en lui accordant 173 milliards.

 

Les italiens privés de vacances en août ?


Pas si mal pour redorer le blason terni d’une solidarité européenne souvent prise à défaut… mais cela ne sera certainement pas suffisant pour sauver les vacances de ferragosto des piémontais… et peut-être des italiens dans leur ensemble. Car Fabio Ravanelli, n’hésite pas à enfoncer le clou : "l’Istat, l’institut des statistiques italien, estime pour l’instant que le produit intérieur lourd de l’Italie devrait se contracter d’environ 8,3% cette année. Ce serait incontestablement un signe encourageant pour tout le monde économique italien que les usines ne ferment pas en août. Et cela signifierait que le rebond tant attendu du retour des commandes se vérifie déjà."

Une proposition à laquelle se sont aussitôt ralliés plusieurs grands patrons italiens. Du sud du pays, notamment. "Le mieux serait de conclure un accord national" expliquait, jeudi 11 juin,à un confrère du quotidien économique "il Sole 24 ore", Marco Zigon, le président d’une multinationale basée à Caserte, dans la région de Naples.

"Si l’on s’entendait entre patrons et syndicats pour trouver le moyen de reporter les congés d’août à un autre moment de l’année, cela nous permettrait peut-être de récupérer une bonne partie des volumes de production perdus pendant les 3 mois de confinement. C’est pourquoi, on a le devoir d’essayer. En plus, ce serait une bonne chose pour aligner enfin le système de vacances de notre pays avec ceux des autres économies globalisées."

Alors, tout le monde au travail en août ? Un sacré pavé dans la mare pour qui a déjà eu à traverser les grandes villes italiennes aux alentours du 15 août. "C’est davantage une position politique que réaliste", conteste Federico Bellono de son bureau de la CGT italienne (CGIL) à Turin.

"D’abord, parce qu’à chaque fois que l’on nous a demandé de travailler plus ou de décaler nos congés pour faire face à des accroissements de commandes, on a toujours réussi à trouver des solutions avec le patronat en discutant ensemble. Mais en ce moment, je crois que les patrons italiens s’illusionnent un peu sur le redémarrage. Nous sommes toujours en situation d’urgence. Les carnets de commandes sont encore vides ou pas très pleins… alors, pourquoi sacrifier la tradition des vacances au mois d’août ?"

Le débat est ouvert… au moins jusqu’à la fin juillet chez nos voisins. Rendez-vous au 1er août : sur les plages… ou à l’usine ?

 

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