Les pharmaciens d'Auvergne-Rhône Alpes vont adresser cette semaine une lettre au président de la République. Très sollicités pour distribuer les masques, accueillir les femmes battues, fabriquer du gel hydro-alcoolique, ils se sentent les mal-aimés du système de santé.
"En colère mais volontaires" c'est l'état d'esprit des pharmaciens d'Auvergne Rhône Alpes qui vont adresser une lettre cette semaine au Président de la République Emmanuel Macron. Une initiative du syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie (FSPF) qui a va être co-signée par l'ensemble des syndicats départementaux.
"Des professionnels de seconde zone"
Véronique Nouri, présidente du syndicat du Rhône, est elle aussi très remontée. "On a le sentiment d'être des professionnels de santé de seconde zone"(...)Depuis le début de l'épidémie, on dit oui à tout : distribution des masques, accueil des femmes battues, fabrication de gel hydro alcoolique, et on maintient des horaires d'ouverture, on continue de conseiller les patients, on subit la montée des tensions... mais on a aucune reconnaissance.
Un sentiment de coupe pleine à ras bord, d'autant que jusqu'à l'allocution du Président le lundi 13 avril, les pharmaciens avaient été les grands oubliés des remerciements élyséens. "Ca faisait mal" confie une pharmacienne du 3eme arrondissement de Lyon, "alors qu'on est la seule profession médicale à ne pas avoir réduit la voilure dans l'accueil du public".
Le flop de la gestion des masques
Des griefs, cette quinquagénaire en a à la pelle, mais le plus énervant pour elle, c'est la gestion des masques. Dans son officine, elle reçoit, comme ses confrères, des masques destinés aux médecins, infirmières et autres kinés. Mais de façon aléatoire et sans connaître la date de la prochaine livraison. Et tous les soirs, elle doit remplir un tableau de vente de ces produits sur le site la sécurité sociale.Des textes parfois ... ubuesques. Des masques, il en a pour les pharmaciens pour leur usage professionnel, mais par pour leurs collègues préparateurs en pharmacie, alors dans les officines, "on se les partage". Pas de masques prévus non plus pour les patients fragiles à qui les médecins en prescrivent "Ces ordonnances, on n'a tout simplement pas le droit de les honorer".
Des masques en tissus vendus dans la rue mais pas les pharmacies
Et puis il y a les décrets qui changent, 4 fois depuis le début concernant les masques. Normalement, les aides à domicile devraient bientôt pouvoir être servies, mais quand ? Et pour le grand public rien, même pas l'autorisation de vendre des masques en tissus, pourtant proposé par des fournisseurs "sérieux".Un comble quand on sait qu'à Lyon, à quelques centaines de mètre de là, un vendeur de journaux en propose à 8,90€ la pièce, sans garantie de qualité ou de provenance. Pour que les pharmaciens puissent en vendre, il suffirait d'une dérogation qui ne vient pas "pourtant ils en ont fait rapidement dans d'autres domaines" explique dépitée notre pharmacienne du 3eme arrondissement.
Indispensables mais invisibles
Cette situation génère des tensions dans les officines, où les français ont de plus en plus tendance à exprimer parfois vertement leurs frustrations, et où les femmes battues sont désormais invitées à se faire connaître. "Là aussi on a dit oui, mais on n'a pas eu de "mode d'emploi", c'est compliqué notamment quand il y a beaucoup de monde..." explique Véronique Nouri."Au final, estime-t-elle, on nous en demande toujours plus alors que quand il s'agit de faire des économies sur le système de santé, c'est sur nous qu'on tape." D'après les chiffres de l'Ordre des pharmaciens, une pharmacie fermerait tous les deux jours en France. Un paradoxe pour cette autre "première ligne" qui a l'impression de passer sous les radars de l'Etat, comme s'ils étaient indispensables mais invisibles.